Moolaadé

Moolaadé
Titre original:Moolaadé
Réalisateur:Ousmane Sembene
Sortie:Cinéma
Durée:124 minutes
Date:09 mars 2005
Note:
Dans un village sénégalais, la période de l'excision des jeunes filles commence avec un coup d'éclat. Quatre enfants se sont refugiés chez Collé Ardo, la seule femme à avoir refusé cette pratique ancienne et douloureuse pour sa propre fille. Elle accorde aux filles sa protection et le droit d'asyle, le Moolaadé, contre leurs mères et les exciseuses. Une prise de position contre la tradition et l'autorité des hommes qui boulversera l'édifice social du village.

Critique de Tootpadu

La condition des femmes ne fait plus tellement recette dans nos contrées passablement émancipées. Et si parfois une histoire sur la lutte pour un peu de liberté féminine parvient jusqu'à nos écrans, elle se déroule presque exclusivement dans des pays régis par des traditions musulmanes, notamment l'Iran, ou d'autres régions à forte connotation religieuse, comme Israël. L'Afrique, pour peu qu'elle joue un rôle dans la danse cinématographique de la planète, doit cependant se contenter d'être le théâtre de deux drames qui marquent son présent, le Sida et le génocide rwandais, et de l'autre, indélébile, qui incarne son passé : le colonialisme.
Le point de départ du film d'Ousmane Sembene est, dans ce contexte, loin des conventions, par son observation des us et coutumes d'un village encore étroitement lié aux traditions. Cette guerre entre l'innovation et la modernité, caractérisées par la radio, et l'application de la tradition, incarnée par l'autorité sans partage de l'homme, le réalisateur en trouve des symboles d'une éloquence rare et, surtout, un personnage clef sous les traits de la deuxième épouse qui donne un abri aux jeunes filles. Même si cette dernière agit seule au début, avant de devenir la porte-parole et la héroïne du soulèvement des femmes, elle opère plus comme un révélateur, ou bien comme une mère courage qui aide ses voisines à se rendre compte de l'injustice et de se battre pour le maintien de leurs piètres libertés. Le récit ne s'attarde ainsi pas trop sur l'affaire de l'excision, mais plutôt sur l'impact que ce refus aura sur tout l'environnement social. L'astuce provient alors du fait que les vices de la tradition sont combattus par une autre tradition. D'où le traitement à la fois respectueux et progressiste des coutumes par Sembene.
Ce conte merveilleux sur le courage au quotidien trouve un cadre resplendissant dans sa photographie lumineuse. Si le choix des motifs peut être attribué au réalisateur, c'est le chef-opérateur qui les faits vibrer de toutes les couleurs propres à l'Afrique, sans pour autant en faire un album pour touristes.
D'une beauté de fond et de forme sans reproche, ce film démontre une fois de plus, que la capacité de raconter des histoires intenses n'est nullement tributaire d'un budget important et encore moins d'une pléthore d'effets spéciaux.

Vu le 7 juin 2005, au MK2 Hautefeuille, Salle 4, en VO

Note de Tootpadu: