Entretiens - Fredrik Bond - Version française

Par Mulder, Deauville, 06 septembre 2013

Q: The Necessary Death of Charlie Countryman est votre premier film. Mais il paraît que vous avez déjà une expérience importante en qualité de réalisateur. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de votre carrière et de votre expérience ? Comment pouvez-vous, dès votre premier film, réaliser un aussi bon film ? Je l’ai vu hier, c’était excellent et je l’ai bien aimé.

Fredrik Bond: Merci beaucoup. Et bien, vous savez je pense qu’en venant du monde de la publicité, vous passez énormément de temps sur les plateaux de tournage. Vous travaillez avec une équipe et des chef opérateurs qui sont excellents. Vous établissez une relation avec les membres de l’équipe. Quand j’étais en train de faire ce film, je n’étais pas réellement inquiet au sujet de la technique. Je pense au contraire avoir été à l’aise de ce côté-là. Ce qui était nouveau pour moi, c’était de travailler avec des acteurs. J’ai passé beaucoup de temps avec mes acteurs. Je voulais réellement mettre l’accent sur leurs interprétations. C’était ainsi une progression naturelle pour moi, de passer du monde de la publicité au monde du cinéma.

Q: Qu’est-ce qui vous paraît plus compliqué du point de vue de la réalisation : une publicité ou un film ?

Bond: C’est une bonne question. Je pense que tout est un défi pour soi. Mais je pense bien sûr qu’un film est nettement plus long. Vous avez ainsi plus intérêt à être un marathonien, à avoir de l’endurance sur un film que sur une publicité. Il y a eu un certain nombre de publicités que j’ai faites qui furent des challenges, car j’y était confronté à de nouveaux aspects techniques, à différentes sortes de personnes. Je pense que chaque entreprise créative représente un défi.

Q: Quels sont les principaux thèmes que nous pouvons trouver dans vos publicités, par exemple pour des marques de bières comme Heineken et Guiness ? J’en ai vu quelques unes hier pour préparer cette interview. C’était très sympathique et je les ai appréciées.

Bond: Concernant les thèmes dont vous parlez, je n’en sais rien. Pour moi, peu importe que je fasse un film ou une publicité, l’interprétation des acteurs est la chose la plus importante. Je pense que la publicité est par essence un art plus visuel. Pour moi, le thème que j’essaye toujours de poursuivre est celui de l’humanité. Je suis très intéressé par la nature humaine.

Q: Pendant que je regardais votre film, je pensais à des films comme Trainspotting, True romance, Very Bad trip. Pouvez-vous nous parler de vos principales inspirations pour ce film ?

Bond: Tous les films que vous mentionnez sont des croisements de genres, où il est question de mélanges enjoués de genres. C’est précisément ce que j’ai apprécié dans le scénario : il s’agissait d’un mélange de tons et de genres, avec l’ambition de les faire coexister dans un même univers. Chaque film qui fait référence à ce mélange de genres a été pour moi une source d’inspiration, du Monde selon Garp, à Forrest Gump, en passant par True romance, Trainspotting et tous les autres films de ce type. Ce n’est pas un film en particulier qui m’a inspiré, mais plutôt la joie des mélanges de genres en général.

Q: Que pouvez-vous nous dire à propos de votre casting ? Comment avez-vous pu avoir un si bon casting pour un premier film : Shia LaBeouf, Evan Rachel Wood, Mads Mikkelsen, Rupert Grint, Melissa Leo ?

Bond: Je pense que tout le monde a tout simplement aimé le scénario. Chacun a simplement lu le script et y a réfléchi. L’histoire est vraiment unique en elle-même. Le scénario avec ce mélange d’humour et de moments sérieux est assez rare en soi. Je pense que tous les acteurs étaient intrigués par leurs personnages, même s’ils n’apparaissaient que brièvement à l’écran. En fin de compte, tout un chacun a apprécié réellement le scénario.

Q: Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées en tournant en Roumanie pendant deux mois ?

Bond: Tous ces chiens sauvages ! Chaque fois que je revenais du plateau de tournage à l’hôtel, j’étais pourchassé sur mon vélo par des chiens errants. Cela a toujours été un vrai cauchemar de rentrer à l’hôtel. Je n’ai jamais été mordu. Quelques mois avant le début du tournage, des touristes japonais ont été attaqués par des chiens errants, qui les ont tués. J’étais très inquiet à propos de ça et cela résonne encore dans ma tête. Mais, à la fin, tout s’est bien passé. C’était donc principalement dans ma tête.

Q: Pouvez-vous nous parler de votre collaboration de longue date avec le compositeur Moby, qui a composé plusieurs chansons pour votre film ?

Bond: Moby est intervenu très tôt dans le processus de création du film, car j’avais déjà travaillé avec lui auparavant. Il nous a rejoints très tôt, dès le moment où nous étions en train de travailler sur le scénario. Il a commencé à élaborer différents thèmes et mélodies. Il a joué un rôle très important dès les premières étapes de la production du film. Quand le film a été tourné, nous avons commencé à le monter. C’est alors que nous nous sommes rendu compte, avec Moby, qu’à cause de la nature si vaste de l’histoire, qui allait dans différentes directions en même temps, il nous fallait différents types de tonalités musicales. C’est pour cela que nous avons abordé le groupe Dead mono et Christophe Beck, et aussi cette jeune DJ Audrey Napoleon, qui nous ont soumis quelques chansons. Finalement, le film contient bien des morceaux de tous ces artistes.

Q: Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec Hughes Winborne, le monteur oscarisé pour le film Collision ?

Bond: Hughes est un monteur formidable, qui est très sensible. C’est cela que je recherchais réellement pour monter ce film, car il aurait pu devenir un peu trop clinquant. Je voulais malgré tout que l’aspect romantique soit mis en avant. Je voulais que cela soit une aventure sensible, bien qu’elle soit aussi déchaînée et malgré la violence omniprésente qui se trouvait dans le film. Je recherchais un côté plus léger, une touche sensuelle d’une certaine manière. Lorsque j’ai regardé le travail de Hughes et que nous avons commencé à discuter du film, j’ai réalisé qu’il était parfait pour le monter. C‘est un excellent monteur. Il aussi une chevelure impressionnante ! Vous et moi, nous sommes presque chauves. Lui, il m’a impressionné parce qu’il avait de longs cheveux. Il est un petit peu plus âgé que moi et c’est aussi pour cela que ses cheveux m’ont réellement impressionné.

Q: Hier, votre film a été présenté lors du Festival du Cinéma américain de Deauville et applaudi à deux reprises. Que pensez-vous de ce festival et du public français ?

Bond: Je n’étais jamais venu à Deauville avant. J’ai des amis qui sont déjà venus y présenter leurs films et ils m’ont dit que j’allais adorer le fait de venir ici. Quand je suis arrivé ici, je me suis demandé si j’allais apprécier l’endroit. Or, ce fut tout de suite le coup de foudre. C’est magique le fait d’être ici, mais pas seulement cela. La France en général et plus spécifiquement le festival de Deauville est un festival qui apprécie les films en général, comme moi qui aime tous les films. C’est ce qui m’a immédiatement conquis. Quand vous parlez avec des gens qui ont la passion du cinéma, qui disent qu’ils aiment ceci ou qu’ils n’aiment pas cela, c’est formidable ! Mais, il m’a aussi semblé toujours que mon film Charlie Countryman a une influence française, une sensibilité européenne. Il y a des films européens que nous n’avons pas encore mentionnés et qui m’ont influencé quand j’étais jeune, comme 37°2 le matin, Les Amants du Pont-Neuf et Sur mes lèvres. J’ai une estime toute particulière pour les films français parce que leurs histoires distillent toujours une part d’essentialisme. J’ai toujours considéré mon film comme étant un petit peu français. A un moment donné, j’ai même voulu le tourner à Paris. Mais pour des raisons inhérentes à l’histoire, cela n’a pas pu se faire, parce qu’elle devait se dérouler dans un pays de l’Est.

Q: Quels sont vos films préférés ?

Bond: J’en ai tellement que je ne sais pas par où commencer ! Vous savez, j’apprécie beaucoup les films Vol au-dessus d’un nid de coucou, Le Monde selon Garp, les films français Sur mes lèvres et Un prophète. J‘aime aussi le film d’Yvan Attal, Ma femme est une actrice. Ma liste est longue.

Q: Quels sont vos projets en cours?

Bond: Je suis en train de travailler sur quelque chose maintenant, qui sera prêt, je l’espère, d’ici six mois environ. Je pourrai alors rentrer dans la phase de production dès qu’on aura reçu le feu vert.

Q: Quelle est à ce jour votre plus belle réussite ? Bond: Mes enfants, ma femme et je pense que, en ce moment, je vis totalement pour mon film. J’en suis très fier. Il est pour moi comme un autre bébé. Je dois maintenant le laisser vivre, le temps est venu de le laisser partir. Q: Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui aimerait travailler comme réalisateur ?

Bond: Commencez à tourner, faites des expériences et filmez tout ce qui vous passionne, tout ce qui est proche de votre cœur. Je pense que vous devriez juste commencer sans trop vous poser des questions. Vous devez vous asseoir et écrire. Jusqu’à présent, je n’ai pas écrit mes films. J’avais toujours écrit les scénarios de mes films publicitaires, tout comme je le ferai pour mon prochain projet. J’écris toujours beaucoup. Même dans le processus de création de Charlie Countryman, j’ai dû écrire beaucoup, simplement en m’asseyant et en comprenant mes propres pensées. Allez-y : écrivez, tournez et montez.

Propos recueillis le 6 septembre 2013 à la Villa Cartier, Deauville, par Mulder,
traduits de l’anglais par Mulder et Tootpadu.
Avec nos remerciements à Blanche Aurore Duault de l’agence Miam
Vidéo & Photos : Mulder