
Titre original: | Délivrance |
Réalisateur: | John Boorman |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 108 minutes |
Date: | 01 octobre 1972 |
Note: | |
Avant que toute une vallée ne soit engloutie par un nouveau barrage, Ed emmène trois de ses amis sur une descente en canoë le long d'un fleuve sauvage. Alors que Lewis fait office de guide et de conseiller, et que Drew se réjouit autant de la nature que d'un duel musical avec un garçon autochtone, Bobby n'a qu'un seul souhait : rentrer le plus vite possible en ville. La première journée de leur week-end entre potes se passe très bien, mais dès le deuxième jour, des événements imprévisibles leur feront regretter cette descente improvisée.
Critique de Tootpadu
Ce film, devenu avec le temps un classique du genre, est une méditation parfois insoutenable sur la perte des repères du monde civilisé. Le parcours moral que les quatre personnages auront à subir, entre leur arrivée en gens de la ville arrogants et fringants et leur départ, marqués à vie par ce voyage difficile, les aura privés de toutes leurs certitudes et laissés presque inaptes de retourner chez eux. Ce cauchemar, le film nous le fait vivre bien avant qu'il n'ait recours à ce dispositif narratif lors de la fin un peu trop étirée. Partant d'une caractérisation sommaire mais efficace, le scénario nous entraîne en effet inévitablement dans le tourbillon d'actions et de décisions qui finira par broyer le groupe. Car le désespoir des actes se trouve relayé par un retour exécrable vers l'état sauvage. Lorsqu'Ed monte péniblement tout en haut du rocher, dans une des séquences charnières du film, il le fait autant par instinct de survie que par dépit presque dépressif de voir son plan du week-end tourner à la tragédie.
L'impression d'authenticité qui se dégage de l'ensemble n'est qu'en partie due à l'implication entière des acteurs qui, pour des raisons de budget, ne pouvaient pas se cacher derrière des cascadeurs. Les moments presque impossibles à regarder bénificient en effet d'une mise en scène rusée qui évoque plus qu'elle ne montre. Tandis que certaines compositions de l'image sont assez aléatoires, le travail global de John Boorman est impressionnant d'intensité. Avec une histoire intéressante mais pas d'une originalité extrême, un groupe de personnages pas tellement sympathiques, et deux ou trois scènes marquantes, il réussit un film fascinant, au message subtilement transmis, et à l'impact durable. Seule la fin un peu longue baisse un rythme endiablé qui rendait les premiers trois quarts du film presque parfaits.
Quant à l'interprétation, si elle cherche parfois trop à se mesurer à l'aspect exagéré des événements (Reynolds qui se la joue un peu trop à la Brando, et Voight qui garde une part très opaque), elle est en même temps la preuve d'une conclusion possible : malgré l'atrocité du vécu sur la rivière, chacun de ceux qui s'en sont sortis se rétracte dans son état d'esprit initial, qu'il soit superficiel ou aventurier, lâche ou blasé. Toujours est-il, sous réserve des remarques plus haut, que Burt Reynolds trouve ici probablement un de ses meilleurs rôles, qu'il joue avec un pouvoir de séduction indéniable, et que Jon Voight fournit une des meilleures prestations du début de sa carrière, juste derrière Macadam Cowboy !
Revu le 13 mars 2005, au Forum des Images, Salle 300, en VO
Note de Tootpadu: