World (The)

World (The)
Titre original:World (The)
Réalisateur:Jia Zhang Ke
Sortie:Cinéma
Durée:139 minutes
Date:08 juin 2005
Note:
La vie dans un parc d'attractions à Pékin, qui représente tous les monuments célèbres de la planète à échelle réduite. Entre la Tour Eiffel et la place St. Pierre, l'existence des employés n'a rien d'exceptionnelle, avec ses chagrins d'amour, la misère sociale et le monde du travail en pleine évolution.

Critique de Tootpadu

Peu importe si nous l'acceptons ou si, à la base, nous nous en rendons compte, nous vivons dans une période d'un immense métissage culturel. Accélérée par des moyens de communication relativement nouveaux, dont notamment notre cher internet, par des possibilités de déplacement de plus en plus rapides et de moins en moins coûteux, et enfin par un plus ample accès au savoir, qu'il soit anecdotique ou vital, cette grande redistribution culturelle participe autant à une plus grande connaissance des différences que, paradoxalement, à l'effacement de ces dernières. Dans son quatrième film, le réalisateur chinois Jia Zhang Ke trouve un symbole saisissant pour cette situation contemporaine sous la forme de ce parc d'attractions qui vise à condenser le patrimoine mondial en un tour de train de quinze minutes. Et il ne se prive pas d'en indiquer les dégâts, comme cette chanson emblématique argentine que les visiteurs entendent lorsqu'ils montent dans l'ascenseur de la fausse Tour Eiffel. L'artifice, aussi perfectionné soit-il, par exemple dans les spectacles qui ressemblent trop à un défilé de mode à la sauce multi-culturelle, n'arrive néanmoins pas à cacher que derrière, au niveau de la vie quotidienne la plus banale, rien n'a changé.
En dehors de son point de vue très juste sur le monde gouverné par des messages transmis par l'intermédiaire du téléphone portable et par le déguisement, Jia s'avère en effet un extraordinaire chroniqueur du drame humain le plus simple. Une demi-douzaine de personnages lui suffit pour évoquer avec éloquence autant de destins différents. A partir de Tao, une danseuse indépendante qui tient toutefois à son copain Taisheng, les histoires simples et émouvantes s'agencent : celle d'Anna, une femme russe qui ne parle pas la langue de Tao, mais qui devient son amie, celle d'un couple de collègues qui se déchirent par jalousie, celle de la famille éloignée de Taisheng qui vient tenter sa chance dans la grande ville pour se faire écraser par les insuffisances du monde professionnel, et enfin celle des deux protagonistes, un couple comme les autres avec ses hauts, ses bats et sa monotonie.
Pour toutes ces facettes de la vie pékinoise, le cinéaste trouve des images d'une immense beauté, dont le pouvoir significatif est encore accentué par leur manque de prétention. Jia profite en fait du cadre très particulier pour orchestrer ses plans d'une façon esthétiquement époustouflante. L'aspect épuré de ses images s'oppose ainsi aux quelques séquences animées, systématiquement introduites par un texto. Si leur côté kitsch nous sort trop abruptement du ton réaliste du récit, leur progession n'en est pas moins savamment calculée, jusqu'à cette partie très courte, qui ne permet pas d'effusion de sentiments en raison du drame qui vient d'être annoncé.
Le génie de Jia dans l'emploi de la caméra et du montage, aux fragments assez courts, se prolonge dans son aisance avec le son. Sur une bande originale magnétique de Giong Lim, il agence les sons subtilement, mais avec une grande efficacité. Son film constitue alors un rappel euphorisant de l'essence du cinéma qui est, avant tout, un spectacle fait de sons et d'images.
La référence est poussive et dans un registre totalement différent, mais nous n'avons pas vu un film aussi réussi sur les parcs à thèmes depuis Le Flic de Beverly Hills 3 !

Vu le 16 juin 2005, au MK2 Bibliothèque, Salle 9, en VO

Note de Tootpadu: