
Titre original: | 5ème Empire (Le) |
Réalisateur: | Manoel De Oliveira |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 122 minutes |
Date: | 04 mai 2005 |
Note: | |
Au XVIème siècle, le roi Sebastiaõ rêve de partir en guerre contre les infidèles. Une initiative que ses conseillers et le peuple jugent trop ambitieuse pour un souverain rêveur et faible.
Critique de Tootpadu
A désormais 96 ans, la survie même de Manoel de Oliveira tient du miracle. Alors que ses rares contemporains qui sont encore de ce monde profitent depuis longtemps de la retraite, le doyen du cinéma mondial enchaîne les films avec une vitesse que même d'autres prolifiques comme Steven Soderbergh ou Woody Allen doivent lui envier. Depuis son Portugal natal, il trône comme une éminence sur les agissements du monde du cinéma, auquel il donne une touche qui nous manquera certainement, une fois qu'il sera parti. Ce serait toutefois un exercice en futilité de considérer ce film très austère, mais aussi très beau à sa façon comme le dernier du maître, tellement ce vieux vigoureux a donné tort à de mauvaises longues funèbres dans le passé.
La particularité du cinéma de De Oliveira est de s'adonner entièrement à un sentiment très ancien de l'érudition, à une perception de la culture occidentale qui ne trouve plus guère sa place dans une industrie qui se soumet volontairement aux lois du divertissement ou à des observations sociales sur une échelle limitée. Si une certaine tranche du cinéma fait encore partie de la culture, on n'y parle plus tellement de ce sujet qui s'est dilué dans le fourre-tout que constitue désormais, en termes esthétiques, économiques et sociaux, le Septième art. Telle n'est pas la démarche du cinéaste portugais qui tente plutôt de rattacher les quelques spectateurs aventureux qui veulent bien le suivre, à une transmission intellectuelle et dépouillée de l'histoire et de la culture.
Poursuivant en quelque sorte son travail dans le sublime Un film parlé, De Oliveira s'attaque de nouveau à toute forme de guerre, qui mine l'épanouissement des cultures. Au fil des discussions de ce roi tortueux ressort encore un message qu'il serait facile de mettre en rapport avec le colonialisme actuel. Le discours et les paroles ont beau être liés à une époque ancienne, leur essence résonne encore dans ces temps-ci, qui ressemblent étrangement, et avec un brin d'inquiétude, aux croisades des temps modernes. Toutefois, le réalisateur ne se permettrait pas une référence aussi facile et directe, et son film peut ainsi être lu également comme un traité abstrait sur la poursuite du pouvoir et les pièges des ambitions.
D'une austérité formelle très stricte et dure, avec ces longs plans fixes qui donnent peut-être un peu trop d'importance à la parole, ce film est certainement trop exigeant pour un large public. Mais pour celles et ceux qui souhaitent sortir des sentiers battus à mort du cinéma commercial et conventionnel, afin de retrouver un peu de l'austérité qui nous rappelle agréablement Robert Bresson, l'effort vaut largement la peine !
Vu le 24 mai 2005, à l'Arlequin, Salle 3, en VO
Note de Tootpadu: