
Titre original: | A Dirty Shame |
Réalisateur: | John Waters |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 89 minutes |
Date: | 08 juin 2005 |
Note: | |
Le monde de Sylvia Stickles, une gérante de superette tout à fait ordinaire, est assailli par un nombre incalculable de tentations à la vulgarité et au vice sexuel. Entre son mari qui veut tirer un dernier coup, alors qu'elle doit partir au travail, et sa fille, assignée à domicile pour avoir trop explicitement exposé ses énormes seins dans un bar, son seul refuge est sa mère, un pourfondeur inlassable des valeurs morales. Un coup de pelle sur la tête et la rencontre avec Ray Ray, le messie du sexe, changeront drastiquement les pratiques de Sylvia, qui se transformera alors en une véritable bête du plaisir charnel.
Critique de Tootpadu
L'Amérique, on le sait depuis très longtemps, est une forteresse de pudibonderie et de moeurs coincées. Une affirmation qui a retrouvé une nouvelle jeunesse et actualité depuis qu'un ancien alcoolique sauvé par Dieu et ses apôtres néo-conservateurs occupent la Maison blanche. Ainsi, tout ce qui a trait à la sexualité, ou pire encore, qui approuverait une pratique sexuelle hors des normes hétérocentristes ou un semblant de liberté pour les femmes est à bannir dans le pays de l'oncle Sam. Une politique d'assainissement social qui commence à porter ses fruits, indigestes, puisque la sexualité du cinéma hollywoodien est désormais réduite aux blagues immatures et finalement inoffensives des comédies débiles pour adolescents.
Un trublion de la trempe d'un John Waters, qui nous avait montré ses acteurs en train de manger de la crotte lorsque cela était encore considéré comme de l'art subversif, ne s'est naturellement pas fait prier longtemps pour réagir à cette situation lénifiante. Après le presque gentillet Pecker et le pas tout à fait réussi Cecil B. Demented, le style corrosif de Waters s'attaque alors de toute sa force aux bonnes moeurs américaines. La charge qu'il mène contre la censure et le politiquement correct est d'ailleurs tellement violente qu'il surcharge parfois son propos. Si l'apparition d'expressions à connotation sexuelle à l'écran paraît encore bizarre au début, cette tentative hystérique de contourner une censure quelconque devient vite lassante. De même, son humour jouissif fonctionne souvent sur des caractérisations outrancières, qui ne laissent point de doute. Dans le Baltimore déchaîné de Waters, il n'existe en effet que des adeptes d'une bigoterie idiote et les gens portés sur le cul, peu importe son aspect. La confrontation joyeuse de ces deux camps, avec ses retournements à chaque coup sur la tête - comme quoi tout est arbitraire -, est alors quelque peu anémique. Au mieux, le cinéaste expose les méfaits de la pudibonderie américaine, mais sa démarche, depuis toujours solidaire des sexualités divergentes, manque de recul pour créer autre chose qu'un pamphlet superficiel. A force d'exagérations en tout genre, son histoire dépasse un but raisonnable pour atterrir sur le terrain du n'importe-quoi délirant.
Mais John Waters ne s'est jamais fié à la raison. Par conséquent, sa comédie à la forme un peu trop sage et au fond, selon les goûts, très ou trop sauvage, se laisse regarder avec beaucoup de plaisir. Cependant, ce plaisir n'est justement pas charnel, mais plutôt la satisfaction intellectuelle d'assister à une moquerie féroce de la société américaine.
Vu le 9 juin 2005, à l'UGC Ciné Cité Les Halles, Salle 4, en VO
Note de Tootpadu: