Sin city

Sin city
Titre original:Sin city
Réalisateur:Robert Rodriguez, Frank Miller, Quentin Tarantino
Sortie:Cinéma
Durée:124 minutes
Date:01 juin 2005
Note:
Sin City est une ville infestée de criminels, de flics ripoux et de femmes fatales. Hartigan s'est juré de protéger Nancy, une strip-teaseuse qui l'a fait craquer. Marv, un marginal brutal mais philosophe, part en mission pour venger la mort de son unique véritable amour, Goldie. Dwight est l'amant secret de Shellie. Il passe ses nuits à protéger Gail et les filles des bas quartiers de Jackie Boy, un flic pourri, violent et incontrôlable. Certains ont soif de vengeance, d'autres recherchent leur salut. Bienvenue à Sin City, la ville du vice et du péché.
(Source Allociné)

Critique de Tootpadu

Le reproche que cette adaptation d'une bande dessinée par les soins de son créateur se résume uniquement à une recherche formelle est recevable. Dès la première séquence et son noir & blanc très travaillé, avec des plans stylisés qui culminent dans une ombre chinoise négative, le ton est donné pour deux heures d'images prêtes à sacrifier presque tout sur l'autel d'une plasticité brillante et viscérale. Le choc des influences se ressent à chaque instant pour aboutir à un film visuellement époustouflant. La surenchère esthétique devient alors partie intégrante du projet, sans le moindre affaiblissement, sans l'occasion la plus infime de repos pour nos yeux. Toutefois, les effets de couleur déchaînés et les contrastes appuyés ne donnent jamais l'impression d'une surcharge fortuite ou déréglée. Au contraire, leur seul but est de souligner encore le côté sombre du récit.
Car les épisodes autour des vilainies dans la cité du péché ont beau être magistralement éclairés. Ils expriment avec violence une conception assez cynique de la nature humaine. Dans un éternel combat contre le mal inéluctable, les trois protagonistes, des anti-héros par excellence, s'acharnent jusqu'à la mort pour remporter une petite victoire misérable. Au fond, leur histoire est identique et part d'une obligation de protection d'une femme menacée. Accessoirement, la conception de la gente féminine est bien plus opaque qu'il ne paraît. Derrière la façade de la blonde fatale, mais incapable de se défendre, se cachent autant de héroïnes féroces et impitoyables. Le seul regret devant ce portrait ironique de l'éternel souffre-douleur du film noir classique consiste alors en l'exposition légèrement trop explicite d'actrices dénudées. Comme quoi la femme au cinéma a le droit d'être irascible et redoutable, à condition de céder aux envies puériles des cinéastes, qui, eux, demeurent l'expression parfaite d'une société patriarcale.
L'essentiel reste cependant sauf. Nous assistons en effet avec ce film à un hommage puissant, voire à la renaissance, du "film noir". Peuplée de gros durs et rythmée par la violence et le crime, l'histoire fonctionne telle une relecture des conventions du genre. Vous ne verrez certainement pas un homme se faire émasculer toutes les dix minutes dans un film des années 1940 et '50. Mais cette approche qui ne semble plus attacher aucune valeur à l'être humain, à l'exception de cette femme choisie qu'il faut sauver à tout prix, n'est, à notre humble avis, que la prolongation logique du ton déjà cynique à l'époque des meilleurs films du polar lugubre.
Enfin, si l'emploi de Bruce Willis dans le rôle d'un flic au bord de la retraite a de quoi laisser dubitatif, il est tout autrement avec le grand retour de Mickey Rourke. Dans son premier rôle porteur depuis cinq ans (Animal Factory) et malgré des tonnes de maquillage, cet acteur mésestimé imprime sa présence de façon indélébile, alors qu'il n'apparaît que pendant un tier du film. Ce qui ne signifie pas que le reste de la distribution, qui prend parfois des allures de défilé d'acteurs de renom dans des apparitions éclair, s'en sort mal. Seulement que Rourke a su, une fois de plus, jaillir de la torpeur qui le caractérise normalement dans le cadre de ses films à but alimentaire, pour nous bluffer avec une interprétation faramineuse.
Le meilleur film de Robert Rodriguez depuis presque dix ans et Une nuit en enfer, et ce ne sont pas Les Aventures du petit requin et de mamzelle Lava qui nous donneront tort.

Vu le 17 juin 2005, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 24, en VO

Note de Tootpadu: