Q : Pourquoi avoir fait ce film ?
Johnny Knoxville : nous avons pensé il y a huit ou neuf ans qu’il fallait essayer de rassembler tous nos sketchs mais cela ne s’est pas fait et le temps a passé. Il y a eu d’autres films et puis, nous nous sommes dit le seul moyen était que le scénario pouvait être justement d’avoir l’idée de ce petit garçon au moment des funérailles qui devait être renvoyé chez son père. Ils devaient traverser le pays.
Derek Freda : Nous nous sommes dit un film de quatre-vingt-dix minutes où on proposait simplement des sketchs étaient impossibles. L’histoire s’est imposée
Q : Moi, ce qui m’intéresse c’est que c’est une idée de la Paramount et j’aimerais savoir pourquoi ce n’est pas eux qui ont eu cette idée-là de faire un long métrage de ce personnage qui était déjà dans les sketchs de Jackass ?
Knoxville : Je ne sais pas, il y a tellement de choses auxquelles je ne pense pas. C’est vrai c’est eux qui l’avaient suggéré et nous nous sommes dit pourquoi pas.
Q : Dans ce film de comédie comment gérez-vous la réaction des gens en direct. Certains sont pétrifiés. Comment gérez-vous le timing des scènes ?
Knoxville : Nous avons plusieurs caméras et nous ne manquons pas de ce fait la scène. Nous avions des caméras partout. Si nous n’arrivions pas à obtenir la réaction des gens, nous n’avions pas la scène.
Freda : Nous avons pratiquement filmé pendant un an.
Knoxville : nous avons tourné environ soixante jours sur une durée de dix mois.
Q : Comment avez-vous choisi le petit garçon qui est formidable ? Cela a-t-il été dur de le trouver et comment avez-vous travaillé avec lui ? On dit souvent que les enfants peuvent voler la vedette. Avez-vous eu peur de cela ?
Knoxville : l’enfant a en effet volé le rôle de la vedette aussi ici. J’avais déjà tourné un film avec lui à Cleveland dans l’Ohio et il avait sept ans à l’époque et il m’insultait verbalement et physiquement pendant tout le film et je suis juste tombé amoureux de lui. Je me demande ce que j’aurais fait si je ne l’avais pas rencontré. Vous pouvez toujours trouvé un enfant qui est mignon et bon acteur mais trouver un enfant qui peut jouer comme un adulte et qui est sans peur c’était une chance sur un million.
Freda: nous avons fait passer des auditions à plusieurs enfants avant de choisir Jackson Nicoll mais une fois que nous l’avons rencontré on a su que c’était lui et pas un autre. Nous avions besoin d’un enfant qui soit à l’aise.
Q : Combien d’enfants avez-vous auditionné ?
Freda : nous avons dû voir une cinquantaine d’enfants
Knoxville : et auditionné deux ou trois avant de choisir Jackson sur les cinq sélectionnés .
Q : Avez-vous des références en terme de comédie, de films pour faire ce film là ? Je pense par exemple à Big Daddy avec Adam Sandler .
Knoxville : Je n’ai jamais vu le film Big Daddy. Mais le film Paper Moon (1973, Peter Bogdanovich) a été l’une des références et également tous les films dans lesquels jouaient Walter Matthau un vieux grognon. Son caractère a été une grande source d’inspiration pour moi.
Freda : Paper moon a vraiment été notre plus grande source d’inspiration.
Q : Que cela soit dans les émissions de télé ou dans ce fameux film que vous venez de faire, vous êtes toujours déguisé en grand père. Qu’est-ce que vous apporte ce costume ? Quelles sont les choses qui ont été évitées du fait que vous êtes déguisé en grand-père ?
Knoxville : Cela a commencé par une recommandation de Spike Jonze. Il voulait ce personnage de vieil homme pour toutes les farces. Il est arrivé un moment où il ne pouvait plus être lui-même le personnage. Il avait déjà travaillé avec Tony Gardner (Responsable effets spéciaux maquillages). Il m’a dit que l’on devrait essayer. On a utilisé ce personnage dans la série télévisée Jackass.
Freda : Ce personnage rend les gens autour plus vulnérables. Les personnes tendent à avoir de la sympathie pour lui. C’était ainsi plus facile d’obtenir des réactions des gens car ils pensaient parler à un vieil homme. C’était en effet un bon avis. Les gens se prêtent aux jeux et il y a moins de réticences.
Q : J’aimerais savoir sur toutes les situations dans le film si vous deviez en retenir qu’une seule, celle qui vous a le plus fait rire est laquelle ?
Knoxville : le concours de beauté et la scène dans le club de striptease furent très sympas à tourner. Il y a eu beaucoup de moments sympas mais probablement ces deux-là furent les meilleurs.
Q : personnellement j’ai adoré ta prothèse testiculaire et j’aurais aimé savoir où je peux acheter la même pour mon prochain entretien individuel pour demander une augmentation ?
Knoxville : c’est Tony Gardner qui les a fabriquées. J’en ai environ dix-sept paires dans mes chaussettes qui font soit environ cinq centimètres soit environ quatre centimètres. Il faut donc lui demander et il pourra vous en procurer. Pour votre boss, je vous recommande celles de quatre centimètres.
Q : Jackass commence à dater un peu. Vous aviez la vingtaine quand vous avez fait cela. Maintenant que vous êtes sur la quarantaine, pensez-vous continuer, vous en particulier encore longtemps ce genre de farces ?
Knoxville : Peut-être que je pourrais continuer indéfiniment mais ce sont les cascades qui risquent de me rattraper mais je continuerai à faire des cascades. Certes je devrais bien arrêter un jour mais pas maintenant.
Q : Quels sont vos projets en cours ?
Knoxville : On travaille sur deux documentaires. Je pense que l’on pourrait faire un autre film comme Bad Grandpa avec un scénario. Je fais également des films plus traditionnels. Je fais appel à vos idées tant que c’est quelque chose d’excitant.
Q : vous devriez essayer un personnage très obèse car cela fonctionne bien. On a pitié d’eux.
Knoxville : c’est une bonne idée que Spike a eu pour Jackass 3D. Il était déguisé en femme obèse. Mais malheureusement cela n’a pas pu être retenu dans le montage final. Il faisait en plus extrêmement chaud ce jour-là. Il était presque déshydraté et avec ce déguisement par-dessus on a très vite très chaud.
Q : Vous pouvez aussi essayer de jouer un catcheur car vous avez déjà participé à deux shows de catchs il y a quelques années.
Knoxville : effectivement mais je ne me sens pas très brillant dans ce sport et rôle- là.
Q : J’aimerais savoir si vous connaissez Michael Youn en France qui est un peu votre équivalent et comment vous expliquez le gros succès du film aux Etats-Unis
Knoxville : je ne le connais pas mais je chercherai des informations sur lui. Je ne sors pas beaucoup. Quand je suis chez moi je suis avec mes enfants. Je ne sais pas comment expliquer le succès de ce film aux Etats-Unis. Nous en sommes très reconnaissants. Il y a l’esprit Jackass et nous avons gardé le même dans Grandpa. C’est un esprit très particulier entre nous les cascadeurs et il y a une sorte d’amitié très différente chez nous. Entre Jackson et moi, il y avait aussi ce même esprit. On le ressent et cela doit transpirer dans le film et c’est peut-être ce qui peut expliquer le sujet.
Freda : je ne sais pas non plus comment l’expliquer. Jackass n’a jamais été un film pour lequel mes amis emmenaient leurs enfants, peut-être qu’ils le regardaient chez eux en DVD et ils se couvraient leurs yeux lors de certains passages. Je pense qu’il y a le même esprit. Pour Bad Grandpa, ils ont pu emmener leurs enfants pour ce film narrant la relation entre un grand père et son petit-fils. Cette relation-là a apporter quelque chose.
Q : C’est très édulcoré dans Bad Grandpa mais à la base Jackass c’étaient des sketchs un peu violents et compliqués qui vous avaient amené plusieurs fois à l’hôpital. Ce n’est pas forcément de bons exemples pour les enfants. Maintenant que vous êtes père, n’avez-vous pas peur en tant que père de donner un mauvais exemple aux enfants et en particulier aux vôtres.
Knoxville : Quand nous faisions Jackass on montait toutes les pires cascades à la fin du tournage du film. On avait donc tout ce que nous avions besoin avant de nous casser quelque chose. Dans ce film, nous avions aussi prévu de faire des cascades mais la relation entre ce grand père et son petit-fils fonctionnait très bien donc on a décidé de ne pas les inclure. Ce film n’est pas aussi dur que les films Jackass car c’est différent. Nous avions ici une histoire et une relation forte entre deux personnages. La naissance de mes enfants n’a rien changé à ce niveau.
Freda : Nous avons tourné d’autres scènes qui ne sont pas dans le montage final du film. Les scènes avec Catherine Keener et Spike Jonze ont été coupées. Une fois que nous nous sommes rendus compte de la force de l’histoire, beaucoup de choses ont été laissées de côté.
Q : Dans ce cas, dans l’édition vidéo, ces scènes seront-elles présentes ?
Knoxville : il y en aura bien entendu mais l’année prochaine on sortira aussi Bad Grandpa .5. Je ne pourrai pas vous dire pourquoi ce chiffre et où on mettra tout ce qui n’a pas été gardé.
Q : en parlant d’hôpital, combien de fois y avez-vous séjourné jusqu’à maintenant ?
Knoxville : je ne sais pas mais un nombre important. Derek m’y a emmené de nombreuses fois. Cela nous a aidé notamment quand on tournait en Espagne. Derek parle espagnol et il m’a appris comment dire le nom de certains médicaments.
Freda : je sais maintenant comment accéder à la salle d’urgence le plus rapidement possible et demander un médecin.
Q : Grandpa offre une vision décalée des Etats-Unis avec ces enfants dans le concours de beauté ou les hells angels. Peut-on envisager votre film comme un film politique ?
Knoxville : nous n’avons pas voulu trop mettre un aspect politique dans le film. Cela dépend de votre point de vue. Ce n’était pas notre attention. On voulait juste divertir et étonner.
Freda : dans la plupart du temps, nous avons mis de bonnes personnes dans des conditions particulières et regarder leurs réactions. Nous n’avions aucun agenda de prévu de choses à montrer. Les situations amènent des réactions et nous les regardions. Nous ne sommes pas à l’origine de cela.
Q : Que pensez-vous de la comparaison que nous faisons souvent entre vous et Sacha Baron Cohen ?
Knoxville : J’aime cet acteur, il est très marrant. J’ai apprécié les films Bruno, Borat et je suis impatient de découvrir son prochain film.
Q : J’aimerais juste revenir sur les suggestions d’idées de films. Je pensais à un film avec toute l’équipe de Jackass en version post apocalyptique avec des zombies comme Shaun of the Dead.
Knoxville : merci pour cette bonne idée. On peut vraiment commencer l’écriture du script maintenant si vous le souhaitez. Le barman va nous servir à boire et on va attaquer l’écriture du script.
Q : Comment se passe l’écriture à plusieurs ?
Knoxville : en général, on s’assoit dans une pièce et on se met à écrire et un tas d’idées est lancé. Environ une heure voire une heure et demie est le temps maximum que vous pouvez vous concentrer. Je travaille plus facilement tout seul et je vais proposer des idées au groupe. J’essayais d’anticiper chaque réponse possible sur les situations que nous mettions en scène. Ces réactions m’amenaient à créer de nouveaux sketchs. Avant le démarrage du tournage, j’appréhendais réellement ces trois heures de maquillage. Finalement, s ‘asseoir dans une chaise pendant trois heures pour le maquillage a été un gros plus. Je pouvais réellement me concentrer et je pouvais réfléchir à cela.
Freda : chaque jour avant de tourner et pendant qu’il se grimait pour le rôle, c’était environ trois heures et demie pendant lesquelles on réfléchissait sur ce que nous allions faire dans la journée. On a beau écrire et anticiper les réactions, on peut avoir raison ou avoir tort mais il faut avoir les deux en tête. Il faut se préparer et anticiper pour que sur le moment on puisse réagir. C’est la seule manière de travailler sur des sketchs.
Q : Je rebondis sur cela et j’aimerais bien savoir ce qui s’est passé avec le monsieur dans la scène du pingouin. On voit dans le film que vous avez scénarisé et que vous avez réussi à l’avoir. J’aimerais savoir comment cela s’est terminé ? Il avait l’air d’être très chaud.
Knoxville : ce qui s‘est réellement passé c’est que j’ai dû me retenir de le provoquer. J’ai eu tellement de joie dans cette scène. Je ne pouvais pas m’arrêter. Il était tellement en colère. J’ai dû m’arrêter car j’aurai pu continuer longtemps. L’assistant réalisateur a dû intervenir. Ce que j’ai anticipé, c’est que j’allais frapper le pingouin et qu’un employé allait me crier dessus pendant trois ou quatre minutes et il allait rentrer ensuite dans sa boutique. Je n’avais pas anticipé qu’un homme avec une si profonde connexion avec ce pingouin puisse arriver. Dans une autre scène dans laquelle mon personnage essaye d’envoyer un colis avec mon petit-fils, avant de filmer cela, mon expectation était que personne ne pouvait tomber dans ce piège. Je me suis dit que nous allions quand même essayer. Ma confiance dans cette scène était faible. Je n’avais pas anticipé qu’une personne puisse à ce point rentrer dans le jeu. Dans le cas présent, il s’agissait de deux personnes. Le sketch a duré une demi-heure. Je ne savais pas quoi faire d’autre. J’ai juste traversé cette scène car elles ont tellement marché que même moi je n’en revenais pas. Elles étaient si gentilles.
Freda : je pense que c’est une des scènes où tu as le plus de joie car tu avais la personne parfaite en face de toi dans tes mains. La scène du pingouin est un exemple parfait d’une chose complètement imprévue. Nous avions prévu certes une réaction de l’employé. On a eu la chance de tomber sur quelqu’un qui allait manger et est passé juste au bon moment. Ce n’était pas du tout l’employé. Le sketch a pris une toute autre tournure. Cela devait être un sketch de transition et c’est devenu une histoire en soi.
Knoxville : Cela sera bien dans Grandpa .5, cet extra footage de la scène du pingouin. Cet homme était parfait dans son rôle et aurait pu faire de l’improvisation. Il avait un monologue qui partait tout seul. Comme vous voyez, je garde un excellent souvenir de cet homme.
Q : Le film est dédié à Ryan Dunn. Pouvez-vous nous dire un petit mot sur lui ?
Knoxville : Notre film est dédié à Ryann. Je ne sais pas quoi dire à propos de cela. Nous l’aimions beaucoup. Il reste à jamais dans nos mémoires. Nous avons filmé à Cleveland. A la fin du film, on voit mon personnage aller vers un cimetière. On pense que mon personnage va voir sa femme mais en réalité, on était à Cleveland à vingt minutes de l’endroit où est enterré Ryann et nous étions en train d’aller le voir. On a filmé cela mais c’était tellement douloureux pour tout le monde que nous ne l’avons pas gardé pour le film car cela allait changer toute l’énergie du film à la fin. Ce fut un moment très dur évidemment.
Avec nos remerciements à Marie-Clémentine et à Gwenn de l’agence WaytoBlue
Photos: Mulder