Festivals - FCAD 223 : Notre entretien avec Karl Lagasse

Par Mulder, Deauville, Hôtel Barrière Le Royal, 06 septembre 2023

Karl Lagasse, est un célèbre artiste français né le 4 avril 1981 à Paris. Il a pu créer une influence indélébile sur l'art contemporain grâce à sa créativité débordante et à son dévouement sans faille. Il a été élevé dans une famille d'artistes entre Paris et Deauville, en Normandie. Sa passion précoce pour l'art a été nourrie par une rencontre fortuite avec le célèbre sculpteur César. L'impact durable de Karl Lagasse sur le monde de l'art contemporain, associé à sa passion inébranlable, à sa détermination et à son talent indéniable, est une source d'inspiration permanente pour les générations d'artistes à venir. Sa remarquable contribution au Festival du film américain de Deauville et son influence sur la scène artistique mondiale font de lui un artiste français remarquable.

Dans le cadre du Festival du cinéma américain de Deauville, nous avons pu nous entretenir avec lui et lui poser plusieurs questions :

Q : Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez été choisi pour créer le trophée d'un festival de cinéma aussi prestigieux que celui de Deauville ?

Karl Lagasse : Je suis passionné de cinéma depuis mon enfance, les belles images sont des œuvres d'art.  J’ai ressenti beaucoup d'émotions, un sentiment de consécration, de pouvoir avoir la chance de réaliser le trophée pour ce festival. Il faut savoir que j'ai été à l'école à Deauville et qu’il y a notamment une de mes œuvres à l'entrée de cette ville.

Q : Pouvez-vous nous parler du concept initial ou de l'idée que vous avez eue pour la conception de ce trophée ?

Karl Lagasse : L'idée de la conception de ce trophée est une continuité des autres trophées que j'ai fait auparavant pour le festival. On a retravaillé, la barrière la cabine de plage où les stars mettent leur nom, les réalisateurs, les acteurs, etc. On l'a retravaillée de façon à ce que, quand vous regardez le trophée de face, on puisse lire le "C" de cinéma, le H de "hop" pour l'espoir, le "D" de Deauville. Ces messages sont incorporés dans le trophée, dans les triangles de gauche à droite. 
Toutes les années de travail des acteurs, des réalisateurs et des gens qui le reçoivent, sont représentées et évoquées dans le trophée.

Q : Le trophée comporte des mots tels que "Hope" (espoir), "Wisdom" (sagesse) et "7ème Art". Que symbolisent ces mots dans le contexte du festival et de votre art ?

Karl Lagasse : Pardonnez-moi, ces mots-là sont incorporés sur le premier trophée que j'avais fait en 2017, qui a été remis à Morgan Freeman, Jessica Parker, Robert Pattinson, et Laura Dern. Ils ont reçu ce trophée, dont la version bulding  a été installée à l'entrée de Deauville. Ce cryptogramme reprend tous les mots que j'avais sculpté en 2017-2018. Sur le nouveau trophée, les lettres ne sont pas inscrites directement, elles sont plus cachées, symétriquement cachées ou juste évoqué avec des lettres.

Q : Quel message ou sentiment espérez-vous que les lauréats du Festival du Cinéma Américain de Deauville retiennent en recevant ce trophée ?

Karl Lagasse : Je pense que les lauréats du Festival du Cinéma Américain de Deauville, ayant une sensibilité à l'art, en recevant en trophée une œuvre d'art d'un artiste, sont envahis par un sentiment d'accomplissement. Parce que, avant tout on vit le même sentiment, la même magie, le même parcours, les même espoirs; derrière  les films qu'on peut voir  ou derrière l’exécution en atelier d’une pièce comme celle-ci en poli miroir, il y a beaucoup de travail, ça reste de l’art.

Q : Votre art véhicule souvent des messages et des émotions. Que voulez-vous que les gens ressentent ou pensent lorsqu'ils voient vos œuvres, y compris le trophée Deauville ?

Karl Lagasse : Alors, j'aimerais qu'ils ressentent la foi, ma foi, l'énergie positive que j'essaie de transmettre à travers chaque œuvre, les messages d’espoir. Je dis souvent pendant mon travail : « In God we trust! Braquer une banque, c'est plus simple que d'être un artiste ». Voilà, ce sont des messages.

Q : Comment vos origines franco-américaines ont-elles influencé votre style et vos choix artistiques ?

Karl Lagasse : J'ai fait un premier voyage à New York lorsque j'avais 7 ans, cela m'a vraiment ouvert l'esprit. Ma femme est américaine, donc j'ai prêté serment en devenant américain depuis l'année dernière seulement. Mais, je travaille sur les sculptures en billet d'un dollar depuis 2009. Les années 80 m’inspirent beaucoup. J'ai des souvenirs de graffitis dans le métro dans les années 88. On était tous avec la culture hip-hop, on dansait à Châtelet à l'époque, on faisait du breakdance. On regardait tout ce qui était américain, comme le rap en France, tous les mouvements de l'époque. L’art contemporain du graffiti vient des États-Unis, en effet le premier tagueur dans le métro était Taki 183 à l'époque. 

Q : Pouvez-vous nous parler de vos premières expériences avec les graffitis et les tags dans le métro parisien ? Comment ces expériences ont-elles façonné votre parcours artistique ?

Karl Lagasse : On a commencé à faire des graffitis à l'époque, dans les années 80. On était toute une bande de tagueurs, de graffeurs, de danseurs, de rappeurs et on bougeait ensemble dans le métro. J’ai toujours fait des graffitis et des collages, parce que ma mère était dans le collage. J'ai eu la chance de rencontrer et être influencé par Mimmo Rotella, qui réalisait des affiches arrachées. Lorsque je suis allé à l'atelier du fils de Vasarely, qui était à la Bastille, et que j'ai montré mes collages, on m'a dit, "Tiens, tu fais de beaux graffitis, tu devrais associer tes collages et tes graffitis". C'est dans cette galerie où j'ai fait ma première exposition à Paris en 2003, avec des toiles de mes graffitis et de mes collages.

Q : Vous avez évoqué votre rencontre avec le célèbre sculpteur César, qui vous a encouragé à poursuivre votre chemin artistique. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette rencontre et sur l'impact qu'elle a eu sur vous ?

Karl Lagasse : La rencontre avec César a été un peu magique. J'ai toujours grandi avec des compressions de César autour de moi. J'ai rencontré César devant chez moi, il venait à la maison. Je faisais du skateboard à l'époque et j'avais 7 ou 8 ans. J'étais tout petit, je jouais avec sa compression qu'il avait autour du cou, je la regardais, j'étais fasciné. En regardant ce que je faisais, il m'a encouragé. Quand on est un enfant et qu'on a un monsieur comme ça qui encourage, cela marque. Ce sont des moments un peu magiques, tout est multiplié quand on est enfant et comme le rêve cela laisse une trace. Voilà, j'ai une trace incroyable!

Q : Votre série Buildings est connue pour ses sculptures en forme de totem inspirées des gratte-ciel new-yorkais. Qu'est-ce qui vous attire dans cette forme architecturale et que représentent ces sculptures pour vous ?

Karl Lagasse : Cette idée est venue comme ça, en regardant Les Nuits Blanches à la télé. Je voulais vraiment trouver mon style dans la sculpture. C'est la construction ce qui m'attire, c'est ce que j'aime ! Construire une œuvre comme cela prend à peu près deux mois de travail: J'ai utilisé la technique du verre, du bois, du ciment et des photos de collage pour cette œuvre. Il faut découper à la main chaque carreau de verre, c'est vraiment un gros travail, parce qu'il y a des milliers de carreaux de verre pour cette œuvre. C'est un travail de construction vraiment long, ce qui me plaît. Un peu comme dans la vie, quand on fait un travail sur soi-même, de construction et on voit le résultat, c'est un peu comme une œuvre. Lorsqu'on la crée, au début, ce n’est rien, ce sont des morceaux de bois, des morceaux de verre, du ciment. Ensuite, après beaucoup de travail, cela prend vie. C'est un peu comme un être humain qui fait un travail sur soi, qui s'améliore, et au bout d'un moment, il voit le résultat. La création nous rapproche du Seigneur, puisque lui-même est le créateur.

Q : Vous avez travaillé avec différents matériaux, notamment le bois, le verre, le ciment et le bronze. Comment choisissez-vous les matériaux pour un projet spécifique et quel rôle jouent-ils dans la transmission de votre message ?

Karl Lagasse : Le choix des matériaux est important, les techniques changent suivant les matériaux utilisés. Le bronze est coulé en fonderie, dans des fonderies de bronze. Je ne suis pas le seul à intervenir sur une pièce en bronze, il y a des artisans, il y a toute une équipe selon la taille de l’oeuvre.

Q : Cryptogram One est décrite comme une œuvre verticale « interactive ». Pourriez-vous nous en dire plus sur l'aspect interactif et sur la signification de l'entrelacement des lettres et des chiffres dans cette œuvre ?

Karl Lagasse : Cryptogramme est une œuvre qui reprend des anciennes lettres d’imprimerie à la base, moulées en bronze. À l'époque, on imprimait avec ça, cela donne un aspect très ancien et très futuriste à l’oeuvre. J'ai essayé de réaliser cette œuvre avec des messages codés. On peut découvrir plusieurs mots à l'intérieur de cette œuvre, comme "révélation", "espoir", "together in God", "More love", "unité", "idée", des mots positifs. Cette œuvre est installée, comme j’ai précisé déjà, à l'entrée de la ville de Deauville et j'en ai une autre aussi au Texas, à Austin. 

Q : Vos œuvres véhiculent souvent des messages de paix et d'amour. Comment espérez-vous que votre art contribue à promouvoir ces valeurs dans le monde ?

Karl Lagasse : J'espère que l'art peut changer le monde et changer les esprits. On retrouve cette volonté exprimée par beaucoup d'artistes de street art qui réalisent des œuvres très fortes, très engagées, qui réveillent les consciences, qui réveillent les gens. Après, chacun voit une œuvre différemment, selon sa capacité de s’y projeter.

Q : Comment conciliez-vous vos différentes activités artistiques, de la sculpture à la photographie en passant par la peinture métaphysique ?

Karl Lagasse : Il y a des périodes pour la peinture, depuis trois ans, je peins tous les jours. En même temps, je fais de la sculpture. Quand je suis en déplacement, quand j'ai une photo marquante à faire, je la fais. J'ai toujours concilié tout ça. D'ailleurs, il y a une anecdote où j'avais fait une expo de photos à l'Espace Pierre Cardin, en 2006. J'ai une photo en aluminium qui est tombée par terre et elle s'est abîmée. J’ai plié cette photo, j'en ai fait une sculpture originale. Elle était morte, mais une œuvre ne peut pas mourir! Finalement, ce pliage, par la suite, a marqué toutes mes sculptures en billet d'un dollar. 

Q : Pouvez-vous nous faire part d'une anecdote ou d'une expérience mémorable ?

Karl Lagasse : J’ai été sélectionné pour travailler sur une Maserati Ghibli pour les 100 ans de la marque, 1914 à 2014, à Art Paris 2014. Il était 6 heures du matin, il fallait peindre la voiture et je n'avais pas le droit à l'erreur. Car il s’agit d’une peinture qu'on ne peut pas reprendre. Je savais ce que j'avais, les couleurs, le matériel, mais, je n'avais pas encore la direction. Mes mouvements dictés par mon inspiration ont réalisé une œuvre sans précédents, elle a beaucoup plu. Elle a été exposée à l'ambassade italienne de Paris et à Art Paris en 2014 à l'entrée du Grand Palais. L’expérience et la collaboration avec la marque, qui devaient être uniques, ont été, ensuite, reconduites une deuxième année, pour Art Paris 2015.

Q : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes artistes qui commencent leur parcours artistique ?

Karl Lagasse : Je donnerai aux jeunes artistes comme conseil de trouver leur style, de chercher. Le premier conseil que je leur donnerai, serait d'apprendre les techniques des matériaux, des couleurs, des différents styles de peinture. La technique est très important. Par exemple, avant de faire mes sculptures en building, j'ai appris la technique de la mosaïque.  Je me suis servi de cette technique à ma façon. C'est important de chercher son style, de trouver un style qui est propre à soi. Je peux leur conseiller d'apprendre des techniques et de continuer. Le plus important, c'est de ne pas lâcher. J'ai eu la chance d'avoir un frère, malheureusement aujourd’hui décédé, qui était un marchand d'art, et qui m'a dit que le plus important est de continuer. Je leur donnerai aussi le conseil d’aller visiter des musées d’arts contemporains où qu’ils soient dans le monde, de regarder la nature, la beauté des arbres, des paysages, du ciel. Voilà ce que je pourrais leur conseiller, regarder la beauté qui nous entourent, de s’en imprégner pour la retranscrire.

Avec tous nos remerciements à Karl Lagasse pour avoir répondu à nos questions.

Photos : Boris Colletier / Mulderville (à l’exception de la dernière photo)