Il s’agissait de ma première interview, tout en anglais, avec des questions préparées à l’avance afin de tirer au maximum profit des quinze minutes d’entretien accordées.
Pouvez-vous nous parler un peu de votre carrière et nous expliquer comment vous vous êtes retrouvé sur le film Les Cinq légendes ?Je travaille pour le studio Dreamworks Animation depuis au moins dix ans. Au départ, j’étais un « concept artist », je travaillais sur le design des jouets pour des films d’action. Finalement, mon rêve est devenu réalité. Dans mon enfance, je passais beaucoup de temps à dessiner, à jouer à des jeux vidéos, et pas assez à étudier. J’ai toujours eu une fascination pour créer de l’art, créer des mondes et des caractères. J’ai développé mon propre style graphique. J’ai étudié à l’école le dessin industriel, les dessins assistés par ordinateur. J’ai travaillé très dur pour le studio Dreamworks sur différents films et je suis devenu un « art director ». J’ai eu l’opportunité de devenir chef décorateur sur le film Les Cinq légendes.
Comment s’organise un jour de travail traditionnel au sein du studio Dreamworks Animation ?C’est vraiment une ambiance excellente à vrai dire. Je ne sais pas si vous avez pu voir des photos du campus. Aller y travailler, c’est comme partir en vacances. Nous y travaillons très dur et cela peut être aussi très intense, mais l’environnement est vraiment calme. Le studio est divisé en différents bâtiments. Cela ressemble assez à une université. Il y a différentes allées qui relient les bâtiments. Il y a aussi une rivière qui court sur le campus. Il y a un étang avec des poissons. Il y a aussi une cafétaria où les personnes peuvent manger autant qu’ils le souhaitent et gratuitement. Le petit-déjeuner et le repas du midi sont gratuits. On peut dessiner dehors ou aller dans son bureau et travailler sur son ordinateur. Une journée traditionnelle commence donc le matin par un petit-déjeuner avec vos collègues et on va ensuite travailler. Il y a plusieurs réunions de lecture où sont indiqués les besoins de la production. On travaille beaucoup dans son bureau sur son ordinateur en fonction des besoins. C’est en même temps une sorte de communauté. Il y a ainsi des concerts, des fêtes, des expositions et cela permet d’avoir un campus très collaboratif avec différents types d’environnements.
Quels sont vos films d’animation préférés et ceux qui ont été le plus une source d’inspiration dans votre travail et votre carrière ?Dans ma top list, celui qui m’inspire le plus est Brad Bird. J’ai adoré Le Géant de fer et Les Indestructibles. Comme genre, j’apprécie beaucoup les animes, l’un de mes préférés est Ghost in the Shell. Un autre réalisateur que j’adore également est Hayao Miyazaki et plus particulièrement Princesse Mononoke et Le Voyage de Chihiro. Ce que j’apprécie à propos de son œuvre est comment il arrive à gérer des idées abstraites, comme les esprits et la mémoire. Il en tisse une œuvre complexe, qui est pourtant facile à comprendre.
Quels sont vos projets en cours ?Je viens juste de finir de travailler sur le film Les Cinq légendes. Nous avons fini le film il y a quelques semaines seulement. Nous avons fait l’avant-première à New York le week-end dernier. Le film est enfin fini. Maintenant, je commence à travailler sur des projets en développement. Chez Dreamworks Animation, nous avons toujours une dizaine de projets en cours de développement. Ce n’est pas encore en production, c’est l’étape avant celle-ci. J’aide sur deux projets en développement, afin de voir comment le visuel peut être sur ces films.
Pouvez-vous nous parler un peu de votre livre « Kolonie L’Empire oublié » que vous avez écrit en collaboration avec Christian Schellewald ?Merci, très bonne question, j’apprécie votre question. C’est un projet personnel, j’ai travaillé dessus avec Christian Schellewald, un ami proche. Nous avons décidé de travailler ensemble sur ce projet personnel. Nous avons tous les deux une réelle fascination pour l’Amérique du Sud et l’Amérique Centrale. Tous les deux, nous adorons Los Angeles. Nous sommes d’origine allemande et nous sommes partis travailler aux Etats-Unis. Quand nous avons emménagé à Los Angeles pour la première fois, on a eu l’impression d’être sur une autre planète. C’était si étrange, si exotique, mais en même temps si beau. Nous nous sommes dit pourquoi ne pas concevoir une planète, un univers de science-fiction, inspiré par les choses que nous aimons. Nous avons passé beaucoup de temps à dessiner, à boire de la bière, à avoir du bon temps ensemble et nous avons pu concevoir ces planches de dessins. Notre maison d’édition a apprécié ce concept et nous a encouragés à la création de ce livre. Nous sommes venus avec une histoire, une carte de ce monde. A travers ce livre, nous avons pu trouver des volontaires, des amis qui ont apprécié notre projet Kolonie. Des étudiants des effets spéciaux aussi, d’autres artistes qui travaillent dans l’animation assistée par ordinateur. Nous sommes en train de développer un niveau de jeu inspiré de ce projet. Nous ne faisons pas un jeu, mais nous essayons de voir à partir du monde créé ce que cela pourrait donner. Si le projet arrive à terme, cela pourrait donner naissance à un jeu d’aventure. Je suis très content que vous m’ayez posé cette question.
Quels conseils donneriez-vous à de jeunes designers qui aimeraient travailler dans le monde du cinéma ?Le meilleur conseil selon moi est d’être vraiment sûr que vous êtes vraiment patient à propos de ce matériel. Concevoir un film d’animation prend énormément de temps. En général, en tant qu’artiste associé à un projet, vous passez deux à trois ans sur celui-ci. Vous devez être tout le temps très enthousiaste à travailler dessus, car cela demande énormément de votre temps. La patience est la clé de voûte pour tout jeune designer. Si vous êtes heureux, vous ferez du bon travail. Cette industrie est très compétitive. La seconde chose est que vous devez avoir une façon de travailler qui doit être très flexible et adaptative. Quand Dreamworks a commencé et a créé le studio d’animation, il y a eu Le Prince d’Egypte, La Route d’Eldorado et Spirit L’Etalon des plaines. Tout a alors basculé vers l’animation assisté par ordinateur et le studio est devenu un CG studio. Ensuite, ce fut le tour à l’introduction de la technique 3D. Actuellement, nous faisons encore plus de films qu’avant. De manière récurrente, il y a toujours certaines années où de grands challenges sont à relever. Vous devez être capable d’apprendre continuellement l’utilisation de nouveaux outils. Vous devez être très flexible dans votre manière de travailler. Il y a ainsi la passion pour votre métier et la flexibilité dans la manière de l’exercer.
Propos recueillis et traduits de l’anglais par Mulder, le 14 novembre 2012, à la Galérie Arludik, Paris 4ème.