Festivals - Cannes 2025 : 13 jours, 13 nuits, de Martin Bourboulon, un film politique percutant

Par Mulder, Cannes, Palais des Festivals et des Congrès de Cannes, 23 mai 2025

Le 23 mai 2025, la Croisette n'était pas seulement une étape glamour de la parade rituelle des apparitions sur le tapis rouge du festival. Ce fut un moment de révélation, tant sur le plan personnel que cinématographique. Lyna Khoudri, l'actrice franco-algérienne en pleine ascension, est arrivée main dans la main avec Karim Benzema, vainqueur du Ballon d'Or 2022, pour la première de 13 Jours, 13 Nuits, l'adaptation très attendue du récit autobiographique poignant de Mohamed Bida sur la chute de Kaboul. Alors que leur relation était évoquée depuis des mois dans la presse people espagnole, leur main dans la main, discrète mais incontournable, sur les marches emblématiques du Palais des Festivals, a été une révélation publique sous les flashs des photographes internationaux. Khoudri, qui n'est pas une inconnue à Cannes après ses apparitions dans Papicha, Gagarine, The French Dispatch, Nos Frangins et Novembre, semblait à l'aise avec le cirque des caméras, mais a avoué au Parisien qu'« on ne s'y habitue jamais vraiment ». Son secret ? « Je laisse mon esprit vagabonder un peu... Je parle aux photographes, je plaisante avec eux pour briser la tension. » Cette année, avec Benzema à ses côtés, cette distraction semblait moins être une défense qu'un secret partagé.

Mais le véritable centre d'attention à Cannes en 2025 n'était pas les tabloïds, mais bien 13 Jours, 13 Nuits, un film politiquement engagé et émotionnellement brut qui a déjà commencé à faire écho bien au-delà du festival. Réalisé par Martin Bourboulon, connu pour ses superbes films historiques Eiffel et Les Trois Mousquetaires, ce nouveau projet marque un virage radical vers un univers plus sombre. Adapté du livre de Bida, 13 Jours, 13 Nuits dans l'enfer de Kaboul, le film retrace l'évacuation désespérée de l'ambassade de France à Kaboul après la prise du pouvoir par les talibans le 15 août 2021. Mais il ne s'agit pas d'un simple thriller géopolitique. C'est une histoire de survie humaine racontée à travers les yeux de diplomates, de travailleurs humanitaires et d'alliés locaux, où la bureaucratie se heurte à l'obligation morale et où la fuite dépend d'un seul faux pas. Avec Roschdy Zem dans le rôle du commandant Bida, le casting est mené avec gravité et détermination, soutenu par des talents internationaux et une production puissante sous la houlette de Pathé Films et Chapter 2.

Le tournage a débuté le 20 mai 2024 à Casablanca, choisie pour sa capacité étonnante à remplacer les rues brûlées par le soleil de Kaboul, et s'est achevé début août selon un calendrier serré et intense. Selon des sources proches de la production, la chaleur était implacable. Roschdy Zem, déterminé à incarner l'épuisement physique et psychologique de Bida, a insisté pour réaliser lui-même ses cascades, ce qui a donné lieu à un moment terrifiant où il se serait effondré de déshydratation après 12 heures de tournage. Un tel engagement est rare et en dit long sur le ton du film : immersif, implacable et profondément personnel. Le directeur de la photographie Nicolas Bolduc (Enemy, War Witch) capture le chaos non pas avec le vernis lisse des superproductions, mais avec une texture documentaire qui plonge le spectateur dans la tension nerveuse de chaque décision, de chaque ordre crié, de chaque seconde perdue.

Le rôle de Khourdi, qui incarne Eva, une travailleuse humanitaire franco-afghane, constitue la colonne vertébrale émotionnelle du film. Son personnage, inspiré de plusieurs figures réelles, incarne le déchirement et le courage de ceux qui ont choisi de rester et d'aider. Pour se préparer à ce rôle, Khoudri a interviewé de véritables travailleurs humanitaires et des réfugiés afghans, construisant son interprétation sur des faits réels plutôt que sur des embellissements dramatiques. Sa présence est tendre mais déterminée, moins celle d'une acolyte que celle d'une conscience qui guide la détermination de Bida. L'actrice danoise Sidse Babett Knudsen, connue pour son rôle dans Borgen, apporte autorité et vulnérabilité dans le rôle d'une diplomate française confrontée en temps réel à l'échec de sa mission. Il ne s'agit pas ici de caricatures héroïques, mais d'êtres humains épuisés, terrifiés et déterminés, qui agissent par instinct et par principe.

Le scénario, coécrit par Bourboulon et Alexandre Smia, s'appuie fortement sur les dissonances linguistiques et culturelles d'un Kaboul en ruine. Tourné en français et en anglais, le film reflète le chaos diplomatique de l'époque, où les malentendus pouvaient être fatals et où la confiance se négociait mot à mot. Le compositeur Guillaume Roussel, connu pour son équilibre entre tension et intimité dans 3 Days to Kill et Black Beauty, revient avec une bande originale conçue pour souligner l'angoisse sans la submerger. Les premières images promotionnelles laissent entrevoir des scènes claustrophobes dans les couloirs de l'ambassade, où le temps semble s'être figé et où la panique couve sous la surface. Selon des initiés, le film dure un peu moins de deux heures, un voyage intense et haletant qui refuse de laisser le spectateur détourner le regard.

Alors que la France attend avec impatience la sortie du film le 27 juin 2025, les premières projections tests auraient laissé les spectateurs bouleversés et émotionnellement vidés. Mais surtout, le film a suscité l'intérêt en dehors des cercles traditionnels du cinéma. Des analystes politiques, des ONG et même d'anciens diplomates le suivraient de près, impatients de voir comment il traite la complexité de ces treize jours. Ici, pas de glorification de la guerre, pas de victoires morales sans bavure, seulement la survie, le compromis et le poids de décisions impossibles. « La peur était constante », écrit Bida, « mais la paralysie n'était jamais une option ». Le film rend hommage à cette éthique sans la simplifier, rappelant que l'histoire n'est pas seulement faite par les généraux, mais aussi par ceux qui refusent d'abandonner les autres quand tout s'écroule.

Cannes 2025 a offert au monde une première qui alliait l'élégance d'un casting prestigieux à une urgence qui donne à réfléchir. Dans 13 Jours, 13 Nuits, on ne nous propose pas d'évasion, mais une confrontation, un regard sans concession sur un moment que beaucoup préféreraient oublier. Et pourtant, grâce à la vision sans concession de Khoudri, Zem et Bourboulon, nous nous rappelons que le cinéma peut encore être un outil de témoignage, d'empathie et de mémoire. Alors que les romances sur le tapis rouge faisaient la une des journaux, la véritable histoire d'amour était celle de la vérité, brutale, complexe et désespérément nécessaire.

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Synopsis :
Kaboul, 15 août 2021. Alors que les troupes américaines se préparent à quitter le pays, les talibans prennent d'assaut la capitale et s'emparent du pouvoir. Au milieu du chaos, le commandant Mohamed Bida et ses hommes assurent la sécurité de l'ambassade française, qui est toujours ouverte. Piégé, le commandant Bida décide de négocier avec les talibans pour organiser un dernier convoi avec l'aide d'Eva, une jeune aide humanitaire franco-afghane. Une course contre la montre s'engage pour évacuer les réfugiés vers l'aéroport et échapper à l'enfer de Kaboul avant qu'il ne soit trop tard.

13 jours, 13 nuits
Réalisé par Martin Bourboulon
Produit par Dimitri Rassam et Ardavan Safaee
Écrit par Martin Bourboulon, Alexandre Smia
D'après le livre 13 jours, 13 nuits dans l'enfer de Kaboul de Mohamed Bida
Avec Roschdy Zem, Lyna Khoudri, Sidse Babett Knudsen, Christophe Montenez, Yan Tual, Fatima Adoum, Shoaib Saïd, Nicolas Bridet, Sayed Hashimi, Avant Strangel, Benjamin Hicquel, Sina Parvaneh
Musique de Guillaume Roussel
Photographie : Nicolas Bolduc
Montage : Stan Collet
Sociétés de production : Pathé Films et Chapter 2
Distribué par Pathé Distribution (France)
Date de sortie : 27 juin 2025 (France)
Durée : 112 minutes

Photos : @fannyrlphotography