Festivals - Festival du film français américain 2022 : Notre interview de François Truffart

Par Sophie Janinet, Los Angeles, The DGA Theater Complex, 16 octobre 2022

A l'occasion du Festival du Film Français Américain, nous avons eu l'opportunité d'interviewer le producteur exécutif et directeur artistique du Festival du Film Français Américain, François Truffart.

Q : Pouvez-vous nous parler du processus de sélection des films qui sont présentés au festival ici à Los Angeles ?

François Truffart : C'est un processus d'un an en fait, qui commence juste après celui-ci pour l'année prochaine. Nous allons commencer immédiatement. Il y a tellement de films et de séries disponibles en France, donc nous devons travailler avec toutes les sociétés de production et les agents de vente en France. Je dois suivre le lineup de toutes ces sociétés pendant longtemps, au moins 12 mois avant le début du festival. Il s'agit donc d'un processus d'un an. Nous suivons également tous les grands festivals (en Europe ndlr) comme Berlin, Cannes, Venise... Pendant ce temps, je vais à Paris au moins deux fois et je reçois beaucoup de liens. 

Q : En gros, combien de films et de séries TV sélectionnez-vous par an par rapport au nombre de films et de séries que vous lavez pour les sélectionner ?

François Truffart : Cette année, nous avons environ 75 films et séries et je dirai que je vois peut-être entre 250 et 300 films ici, y compris les courts métrages.

Q : Combien de personnes sélectionnent les films, il n'y a pas que vous ? 

François Truffart : Je sélectionne les films mais nous avons un comité de programmation. Je dirais qu'ils ont plutôt un rôle de conseil. Je leur demande leur avis lorsque j'ai des idées pour le fun américain, ou si je dois choisir entre un ou deux films. Ils ont également leur mot à dire dans la sélection du film d'ouverture, parmi les 5 ou 6 films qui sont présélectionnés. 

Q : Comment faites-vous votre choix pour le film que vous allez montrer aux lycéens ici aux Etats-Unis ?

François Truffart : Très bonnes questions. Cela dépend vraiment. Nous essayons de changer chaque année pour montrer une année un documentaire, puis un drame la suivante, ou une comédie comme cette année. L'idée est de les rendre à l'aise avec les sous-titres et de leur faire croire que regarder un film étranger est très facile, et que cela peut être très divertissant. C'est vraiment notre objectif, encourager une nouvelle génération de spectateurs de films étrangers. En gros, j'essaie de trouver quelque chose qui soit divertissant et regardable, regardable dans le sens où vous savez qu'il y a des différences culturelles. Un contenu qui pourrait être acceptable pour les jeunes Français ne le sera pas forcément aux Etats-Unis. Je fais référence aux films montrant de la nudité ou de la sexualité par exemple, donc nous devons être très prudents avec ça.  Mais à part ça, nous avons un programme de lycée pour les élèves entre 15 et 18 ans. Je travaille donc aussi avec une association d'enseignants américains afin de confirmer que le programme leur convient. Nous travaillons également avec la Motion Picture Association (MPA) pour essayer de déterminer le classement des films, car certains d'entre eux ne sont pas encore classés. Le fait de les montrer à la MPA m'aide à confirmer si un film doit être classé PG - 13 par exemple. Je prends donc ma décision à la fin en tenant compte de leurs conseils.

Q : Vous faites cela depuis un certain temps, est-ce que vous êtes parfois capable de prédire quel film va remporter le prix du public à Paris lors de la cérémonie ?

François Truffart : Non, c'est difficile à dire, car comme vous le savez, c'est un programme très éclectique. J'essaie d'obtenir les meilleurs films pour le public américain. Mais au final, personne ne sait. Surtout pour le public Prix . Cela dépend vraiment. Parfois, il suffit de deux ou trois votes pour faire la différence. Je suis conscient que certains films peuvent être très provocants pour un public américain. C'est un choix conscient, même si cela signifie que le film n'a aucune chance de gagner, je veux quand même exposer le public américain à un contenu diversifié, quelque chose de nouveau.

Q : Avez-vous un exemple ?

François Truffart : Je n'en ai pas pour cette année, mais dans le passé, j'ai choisi des films dont je savais qu'ils ne gagneraient pas à coup sûr, mais nous avons par exemple, ce n'est pas cette année, mais dans le passé, nous avons quelque chose comme "je savais qu'ils voulaient un film, ils sont rentrés chez eux, ils ne gagneront pas le prix à coup sûr". Aucun exemple ne me vient à l'esprit pour le moment.

Q : C'est la fin de la semaine, est-ce que cela vous a semblé long, en tant qu'organisateur ?

François Truffart : C'est une très longue semaine mais c'est surtout excitant. Je ressens l'adrénaline. En fait, demain pourrait être plus difficile qu'aujourd'hui. 

Q : Pouvez-vous nous dire quel a été votre film préféré cette année ? 

François Truffart : C'est la seule question à laquelle je ne peux pas répondre, bien que j'aie mon préféré, bien sûr. Il y a des films que j'aime mais que je n'ai pas sélectionnés. Parce que je sais qu'ils ne sont pas les meilleurs pour le public américain. Et vice versa, il y a des films qui ne sont pas ma tasse de thé, mais que je sais parfaits pour le festival. Globalement, je dirais que sur l'ensemble de la sélection, il y a environ 15 films que j'aime vraiment.  

Après avoir obtenu une maîtrise en économie et politique à Paris (Université Dauphine), François Truffart a été attaché culturel chargé de la promotion du cinéma et des programmes de télévision français à l'ambassade de France en Hongrie (Budapest), au Japon (Tokyo) et aux États-Unis (Los Angeles) de 1991 à 2001. En 2001, il rejoint le Festival de Cannes pour devenir directeur de la Cinéfondation. De 2003 à 2004, il a été le représentant américain du Marché du film de Cannes. Il est responsable de la programmation du Festival du film français américain depuis 2004 et a été nommé producteur exécutif de l'événement en 2007. Il est l'auteur de Le Guide des Télévisions en Europe, publié par Bayard Press en 1991. François Truffart a été honoré par le gouvernement français de l'ordre de Chevalier des Arts et des Lettres.

Nous tenons à remercier François Truffart d'avoir répondu à nos questions.

Photos et vidéo : Sophie Janinet
Transcription : Sophie Janinet