
Titre original: | Last Days |
Réalisateur: | Gus Van Sant |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 97 minutes |
Date: | 13 mai 2005 |
Note: | |
Blake, artiste replié sur lui-même, fléchit sous le poids de la célébrité, du succès et d'un sentiment d'isolement croissant. Réfugié dans une maison au milieu des bois, il tente d'échapper à sa vie, à son entourage et à ses obligations. Il regarde, écoute, et attend la délivrance.
http://www.mk2.com/last_days/
(Source Allociné)
Critique de Tootpadu
Quatre moments touchés par la grâce qui ont tous trait à la musique.
D'abord, il y a ce long plan fixe qui filme un clip vidéo des Boyz II Men à la télé. Cette insistance de nous montrer cet extrait musical jusqu'à la fin, d'opposer son style léché et son intrigue bidon à l'absence d'une histoire au sens classique et à la forme très particulière du film cadre, cela ne peut être perçu que comme une prise de position esthétique de la part de Gus Van Sant. Serait-ce sa façon d'affirmer qu'il ne mange plus de ce pain-là, du conformisme et des sentiments factices "made in Hollywood" qu'il avait côtoyés pendant deux, trois films ? En tout cas, toute la portée de l'expérimentation formelle que le réalisateur entreprend avec cette troisième oeuvre de suite hors des sentiers battus se révèle à partir de cet instant-là !
Ensuite, un essai musical de Blake devient le prétexte idéal pour un autre moment de magie cinématographique. La caméra recule en effet très lentement de la pièce dans laquelle le musicien s'agite sur différents instruments et outils d'enregistrement. Ce très long mouvement en arrière ne s'arrête que lorsque le plan englobe toute la façade de la demeure lugubre dans laquelle Blake s'est refugiée. Les pierres grises et les fenêtres à moitié fermées prennent alors un air de prison, de tombe funèbre qui enferme déjà l'artiste en mal d'inspiration.
Le troisième moment est aussi étroitement lié à la musique. La veille de sa mort, Blake s'installe dans sa cave qui fait figure de studio. Une fois ses invités partis, il se met à chanter, tout seul et à tue-tête, une chanson aux paroles confuses et à la tonalité désespérée. La surprise et l'émerveillement devant ce dernier sursaut de l'énergie vitale sont d'autant plus grands que le personnage de Blake se démarquait auparavant par son apathie intoxiquée et ses marmonnements inintelligibles. Là encore, Van Sant nous laisse comme simples observateurs, loin de l'acteur, comme pour mieux apprécier la beauté lyrique de cet instant imprévisible.
Enfin, la dernière rencontre de Blake avec la musique survient lors d'un concert dans la ville voisine. Après avoir marché une bonne partie de la nuit, il rentre dans une boîte où il croise une connaissance (Harmony Korine) qui veut lui filer un porte-bonheur afin de lui remonter le moral. Une fois de plus, la musique noie les paroles et l'apathie de Blake est encore accentué par ses habits pratiquement camouflants.
Autour de ces quatre moments magnifiques s'orchestre un film qui ne réussit peut-être pas toujours d'atteindre ses objectifs - notamment avec son début flou et la valse des visiteurs - mais qui se permet quelques digressions narratives (la structure temporelle morcelée vers la fin) des plus intéressantes, stimulantes et belles.
Vu le 31 mai 2005, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 10, en VO
(Apparemment pas projeté au format respecté, ce qui nous donnera une occasion supplémentaire de le revoir dans une salle MK2 !)
Note de Tootpadu: