Le premier long métrage de Christie Hall, Daddio, offre une exploration complexe et intime de la connexion humaine, qui se déroule dans les limites étroites d'un taxi de la ville de New York. La décision de Christie Hall de situer le film presque entièrement à l'intérieur d'un taxi n'était pas seulement un choix stylistique, mais une décision narrative délibérée qui lui a permis de se concentrer intensément sur la dynamique psychologique et émotionnelle entre les deux personnages, Girlie et Clark. L'espace confiné devient le creuset de leur interaction, amplifiant la tension et l'intimité entre eux, alors qu'ils traversent la ville tentaculaire et vibrante qui reste pour l'essentiel invisible mais omniprésente dans leur conversation.
Pour Christie Hall, raconter une histoire dans un cadre aussi restreint a posé d'importants défis créatifs, mais a également fourni une occasion unique d'approfondir les subtilités du dialogue et de la performance. Les limites physiques du taxi exigeaient de se concentrer sur les acteurs, leurs expressions et les changements progressifs dans leur relation. Le défi consistait à maintenir l'attention du public malgré l'absence d'action extérieure, en s'appuyant plutôt sur l'intensité émotionnelle croissante des échanges entre les personnages. Christie Hall a utilisé ces limites à son avantage, créant un film qui s'appuie sur le développement des personnages et le dialogue plutôt que sur les mécanismes traditionnels de l'intrigue.
Les origines de Daddio en tant que pièce de théâtre ont profondément influencé l'approche de Christie Hall pour le film. Lorsqu'elle a imaginé l'histoire pour la première fois, c'était pour un théâtre, où l'intimité de la conversation entre Girlie et Clark aurait été renforcée par la proximité du public. Lorsque le projet s'est transformé en film, Christie Hall a dû reconsidérer la manière de traduire l'immédiateté et la concentration d'une pièce de théâtre dans le langage visuel du cinéma. Ce changement a nécessité des ajustements subtils mais importants dans le scénario et la mise en scène. Sur scène, l'attention du public est naturellement attirée par les acteurs, mais au cinéma, Christie Hall a dû réfléchir plus attentivement à la manière d'utiliser la caméra, le rythme et l'environnement pour maintenir le même niveau d'engagement.
L'une des décisions les plus innovantes prises par Christie Hall a été d'employer des techniques de production virtuelle pour les scènes de cabines, en utilisant des écrans vidéo LED pour créer l'environnement. Ce choix a permis aux acteurs de rester ancrés dans la réalité de leurs performances tout en donnant aux réalisateurs le contrôle de la toile de fond visuelle. En simulant le mouvement de la ville à l'extérieur du taxi, la technologie a créé un sentiment de mouvement et d'immersion qui n'aurait pas été possible avec les techniques traditionnelles d'écran vert. Elle a également eu un impact significatif sur les performances des acteurs. Plutôt que d'imaginer le monde extérieur, Dakota Johnson et Sean Penn ont pu le voir en temps réel, ce qui les a aidés à rester connectés à la réalité de la situation de leurs personnages, conférant ainsi de l'authenticité à leurs interactions.
Les performances de Dakota Johnson et Sean Penn sont au cœur de Daddio . Leur alchimie à l'écran est palpable et leurs dialogues sont empreints de tension, de vulnérabilité et de confrontation. Dakota Johnson, qui a joué un rôle déterminant dans le choix de Penn pour le rôle de Clark, a travaillé en étroite collaboration avec lui pour façonner la dynamique de leurs personnages. Christie Hall décrit la collaboration entre Johnson et Penn comme étant au cœur de l'émotion du film. L'interprétation de Girlie par Johnson est vive et émotionnellement complexe, tandis que Penn apporte à Clark l'intensité d'un homme fatigué par le monde. Christie Hall a travaillé en étroite collaboration avec les deux acteurs, les guidant dans les moments de vulnérabilité et de confrontation, permettant à leurs performances d'évoluer naturellement dans les limites du taxi.
L'un des aspects les plus frappants de Daddio est la façon dont Christie Hall utilise les dialogues pour révéler la complexité de la vie intérieure des personnages. Le film aborde des thèmes profonds tels que la solitude, la dynamique du pouvoir, le genre et la vulnérabilité, le tout à travers le prisme d'une seule conversation. Girlie et Clark, bien que très différents par leurs origines et leurs points de vue, commencent lentement à éplucher les couches de leurs défenses au fur et à mesure qu'ils parlent. Christie Hall a été particulièrement attirée par la façon dont le cadre intime du taxi lui a permis d'explorer ces thèmes de manière subtile et nuancée. La dynamique du pouvoir entre les hommes et les femmes, par exemple, évolue constamment tout au long du film, mais Christie Hall ne laisse jamais la conversation devenir didactique ou unilatérale. Au contraire, elle permet aux deux personnages d'exprimer leur point de vue, en se confrontant souvent de manière brute et honnête.
Le dialogue du film est à la fois vif et souvent conflictuel, avec des moments de tension qui laissent place à des moments d'empathie inattendus. Christie Hall a pris soin de scénariser une grande partie des dialogues, mais a également laissé à Johnson et Penn la liberté d'apporter leurs propres idées et expériences à leurs rôles. Les deux acteurs ont contribué à façonner le dialogue, et Christie Hall a laissé place à des moments d'improvisation lorsque cela semblait naturel. Cette approche a permis d'ancrer les personnages dans la réalité, de sorte que leurs conversations semblent moins scénarisées et plus proches d'un échange authentique entre deux étrangers aux prises avec leurs propres vulnérabilités.
La ville de New York joue un rôle subtil mais crucial dans le film. Alors que les personnages sont physiquement enfermés dans le taxi, la ville à l'extérieur est toujours présente, influençant l'ambiance et la conversation. Pour Christie Hall, New York représente à la fois le chaos du monde au-delà du taxi et l'isolement que les personnages ressentent à l'intérieur. Le mouvement constant de la ville contraste avec l'immobilité des états émotionnels des personnages, soulignant leur solitude et les barrières qu'ils ont érigées autour d'eux. New York devient une sorte de troisième personnage silencieux dans le film, reflétant les luttes internes de Girlie et Clark alors qu'ils naviguent sur leurs propres chemins.
Clark et Girlie, malgré leurs origines différentes, forment un lien improbable au cours du film. Ce lien n'est pas fondé sur des expériences communes, mais plutôt sur un sentiment de vulnérabilité partagé. Christie Hall a voulu explorer l'idée que la connexion humaine peut se trouver dans les endroits les plus inattendus, même entre deux personnes qui semblent avoir peu en commun. Le tournant de leur conversation intervient lorsque les deux personnages commencent à baisser leur garde, révélant des histoires personnelles qu'ils n'auraient peut-être pas partagées dans d'autres circonstances. Le portrait que dresse Christie Hall de ce lien grandissant est subtil et profondément émouvant, montrant que l'empathie et la compréhension peuvent transcender les barrières sociales et personnelles.
Les différences générationnelles jouent également un rôle important dans le film, notamment dans la façon dont Clark et Girlie perçoivent le monde. Christie Hall utilise leur conversation pour explorer comment leurs perspectives sur des sujets tels que la technologie, les relations et le développement personnel reflètent des clivages culturels plus larges. Clark, avec ses opinions plus traditionnelles, se heurte souvent à la vision plus moderne de Girlie, mais avec le temps, ils commencent à trouver un terrain d'entente. L'exploration par Christie Hall de ces tensions générationnelles ajoute une nouvelle couche de complexité au film, soulignant comment le fossé entre les générations peut parfois masquer les liens plus profonds et plus humains qui nous unissent.
Pour Christie Hall, le passage de la scénarisation à la réalisation de Daddio a été à la fois passionnant et stimulant. Elle a découvert que si l'écriture lui permettait d'élaborer la voix des personnages, la réalisation lui donnait la possibilité de façonner leur présence physique et émotionnelle à l'écran. L'aspect le plus surprenant de la transition, selon elle, a été l'ampleur de la collaboration nécessaire pour donner vie à sa vision. Qu'il s'agisse de travailler avec des acteurs comme Johnson et Penn ou de collaborer avec l'équipe sur les aspects techniques de la production, Christie Hall s'est constamment adaptée et a appris tout au long du processus.
Le rythme du film, qui se déroule presque en temps réel, est un autre domaine dans lequel Christie Hall a dû trouver un équilibre délicat. Elle voulait que les pauses et les silences entre les personnages aient un poids émotionnel, permettant au public de ressentir la tension et la vulnérabilité croissantes sans jamais perdre l'engagement. Le processus de montage a joué un rôle crucial dans le maintien de ce flux, en veillant à ce que la progression naturelle du dialogue ne soit jamais perturbée par des coupes ou des distractions inutiles.
La bande sonore, composée par Dickon Hinchliffe, ajoute une couche supplémentaire à la profondeur émotionnelle du film. Christie Hall a travaillé en étroite collaboration avec Hinchliffe pour créer une musique qui complète le ton du film sans le dominer. La musique de Daddio est subtile mais efficace, renforçant le voyage émotionnel des personnages et soulignant les moments de réflexion entre eux. La vision de Christie Hall pour la musique était claire dès le départ : elle devait servir l'histoire et non la dominer, et la composition de Hinchliffe atteint magnifiquement cet équilibre.
Lors de la première de Daddio aux festivals du film de Telluride et de Toronto, Christie Hall était à la fois excitée et nerveuse de voir comment le public réagirait à son premier film. La nature intime de l'histoire, combinée aux performances puissantes de Johnson et Penn, a trouvé un écho profond auprès des spectateurs, dont beaucoup ont été frappés par l'exploration de la solitude, du pouvoir et de la vulnérabilité dans le film. Christie Hall a été particulièrement touchée par la façon dont le public s'est connecté aux histoires personnelles des personnages, voyant souvent des reflets de leurs propres expériences dans les conversations entre Girlie et Clark.
L'expérience de Christie Hall avec Daddio a sans aucun doute influencé son approche des projets futurs, et elle nous a parlé de son travail passé sur l'adaptation de It Ends With Us. Les leçons qu'elle a apprises sur la mise en scène, le rythme et le travail avec les acteurs lui ont permis de mieux comprendre le processus de réalisation, et elle est enthousiaste à l'idée de continuer à explorer de nouvelles histoires et de nouveaux thèmes en tant que scénariste et réalisatrice. La capacité de Christie Hall à saisir la complexité des liens humains et de la vulnérabilité continuera sans aucun doute à façonner son travail futur, faisant d'elle une cinéaste à suivre dans les années à venir.
En raison d'un problème de son pendant l'interview, nous avons malheureusement rencontré des difficultés avec la qualité audio. Par conséquent, nous avons adapté l'interview au format écrit afin de garantir que les précieuses idées partagées par Christy Hall soient toujours transmises de manière efficace. Nous vous remercions de votre compréhension et espérons que vous trouverez le compte rendu écrit informatif et intéressant.
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Synopsis :
Une femme qui prend un taxi pour se rendre à l'aéroport JFK engage une conversation avec le chauffeur de taxi sur les relations importantes dans leur vie.
Daddio
Écrit et réalisé par Christie Hall
Produit par Ro Donnelly, Terry Dougas, Christy Hall, Dakota Johnson, Paris Kassidokostas-Latsis, Emma Tillinger Koskoff
Avec Dakota Johnson, Sean Penn, Marcos A. Gonzalez, Zola Lloyd, Shannon Gannon
Musique : Dickon Hinchliffe
Directeur de la photographie : Phedon Papamichael
Montage : Lisa Zeno Churgin
Sociétés de production : Hercules Film Fund, TeaTime Pictures, Raindrop Valley, Projected Picture Works, Rhea Films
Distribué par Sony Pictures Classics (États-Unis), Metropolitan FilmExport (France)
Date de sortie : 28 juin 2024 (États-Unis), 4 décembre 2024 (France)
Durée du film : 100 minutes
Photos : Boris Colletier / Mulderville