Festivals - FCAD 2020 – Sons of Philadelphia - Notre interview de Jeremie Guez

Par Mulder, Deauville, Hôtel Barrière Le Royal, 08 septembre 2020

Sons of Philadelphia (Sound of Philadelphia) est un film policier écrit et réalisé par Jérémie Guez. Il a été annoncé en mai 2018 que Matthias Schoenaerts, Garrett Hedlund et Scoot McNairy ont été sélectionnés pour jouer dans le film. En février 2019, Joel Kinnaman, Ryan Phillippe Paul Schneider et Maika Monroe ont été annoncés au casting dans les rôles principaux. Le tournage a commencé en mars 2019 à New York. Sa première mondiale devait se tenir au Festival du film de Tribeca le 19 avril 2020, avant que le festival ne soit reporté en raison de la pandémie COVID-19. Le film sera projeté dans le cadre du festival du cinéma américain de Deauville qui se tiendra du 4 au 13 septembre. Jérémie Guez est un romancier (son roman Balancé dans les cordes a reçu le prix du polar SNCF en 2013) et un scénariste reconnu (La nuit a dévoré le monde, Rebelles, …). Son premier film Bluebird avec Roland Møller, Lola Le Lann et Verle Baeetens, est disponible en VOD depuis le 16 juin sur toutes les plateformes.

A l’occasion de sa Première mondiale dans le cadre du festival du cinéma américain de Deauville, el réalisateur et scénariste Jérémie Guez est venu présenter ce film et avec notre confrère de Fou de théâtre nous avons eu la chance de l’interviewer

Q : J’ai bien aimé votre film et je voulais vous le dire et en même temps j’ai trouvé qu’en terme de montage avec les flashbacks, les scènes assez courtes un peu ciselées comme cela, je me suis senti perdu et je me suis dit que vous l’aviez fait exprès déjà et je voudrais que vous m’en parliez un peu.

Jérémie Guez : en fait la double narration c'était un truc qui est assez fluide à l'écrit au scénario, ceci explique cela et au montage on se rend compte qu'on ne veut pas voir deux films qui avance en parallèle au même niveau il y a deux films dans un et en même temps il y a aucun film aussi donc ça devient très compliqué et la question rapidement ça a été de se dire qu'est- ce qu'on peut dire du passé qui puisse expliquer ce qui se passe dans le présent mais à rebours on n'est pas la scène explicative avant pour comprendre la scène suivante dans le temps présent donc on a choisi un peu d’inverser les placements et de commencer le récit comme ça un peu de but en blanc de manière très à brut et après d'introduire, de disséminer les flash-back en cachant les prénoms des personnages tout ça pour voir un peu qu'est-ce qu'on arrive à rattraper surtout il y avait ce test de le dire en montrant des gens est ce que même s'ils comprennent pas tous les relations familiales ce qui s'est passé même si s'interroge est ce qu'il y a une émotion générale qui se dégage du film qui leur permet d'être ému de l'apprécier ou d'être stressé et que l'on s'en fout la compréhension qu'à un moment le rythme avance tellement rapidement que le cerveau se déconnecte que si on je reste dans le film on arrête de se dire qui fait quoi et surtout voilà je me suis dit aussi il y a tellement aujourd'hui, il y a une sorte de code un peu idiot qui est de sur-mâcher la narration et cette angoisse est ce qu'on va bien comprendre ça et tout ça. Je suis sûr que les films que vous préférez il y a beaucoup de trucs qui sont balancés puis laisser aussi au gré de votre imagination et j'ai l'impression que c'était ça le cinéma avant et c'est un truc en train de se perdre et moi c'est un truc qui me manque de déjà tout comprendre de tout prévoir à l'avance et j'avais envie de revenir un truc un peu plus abrupt.

Q : je me suis dit aussi en effet on donne et on lâche mais je me suis senti désemparé en fait et j'ai aimé cette émotion parce que je me suis dit en fait le personnage principal se sent aussi désemparé. C'est que je me sente à distance il y a aussi cette distance par rapport à cette famille et j'ai aimé me ressentir un peu comme lui. . Comment avez-vous procédé pour adapter Brotherly Love de Pete Dexter et pourquoi ce livre en particulier ?

Jérémie Guez : alors pourquoi le livre, en fait, je l’ai lu, je connaissais l’œuvre de Pete Dexter mais j’étais passé à côté de celui-là. Je l’ai lu une première fois je me suis mis à le relire régulièrement et il y avait un truc qui me fascinait dans je ne sais pas le personnage principal. Je trouvais qu'il y avait un motif très beau après bon le livre se passe en gros de l'enfance à l'âge adulte mais en passant par l'adolescence c'est chaque fois des tranches de vie comme dans le film et il y a est un peu plus de temporalité et l'adaptation cela a été de se dire est ce qu'on peut se concentrer sur la fin de ces deux personnages et qu'elle est la quintessence de des rapports qu'ils ont et je me suis dit à ce sera chouette d'expliquer les rapports qu'ils ont en expliquant l'enfance de l'un des deux sans jamais montrer le deuxième et de montrer qu’en gros même Michael aussi pour rajouter de l'empathie sur lui aussi désagréable et diabolique soit-il, il a lui aussi hérité d'un rapport qui est celui que Peter avait avec son père et son oncle et une fois que j'ai un peu vu cela se dessiner ; je me suis dit là je pense que je peux commencer à l'adapter .

Q : quel est votre rapport avec le cinéma américain ?

Jérémie Guez : plutôt un bon rapport après je n’ai pas un rapport privilégié comme par rapport au cinéma italien, français ou japonais. Il y a des réalisateurs que j'admire énormément. Il y a des trucs que j'aime moins.

Q : Vous rendez quand même un bel hommage aux films noirs américains

Jérémie Guez : je suis content car il y en a beaucoup. La période en noir et blanc entre 1940 et 1955, il y a beaucoup de réalisateurs mais qui sont des réalisateurs européens souvent mais que j'admire beaucoup. Il y a beaucoup de films, c’est sans doute ma période préférée. De plus que c'est un film de mafia on parle souvent des films des années 60-70, il y en peut-être moins qui m'ont influencé en termes de films noirs moins en étant jeune que des films d'avant-guerre ou d’immédiat après-guerre.

Q : Pouvez-vous nous parler de votre collaboration sur ce film avec Matthias Schoenaerts, Joel Kinnaman, Maika Monroe et Ryan Phillippe ?

Jérémie Guez : je vais commencer par ordre d'ancienneté. Mathias j'ai tout de suite pensé à lui parce qu'il avait ce truc. Le projet, j'ai commencé à le développer il y a longtemps donc lui c’était le début de sa carrière internationale il sortait du film De rouille et d'os (2012), il a dit oui au moment du film Maryland (2015) si je ne dis pas de bêtises. Il avait ce truc de mâle alpha très beau et en même temps de fragilité. Il avait un côté un peu enfantin, un peu perdu et cela se transformait toujours en violence et je me suis dit ah qu'est-ce que serait ce personnage si j'utilisais le côté physique imposant du personnage mais qu'il était complètement aplati psychologiquement par quelqu'un qui a l'air moins fort physiquement que lui et je ne sais pas et je sentais que ça pouvait lui parler mais j’ai l'impression que le personnage, quand je pense aux personnages j'imaginais un type qui ressemblerait à Mathias pour un individu lambda il a l 'air inquiétant et quand on voit en fonction de gens avec qui il a des rapports familiaux il s'écrase et redevient un enfant. On a donc travaillé en amont dans cette direction. Joël, super rapport immense professionnel. Il est venu tardivement sur le film. Il tournait pour une production Apple TV+ (For All Mankind) et il faisait les cours d'accent. Il tournait la journée pour Apple TV+ et le soir il faisait des cours d'accent pour avoir l'accent de Philadelphie. Il me faisait un debriefing du scénario. Il avait
un niveau d'implication hyper impressionnant. Maika Monroe, idem, elle est une professionnelle. C'est le même niveau de d'implication et de professionnalisme. Ryan Phillippe c'était vraiment un rêve de gosse car il a joué dans beaucoup de films que j'adore. J'ai un film de chevet de 2000 c’est The Way of the Gun de Christopher McQuarrie et dedans il a le rôle principal avec Benicio Del toro. Je l’ai toujours trouvé très bon acteur. Il avait ce côté un peu pareil de sex-symbol américain dans les années 90 et homme en colère en même temp. Il a tourné avec beaucoup de super réalisateurs. J'ai pensé à lui et voilà donc il se trouve qu'il a dit oui. Franchement, c’est un homme très simple. Lui, il met les fringues dès le matin et va trainer en marmonnant et en répétant son rôle vers la machine à café. Pour vous donner anecdote, le premier jour où il est arrivé, il a mis son polo donc lui il jouait les scènes d'époque. Il est allé à la table de la régie et la deuxième assistante, elle m'a dit alors, Il n’est pas là Ryan Phillippe alors qu'il est à côté d'elle. Je lui ai répondu bah si il est à côté de toi.

Q : Cela me donner envie de vous parler de Matthias. J'ai un énorme coup de foudre pour tout ce qu'il fait. Dans ce film vous en avez parlé un peu donc mais je me suis demandé si je n'ai pas un peu fou ou atteint psychologiquement finalement. En fait je me trouve que pendant tout le déroulé du film progressivement il devient de plus en plus enfantin et à la fin j'avais presque la sensation de voir un corps et un esprit séparé. Il y a vraiment quelques scènes où il a une petite tête et un immense corps et je ne sais pas si vous l'avez fait exprès, si c’était intuitif ou c'est une émotion que j'ai eu moi tout seul

Jérémie Guez : non, je pense, c'est un truc que l’on a travaillé visuellement de comment compresser son corps avec les focales, lui de l'écraser, les effets de flou. Il est beaucoup dominé dans le film alors qu'il a un physique de dominants donc je pense qu'à un moment les ratios s'inversent et puis parfois à l'écran d'un plan à l'autre l'enfant qu'il était est beaucoup plus grand en taille à l'écran que l'adulte qu'il est devenu dans la scène d'après donc il y a un rapport peu troublant.

Q : il y a carrément dans l’une des dernières scènes entre l'enfant et lui ou on les reconnaît à ce moment-là alors que les autres fois

Jérémie Guez : ça c'est chouette. La grande angoisse du tournage c'était ce dire est ce qu'à un moment on est obligé de rajouter les prénoms et qu’on ne comprendra pas que l'enfant c'est lui et il y a un moment où les visages se confondent alors qu'ils n'ont pas du tout la même tête. Je suis content que cela fonctionne.

Q : Comment vous avez fait pour faire le tournage dans ces scènes qui sont si évolutives je trouve est-ce que vous avez tourné dans l'ordre mais ça c'est impossible. C'est un génie, Matthias peut-être ou alors vous avez fait un travail de script incroyable derrière.

Jérémie Guez : Je pense que Matthias est particulièrement génial.

Q : Vous parlez de l'évolution en fait de son personnage

Jérémie Guez : non, on en parle en amont après. On parle beaucoup en amont après il s'enferme avec ce que l’on s'est dit et puis il arrive près. Après il y a des ajustements mais il n’y a jamais de crise existentielle. Il a toujours une inconscience aigue de ce qu’il fait. Un exemple, pour dire que ça ne joue pas. On avait beaucoup parlé du personnage. Il est parti avec ses trucs, il est revenu et il m'a dit je sais que ce n’est pas écrit mais je pense qu’i faut que j'ai de petits gestes de tendresse envers Joël sinon on va penser que je le déteste tout le temps et on ne pas comprendre notre relation. Il m’a dit laisse-moi tenter de temps en temps quand je le sens. Un jour, Joel n’était au courant il y a plusieurs scènes la scène du cheval où il dit vient on y va, il le prend par la main les fois où il touche le visage notamment à la fin dans la forêt. Tous ces trucs-là, on ne les a même pas écrits parce que même lui, il n'était pas péremptoire mais il me disait, laisse-moi jouer si je dois le faire je le ferai naturellement sans que ce soit trop et finalement ce sont des trucs qu'on a garde au montage.

Q : quelle était la principale difficulté pendant le tournage de ce film. Y a-t-il une scène difficile en particulier ?

Jérémie Guez : Il y a toujours des conditions un peu compliquées sur tous les films mais je pense à une scène difficile. Il y a une scène très difficile, c'est la scène après que le restaurant de Jimmy a brûlé qui est joué par Paul Schneider et qui explique à Matthias ce qui s'est passé. Cela pour le coup, je dois beaucoup à Paul qui interprète Jimmy C'est une scène d'émotion ou le type à l'air un peu minable et peureux et puis il se confie à un type qui a lui-même un problème de lâcheté. C’était une scène extrêmement complexe. Comment lui peut raconter qu'on lui a brûlé son restaurant. C’est un truc dramatique et pas non plus un truc et c'était vraiment trouver cet équilibre et puis un moment dont on en parlait on en parlait avec Paul et je pense je n'ai pas les bonnes clés pour l’aider. Il m'a dit, je vais juste picoler midi et puis je vais essayer de me mettre dans la tête du gars et puis on verra si ça rate, on en fera une autre. On tournait longtemps dans le même endroit. Je lui ai dit tu sais quoi, on va faire ça et je trouve qu'il est venu avec une proposition super d'enlever ça. Il a dit moi je n’ai pas envie de mettre au lit tout habillé même si je suis bourré. J'ai quand même envie de me foutre à poil et voir un peu comment ça le fait. Je me disais cela va être ridicule à l'écran. On a fait une répète. Il a commencé je me suis bien ils ont ils ont compris et tout ça et Mathias il m'avait dit on fait qu'une répète en shoot tout de suite parce qu'en termes d'énergie il ne va pas tenir. Il ne va pas en tenir 50 comme ça donc je pense que c’était la scène la plus la plus difficile ou parfois le ton des scènes que j'appréhendais beaucoup qui s'est passé des mieux en terme de justesse, la scène du cheval mais dans Dexter il y a souvent ces scènes un peu au-dessus cela pourrait de la comédie, si c'était plus grave ça pourrait vraiment du rama et on est un peu entre les deux. On ne sait pas sur quel pied danser on est juste un peu mal à l'aise et c'était compliqué à rendre.

Q : vous êtes un écrivain très reconnu. Quelle a été votre envie pour passer au cinéma

Jérémie Guez : En vrai, j'ai toujours voulu faire du cinéma. J'ai toujours trouvé cela. Bizarrement j'ai écrit, j'ai publié des livres avant mais pour moi être écrivain c'était vraiment quelque chose qui était assez impossible dans le sens être un grand écrivain et il y avait un truc très violent d'être seul confronté à soi-même. Le cinéma il y avait les acteurs, il y avait le fait de voir un truc magique et de confier à des gens plus doué soi. Si j’écrits un livre, je ne peux pas avoir un Matthias. Il y a ce truc-là d'échanger avec des gens, de voir les scènes, de prendre du plaisir au quotidien, de ne pas penser seulement au résultat. Bosser avec des grands techniciens, des grands acteurs même dans les moments de stress même si peu importe l'issue il y a un moment où l’on st époustouflé. Se dire ce truc sur papier tout d'un coup ça se concrétise parce qu’il y a là le temps d'une scène d'un film. Ils sont les personnages que j’ai écrits. C’est un truc un peu magique sur lequel je fantasmais beaucoup et je n’ai pas été trop déçu de la réalité de ce fantasme. Je pense que c’est un exercice très différent mais j'avais toujours eu plus d'appétence pour le cinéma qui n’est pas forcément un art que je mets au-dessus. Je pense que j'ai plus de respect pour la littérature. Je trouve cela plus dur à achever d’un point de vue œuvre mais j’ai toujours. C’est plus un vrai travail d'équipe pour le coup et c’est cela qui est très plaisant.

Q : Quand on pense à Philadelphie, on pense à Rocky. Est-ce que cela vous a inspiré un peu pour les scènes de boxe dans le film ou peut être un autre film comme Raging bull ?

Jérémie Guez : C’est marrant, c’est un clin d’œil involontaire. C'est très compliqué de trouver un film avec des bonnes scènes de boxe même s'il y a des super films sur la boxe. Je ne sais pas quel est mon film de boxe préféré, peut-être Nous avons gagné ce soir (The Set-Up) (1949) de Robert Wise. Il y a aussi un film avec Daniel Day-Lewis The Boxer (1997) de Jim Sheridan, sur un type de l'IRA qui sort de six ans de prison et qui est un ancien boxeur. Si il y a des scènes qui ont m'inspirées c'est plus les scènes de ce film là et non. Je ne pensais pas à Rocky. Je me suis rendu compte qu'il y avait une dimension de Rocky qui m’était étrangère c’est qu’il y a un parallèle évident entre les habitants de Philadelphie et Rocky dans la mentalité et la fierté le côté humble, cols bleus, travailleurs, fiers de qui ils sont, un peu underdog. C'est vraiment une ville à la mentalité un peu différente et complètement contrastée par rapport à New York, à Boston qui sont les deux autres reines de la côte Est. En fait, dans tout ce qui touche à des gens qui ont grandi à Philadelphie, l’identité de la ville, j'ai l'impression maintenant de retrouver un côté Rocky. Cela m’a permis de comprendre mieux Rocky et de trouver une dimension encore sentimentale encore plus forte d’avoir vu les gens là-bas, qu’eux, ils soient fiers du film, les visites des marches. Je me suis dit qu’il y a plein de films qui auraient été tournés à un endroit il n’y aurait pas eu une telle empathie, identification des gens de la ville pour ce héros de fiction.

Synopsis :
Philadelphie. Il y a trente ans, la famille de Michael a recueilli Peter à la mort de son père, dans des circonstances opaques. Aujourd’hui, Peter et Michael sont deux petits malfrats aux tempéraments opposés. L’un est aussi violent et exubérant que l’autre est taciturne. Quand Michael est désigné comme « gênant » par la mafia italienne », le passé trouble de la famille ressurgit…

Sons of Philadelphia (Sound of Philadelphia)
Ecrit et réalisé par Jeremie Guez
Produit par Aimee Buidine, David Hinojosa, Julien Madon, Christine Vachon
Basé sur Brotherly Love by Pete Dexter
Avec Matthias Schoenaerts, Joel Kinnaman, Maika Monroe, Paul Schneider, Ryan Phillippe
Musique de Séverin Favriau
Directeur de la photographie : Menno Mans
Montage : Damien Keyeux, Brett M. Reed
Production : Cheyenne Films, Killer Films, Brookstreet Pictures
Distributeur : Les Bookmakers / The Jokers (France)
Date de sortie : le 30 décembre 2020
Durée : 90 minutes

Photo : Boris Colletier / Mulderville