Festivals - Cannes 2025 : Ethan Coen clôt le festival avec Honey Don't!, une comédie policière queer et sanglante qui fait un tabac

Par Mulder, Cannes, Palais des Festivals et des Congrès de Cannes, 23 mai 2025

Le 23 mai 2025, les inconditionnels du Festival de Cannes ont été comblés : ils ont pu assister à la projection de Honey Don't!, le dernier film déjanté d'Ethan Coen, une comédie policière bruyante, survoltée et délicieusement tordue. À minuit et demi (après un retard typique du Festival de Cannes), la salle était déjà en effervescence. À la fin du générique, le public s'est levé pour applaudir pendant six minutes un film qui mêle sang, homosexualité et absurdité à la Coen dans 90 minutes de folie cinématographique. Les acclamations n'étaient pas seulement polies, elles traduisaient une réaction viscérale à un film aussi effronté et imprévisible que le festival lui-même. Coen, toujours aussi pince-sans-rire, a pris le micro après l'ovation et a résumé la situation avec un timing parfait : « C'est une façon amusante de terminer le festival. Oh, et court, pour un film qui a commencé après minuit. Très humain. »

Honey Don't! n'est pas seulement une expérience effrontée de fin de soirée, c'est le deuxième chapitre de ce qui est affectueusement surnommé la « trilogie B-movie lesbienne » de Coen et de sa femme et co-scénariste/monteuse Tricia Cooke. Après Drive-Away Dolls en 2024, ce nouveau volet repousse encore plus loin les limites, créant un univers riche et chaotique mêlant noir queer, tension sexuelle et sordide sudiste, qui parvient pourtant à rester frais et audacieux. Cooke elle-même a donné le ton après la projection en déclarant : « Plus de cinéma queer, tout le temps ! », un sentiment qui a résonné dans la salle comme un gospel. Ces films ne se contentent pas de représenter la communauté queer, ils la célèbrent, sans complexe et fièrement bizarre, avec un clin d'œil aux traditions du cinéma grindhouse et un hommage à l'héritage de Coen, brillant mélangeur de genres.

Honey Don't! a également eu un impact émotionnel à Cannes. C'était la première apparition publique d'Aubrey Plaza depuis la perte tragique de son mari Jeff Baena au début de l'année. Son arrivée au Palais a immédiatement été saluée par les applaudissements et les cris sincères de la foule, notamment par un spectateur qui a crié « Je t'aime Aubrey ! » avec une sincérité qui a transpercé le glamour du festival. Elle se tenait aux côtés de sa co-star Margaret Qualley, qui semblait radieuse et sereine, d'autant plus que son mari, le producteur de musique Jack Antonoff, était à ses côtés. Visiblement fier et plein d'énergie, Antonoff a encouragé le public à continuer d'applaudir tandis que Qualley gloussait timidement pendant l'ovation. Leur collaboration créative s'est également répercutée dans le film lui-même : Antonoff a collaboré avec Coen sur trois chansons interprétées par Qualley dans le film, dont l'une dégage une atmosphère à la Lana Del Rey et s'accorde parfaitement avec le ton sensuel du film.

L'histoire elle-même est pure folie nocturne : Margaret Qualley incarne Honey O'Donahue, une détective privée d'une petite ville qui enquête sur une série de morts étranges liées à une église louche. Elle est douce, discrète et nettement plus cool que le charme décalé habituel de Qualley, ce qu'elle a elle-même souligné dans une interview accordée à i-D avant Cannes, en déclarant qu'elle avait dû réfréner son instinct naturel de « Scooby-Doo » pour incarner un personnage plus mystérieux et posé. Plaza incarne un policier local coriace qui entretient une liaison torride et compliquée avec Honey, jusqu'à ce qu'un tragique événement impliquant sa nièce plonge le récit dans le chaos. Et puis il y a Chris Evans, qui a manqué la première à Cannes mais domine l'écran, dans le rôle d'un prédicateur charismatique et malfaisant dont le sourire éclatant cache des motivations bien plus sombres. Charlie Day et Billy Eichner, qui volent la vedette, complètent le casting et injectent encore plus d'énergie frénétique à ce film déjà explosif.

Tourné à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, entre mars et mai 2024, Honey Don't! donne l'impression d'être un film qui n'a pas simplement été réalisé, mais qui a été libéré. Il y a un sentiment de danger dans la façon dont il avance à toute vitesse, mélangeant slapstick et sexualité, satire et gore. Produit par Focus Features et Working Title Films, et distribué par Focus aux États-Unis (avec une date de sortie prévue pour le 22 août 2025), le film est déjà programmé pour une sortie en France le 3 septembre. Sa première à Cannes, dans la prestigieuse section Midnight Screenings, ne pouvait pas mieux tomber. Ce film n'est pas destiné à concourir pour la Palme d'or, mais à rappeler l'esprit sauvage qui a fait la légende de Cannes. Il est transpirant, sexy, incisif et n'a absolument pas peur de son potentiel kitsch.

Ce qui rend Honey Don't! si spécial, c'est la façon dont il marie le plaisir trash du genre à un véritable savoir-faire cinématographique. La photographie d'Ari Wegner lui confère une atmosphère vive et néon qui évoque les comics pulp de fin de soirée, tandis que la bande originale de Carter Burwell ajoute une dimension émotionnelle inattendue. Le montage, réalisé par Coen et Cooke eux-mêmes, est d'une précision chirurgicale, et le film avance avec l'assurance d'un classique de minuit en devenir. Il ne s'agit pas seulement d'un détour original pour Ethan Coen, mais d'une nouvelle phase audacieuse. Avec Go Beavers, le troisième volet de la trilogie, déjà en préparation, il est clair qu'il ne s'agit pas d'une expérience unique. Coen et Cooke sont en train de construire quelque chose qui semble subversif et amusant, comme une mixtape punk rock mêlant féminisme noir et rébellion queer.

Honey Don't! ne se contente pas de divertir, il enflamme. C'est un film de clôture de festival qui ressemble à un rêve fiévreux, de ceux dont on se réveille en riant et en citant des répliques. Et s'il y a bien un film qui mérite de résonner dans la nuit cannoise sous les applaudissements et les cris de « Bis ! », c'est celui-ci. Ethan Coen s'est peut-être éloigné de la dynamique fraternelle qui l'a rendu célèbre, mais avec Honey Don't!, il prouve qu'il n'a rien perdu de son talent. En fait, il vient peut-être même de trouver un tout nouveau rythme.

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Synopsis :
Honey O'Donahue, détective privé dans une petite ville, enquête sur une série de morts étranges liées à une église mystérieuse.

Honey Don't!
Réalisé par Ethan Coen
Écrit par Ethan Coen, Tricia Cooke
Produit par Ethan Coen, Tricia Cooke, Robert Graf, Tim Bevan, Eric Fellner
Avec Margaret Qualley, Aubrey Plaza, Charlie Day, Chris Evans
Directeur de la photographie : Ari Wegner
Montage : Ethan Coen, Tricia Cooke
Musique : Carter Burwell
Sociétés de production : Focus Features, Working Title Films
Distribué par Focus Features
Dates de sortie ! 24 mai 2025 (Cannes), 22 août 2025 (États-Unis), 3 septembre 2025 (France)
Durée : 90 minutes

Photos : @fannyrlphotography