La saga John Wick s'est imposée comme la meilleure des films d'action. Le dernier volet présente des cascades encore plus impressionnantes. Paradoxalement, les media parlent peu de ces hommes de l'ombre qui font le succès de cette saga : les cascadeurs. Mais, cocorico ! Pour John Wick chapitre 4 dont une partie se déroule à Paris, Chad Stahelski a fait appel à une équipe française : « une équipe fantastique, la meilleure que j'ai jamais eue ». Voici notre retour sur la rencontre avec Laurent Demianoff, chorégraphe et coordinateur des cascades, et Vincent Bouillon, doublure cascade de Keanu Reeves.
Q: Comment avez-vous été amené à travailler sur ce tournage ?
Laurent Demianoff : Chad Stahelski me contacte un an avant le tournage. Il souhaite faire appel à un chorégraphe français pour des actions spécifiques. J'ai pratiqué les arts martiaux japonais, chinois, le MMA, la boxe. Scott Rogers est le coordinateur des cascades. Je constitue mon équipe, (une cinquantaine de cascadeurs). Vincent Bouillon est validé par Chad Stahelski lui-même. Spécialiste des arts martiaux acrobatiques, Vincent suit un entraînement intensif. Nous préparons les cascades, en visioconférence avec Los Angeles. L'équipe américaine arrive à Berlin en mars 2021 pour la préparation (Studios de Babelsberg). J'arrive en Juin.
(Note : Ce tournage intensif de 18 semaines, a commencé en juillet à Berlin, aux Studios de Babelsberg, avant de venir à Paris en octobre, pour se terminer en Jordanie)
Q : Comment travaille-t-on avec Chad Stahelski, le réalisateur ?
LD : Chad a un haut niveau d'exigence au niveau de la performance. Il ne montre pas s'il est satisfait. C'est un moyen pour lui de continuer à faire monter le niveau d'exigence, de mettre la pression. Mais ce n'est pas un mauvais stress. C'est une pression pour que tout le monde donne le meilleur de lui-même. Chad est attaché à la culture japonaise, à la figure du samouraï. John Wick est un Ronin. Il a cessé de servir son maître. Cette culture se retrouve dans le style de John Wick : aïkido, judo, jujitsu. Il y a des signatures : quand le personnage tourne à 180° avant de monter, c'est de l’aïkido. Ensuite, il y a une volonté que le personnage de John Wick prenne plus d'importance, donc de mettre face à lui des adversaires plus redoutables qui vont faire monter l'intensité des combats. La recherche chorégraphique est plus poussée, pour se renouveler, ne pas rester sur la même ligne. Ensuite, tout ce travail, quand tu le vois sur grand écran, la magie opère.
Q : John Wick est très malmené physiquement dans ce film, est-ce compliqué d'être la doublure de Keanu Reeves ?
Vincent Bouillon : De base, c'est compliqué d'être la doublure de Keanu Reeves. Il est talentueux. Il faut essayer de l'aider au mieux dans ce projet, dans l'approche du personnage. Le personnage de John Wick prend cher. C'est un rôle parfait pour un cascadeur. Le réalisateur Chad Stahelski exige beaucoup. Il est l'ancienne doublure de Keanu dans la série de films Matrix. Ensuite, il est devenu chef cascadeur, responsable combats, réalisateur seconde équipe pour les cascades, puis réalisateur. Il faut être accroché physiquement et mentalement. Mais une fois que tu tournes, c'est le kiff total.
Q : Est-ce que Chad vous a donné des conseils pour faire la doublure de Keanu ?
VB : Chad parle peu. Il ne donne pas de conseils. Mais si cela ne va pas, il le dit.
LD : Chad avait sa manière de doubler Keanu Reeves. Il y a eu un moment clé lors de la préparation. A la première répétition générale avec tous les cascadeurs et l'équipe américaine, le degré d'attente était élevé. Cela a été un moment charnière pour Vincent. Chad lui a demandé : « comment tu t'appelles ? - « Vincent » - « Non, mauvaise réponse, tu t'appelles John Wick ». Il ne s'agit pas de doubler Keanu. Il faut avoir un mimétisme parfait, devenir John Wick. Vincent s'est imprégné du personnage. Chad a re-questionné Vincent lors d'une autre cascade intense. Il était sous pression. Et cette fois-ci, il a donné la bonne réponse. Il était John Wick.
Q : Keanu Reeves dit « Je ne fais pas de cascades. Les cascadeurs font les cascades »
LD : Il résume la réalité. Les combats sont chorégraphiés. Il n'a pas besoin d'être doublé pour ces combats. Après pour les cascades, tout comédien, quel qu'il soit, va avoir besoin d'un cascadeur, même Tom Cruise. Même quand certaines cascades sont réalisables par les acteurs, c'est inconscient de les envoyer. C'est stupide de mettre un comédien en flammes, en torche humaine. La doublure sert également de crash test dans l'élaboration de la cascade. Tom Cruise réalise des cascades de folie. Il risque sa vie. Mais avant, il y a eu toute une phase logistique. Les cascadeurs vont le mettre en sécurité.
Q : Est-ce que les cascades étaient très risquées ?
VB : On est sur un film réalisé par un ancien cascadeur, qui est passé par toutes les étapes. Il connaît le métier. Avec sa société 87 Eleven Action Design, il a créé une des meilleures équipes dans le monde de la cascade. Il s'entoure de personnes compétentes. Il y a beaucoup de réflexion en amont, et de la confiance.
LD : Le facteur risque existe toujours. Le travail du coordinateur consiste à minimiser la prise du risque. Mais le risque est réel pour la doublure, surtout dans un film d'action. L'escalier de Montmartre, c'est du béton, la voiture de la vrai tôle, …
Q : Comment gérez-vous la peur ?
VB : Quand on a une cascade à faire, on a conscience du risque. On utilise le stress pour qu'il nous porte. Il faut avoir cette peur, mais ne pas se focaliser sur la peur, ne pas penser aux conséquences. Il faut que j'ai conscience de ce que je vais faire. Je vais placer mon corps comme cela. J'utilise cette peur pour ne pas me blesser. Si tu as un point de peur et que tu sautes avec, cela veut dire que ton esprit n'est pas pleinement dans la cascade. Il est sur les conséquences de la cascade. Or il faut y aller à 100%, sans retenue.
LD : La peur est un processus de défense de l'être humain. Faut-il fuir ou combattre le danger ? Le stress, il faut l'adopter, le maîtriser. Face à un cascadeur sans stress, je vais me poser des questions. Peut-être que le cascadeur n'a pas appréhendé tous les risques. Même quand on a un degré de maîtrise du mouvement, dans ce métier, il faut toujours rester conscient du danger. Le stress est là pour te le rappeler.
Q : Quelle était la cascade qui vous a demandé le plus de travail ?
LD : C'est la scène tournée dans les studios de Babelsberg avec la caméra aérienne, un hommage aux jeux video. La synchronisation devait être parfaite, avec minutages des mouvements. Une très grosse préparation. Ensuite ce sont les cascades de l'escalier menant au Sacré-Coeur.
Q : Qu'est ce que cela fait de travailler avec Donnie Yen ?
LD : ça fait mal ! (rires). En Asie, la méthode de travail est différente. En Chine, au Japon, en Thaïlande, on est plus dur. Le cascadeur est prêt à prendre un coup. C'est culturel. Il n'y a pas de VFX. Un boxeur thaï prend 400 coups dans une soirée, lors de combats. Alors être payé 4 fois plus sur un film et ne recevoir que quelques coups... En Occident, nous avons une autre approche de l'humain et des combats. Avec sa carrière internationale, Donnie Yen s'est adapté à cette manière de tourner. En réalité, il faut pouvoir le suivre. Sa vitesse d'exécution est impressionnante. Il est précis. Pour tout cascadeur, tourner avec Donnie Yen, c'est un grand moment.
Q : En dehors de la saga John Wick, quels films de cascades vous ont nourris ?
LD : les films de Jackie Chan, une légende, le maître de l'action. Il reste la référence. Il produit lui-même donc pas de problèmes d'assurances. Il réalise les cascades lui-même. S'il se blesse, il tourne avec son plâtre. J'aime particulièrement « Opération Condor », son humour, ses belles cascades, soufflerie,
VB : Pareil, et dans un autre style Jet Li, Bruce Lee... Jackie Chan a mis la lumière sur les cascades, les films d'actions, sur notre métier.
Q : Et John Wick 5 ? Vous avez été appelé ?
LD / VB : No comment ! (Nous resterons donc sur la réponse de Chad Stahelski à la presse : «Keanu et moi allons faire une pause.»)
Lors de la première organisée au Grand Rex en présence du réalisateur Chad Stahelski et du comédien Keanu Reeves des cascadeurs sont venus montrer l’étendue de leurs talents devant les yeux ébahis des spectateurs :
Laurent Demianoff (Fight coordinator & Fight Choreographer)
Le fight co est celui qui met en place les combats à l’aide des chorégraphes. Les fights choreographer sont ceux qui imaginent les séquences de combats ou gun fight. Pour sa part il était également Fight choreographer, notamment pour les actions se situant en France dans le Film. Fils du pionnier du Kung Fu en France, Georges Demianoff, les Arts Martiaux ont occupé une place importante dans sa vie dès sa plus tendre enfance. D'abord maître des Arts Martiaux, ses compétences lui ont finalement permis de devenir cascadeur, chorégraphe et coordinateur de nombreux films français et internationaux.
Vincent Bouillon (Stunt double (doublure John Wick/Keanu Reeves)
Un Stunt double est un cascadeur qui sert de doublure à un acteur ou une actrice pendant les scènes à risques, ou dans les scènes comportants des mouvements techniques compliqués. Vincent Bouillon est connu pour John Wick : Chapter 4 (2023), Hunger Games : La Révolte - Partie 1 (2014) et Sense8 (2015).
Synopsis :
John Wick découvre un moyen de vaincre l'organisation criminelle connue sous le nom de la Grande Table. Mais avant de pouvoir gagner sa liberté, il doit affronter un nouvel ennemi qui a forgé de puissantes alliances à travers le monde et qui transforme les anciens amis de John en ennemis.
John Wick : Chapitre 4
Réalisé par Chad Stahelski
Produit par Chad Stahelski, Basil Iwanyk, Erica Lee
Écrit par Shay Hatten, Michael Finch
Basé sur les personnages de Derek Kolstad
Avec Keanu Reeves, Laurence Fishburne, Lance Reddick, Donnie Yen, Rina Sawayama, Shamier Anderson, Bill Skarsgård, Scott Adkins, Hiroyuki Sanada, Clancy Brown, Ian McShane
Directeur de la photographie : Dan Laustsen
Montage : Evan Schiff
Musique : Tyler Bates, Joel J. Richard
Sociétés de production : Thunder Road Pictures, 87North Productions
Distribué par Lionsgate (Etats-Unis), Metropilitan filmExport (France)
Date de sortie : 22 mars 2023 (France), 24 mars 2023 (États-Unis)
Un grand merci à Arthur Asparian pour la photo équipe de cascadeurs français de Laurent Demianoff avec l'accord d'Arthur Asparian (Laurent, Vincent, Chad, Keanu, Alex Lopoka, Aurelia Agel, Florian Beaumont, Arthur Aspaturian)