Festivals - Cannes 2025 : Richard Linklater enchante la Croisette avec Nouvelle Vague, une plongée lumineuse dans la naissance révolutionnaire de la Nouvelle Vague française

Par Mulder, Cannes, Palais des Festivals et des Congrès de Cannes, 17 mai 2025

Il est difficile d'exagérer l'électricité qui régnait dans le Palais des Festivals le soir du 17 mai 2025. Lorsque Richard Linklater est entré dans le Grand Théâtre Lumière, l'atmosphère était chargée d'anticipation. Nouvelle Vague, son hommage tant attendu à la genèse d'À bout de souffle, était enfin présenté en avant-première, et ce qui a suivi a été une célébration euphorique du cinéma lui-même. Avec ses images en noir et blanc au format classique 4:3, le dernier opus de Richard Linklater n'était pas seulement un film, mais une capsule temporelle, une invitation à marcher parmi les géants du Paris de 1959. Lorsque les lumières se sont rallumées après 105 minutes haletantes, le public s'est levé d'un bond et a applaudi à tout rompre pendant plus de onze minutes. Quentin Tarantino, qui n'est pas étranger à l'exubérance cinématographique, était parmi ceux qui applaudissaient le plus fort, pour la deuxième fois de la journée, après avoir assisté à une projection matinale. Nouvelle Vague n'est pas seulement un biopic sur Jean-Luc Godard, c'est une dramatisation vibrante de la réalisation chaotique et inspirée de À bout de souffle, le film qui a sans doute révolutionné le cinéma du XXe siècle.

Guillaume Marbeck incarne Godard avec une grâce troublante, tandis que Zoey Deutch canalise le charme lumineux et la frustration de Jean Seberg, et que le nouveau venu Aubry Dullin capture le charisme brut de Jean-Paul Belmondo. La mise en scène de Richard Linklater ne cherche pas à embellir l'histoire, mais plutôt à la recréer avec un réalisme texturé qui résiste à la nostalgie. Des sauts de montage à la bande-son discordante, chaque image semble être un acte de rébellion. Pourtant, il ne s'agit pas d'une simple imitation du style de Godard, mais d'une immersion, d'une sorte de méthode cinématographique où le film vit et respire l'esprit qu'il dépeint.

Il y a quelque chose de délicieusement méta dans le fait que Richard Linklater, un cinéphile texan, utilise la pellicule française pour faire revivre la rébellion très française qui a influencé son propre parcours cinématographique. Regarder ce film à Cannes, c'était comme assister à deux lettres d'amour parallèles : la première de Jean-Luc Godard à la possibilité même du cinéma en 1959, et la seconde de Linklater à Godard et à sa bande indisciplinée. Le film ne cherche pas à déifier, mais présente plutôt une analyse ironique et chaleureuse d'une révolution. Jean-Luc Godard y est dépeint comme un homme têtu, brillant, peu sûr de lui et irrévérencieux. On le voit se disputer avec Seberg à propos du maquillage (« Je peux au moins mettre quelque chose qui vient de chez Prisunic ? », supplie-t-elle), ignorer les calendriers de production, annuler le tournage lorsqu'il manque d'inspiration et distribuer les scripts à la dernière minute. Son mantra ? « Plus on répète, plus on s'éloigne de la vie. »

Ce qui rend Nouvelle Vague si captivant, c'est la capacité de Richard Linklater à humaniser le mythe. Ce ne sont pas des personnages lointains sortis d'un manuel scolaire, mais des amis qui s'invitent sur le canapé les uns des autres, volent des plans dans les rues de Paris et se demandent nerveusement si cette expérience lo-fi sera un jour diffusée. François Truffaut écrit des scènes dans le métro. Claude Chabrol donne des conseils ironiques. Le directeur de la photographie transporte une caméra de guerre et filme sans synchronisation sonore, car c'est tout ce dont il dispose. Et au milieu de tout cela, Jean-Luc Godard marmonne des citations et manifeste la croyance étrange que quelque chose d'extraordinaire est sur le point de se produire. Richard Linklater comprend que la révolution est rarement ordonnée ou confiante : elle est chaotique, exaltante et pleine de doutes.

Une partie du génie du film réside dans la façon dont il reflète l'esthétique chaotique de Breathless sans tomber dans la pastiche. La caméra flotte avec une liberté cinétique, la musique jazz ponctue les silences gênants, et l'on a constamment l'impression que les règles sont joyeusement enfreintes. Mais Richard Linklater y ajoute son propre sens du rythme et de l'humour. Il ne se contente pas d'adorer la Nouvelle Vague à distance, il s'invite à la fête et sert un autre verre de vin rouge à tout le monde. Il y a une scène particulière, filmée à travers la vitrine d'un café, où toute la philosophie du film s'effondre en un seul regard entre Seberg et Jean-Paul Belmondo. Pas un mot. Juste une étincelle de reconnaissance : quelque chose de radical est en train de naître.

Cette étincelle a été ressentie avec acuité à Cannes. Les applaudissements n'étaient pas seulement pour le savoir-faire, mais aussi pour la joie pure de voir le cinéma s'engager dans sa propre histoire sans tomber dans le didactisme. Le film de Linklater marche sur la corde raide entre révérence et espièglerie. Il dégonfle joyeusement l'idée d'un Godard génie monolithique tout en affirmant son audace. « Il ne s'agit pas de refaire À bout de souffle », a déclaré Richard Linklater dans les notes de production. « Il s'agit de vivre le moment où tout a commencé, quand personne n'avait encore défini les règles. »

Quentin Tarantino, fervent défenseur de l'histoire du cinéma, a clairement adhéré à cette approche. Son accolade à Linklater avant la projection a donné lieu à une séance photo improvisée, mais plus encore, elle semblait symboliser le passage du flambeau cinéphile : deux réalisateurs américains passionnés par le cinéma français, unis dans la célébration. Au-delà du glamour de Cannes, Nouvelle Vague fait déjà sensation sur le marché international. Goodfellas, l'agent commercial basé à Paris, suscite un vif intérêt de la part d'acheteurs désireux de présenter cet essai cinématographique vibrant au public mondial avant sa sortie en salles en France le 8 octobre 2025.

Alors que Cannes 2025 se poursuit avec son mélange habituel de drames sombres et d'allégories politiques, Nouvelle Vague est comme un espresso : vif, intelligent et revigorant. C'est un film qui nous rappelle pourquoi nous sommes tombés amoureux du cinéma : non pas parce qu'il explique le monde, mais parce qu'il ose capturer son chaos, son humour et sa beauté. Dans la scène finale, Jean-Luc Godard, seul dans une salle obscure, regarde son propre reflet scintiller à travers ses lunettes de soleil tandis que son premier film est enfin projeté sur grand écran. C'est un moment qui fait l'effet d'une révélation. Et lorsque les lumières se sont rallumées dans le Palais, il n'y avait aucun doute : Richard Linklater avait accompli quelque chose d'exceptionnel. Non pas en imitant Godard, mais en canalisant le même esprit rebelle qui a rendu possible la Nouvelle Vague.

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Synopsis
C'est l'histoire du tournage de Breathless par Godard, racontée dans le style et l'esprit du tournage de Breathless par Godard.

Nouvelle Vague
Réalisé par Richard Linklater
Écrit par Holly Gent, Vincent Palmo Jr., Michèle Pétin, Laetitia Masson
Produit par Laurent Pétin, Michèle Pétin, John Sloss, Richard Linklater, Mike Blizzard
Avec Zoey Deutch, Guillaume Marbeck, Aubry Dullin
Directeur de la photographie : David Chambille
Montage : Catherine Schwartz
Sociétés de production : ARP Productions, Detour Filmproduction
Distribué par ARP Sélection (France)
Date de sortie : 17 mai 2025 (Cannes), 8 octobre 2025 (France)
Durée : 105 minutes

Photos : @fannyrlphotography