Scaramouche

Scaramouche
Titre original:Scaramouche
Réalisateur:George Sidney
Sortie:Cinéma
Durée:115 minutes
Date:09 décembre 1952
Note:
Le marquis de Mayne manie l'épée comme personne d'autre, un talent dont il abuse pour réduire au cours de duels une bonne partie de l'aristocratie française. Face à la montée de revendications révolutionnaires, la reine Marie-Antoinette charge le marquis de se débarrasser de l'auteur du pamphlet républicain. Celui-ci est l'ami d'André Moreau, un bon vivant et chasseur de jupons, qui a promis à ses parents adoptifs de protéger l'écrivain engagé. Mais lorsque le marquis met en exécution l'ordre de la reine, au cours d'un affrontement inégal, Moreau jure de venger son jeune ami.

Critique de Tootpadu

Il est parfois utile de revenir sur des films que l'on voit de temps en temps au cours de notre vie, qui nous plaisent sans paraître exceptionnels, juste pour se rendre compte à quel point ils peuvent cacher une richesse passée inaperçu les premières fois. Ainsi, ce film de cape et d'épée de la grande époque de la MGM a sillonné notre parcours de cinéphile sans qu'on ne lui trouve autre chose que le pouvoir de séduction de Mel Ferrer dans de beaux costumes et une histoire un peu trop molle et convenue pour se distinguer. Désormais, il n'en est plus rien - soites, Mel Ferrer est toujours très bien, mais il ne constitue plus notre point d'intérêt principal - et nous nous sentons donc prêts à apprécier ce petit chef-d'oeuvre à sa juste valeur.
Cela commence certes d'une façon particulièrement datée, avec les décors en carton-pâte et des surimpressions apparentes à la pelle. Mais ces effets ridicules rétrospectivement ne peuvent-ils pas être apparentés à la débauche contemporaine de prouesses numériques qui trouveront sans doute un accueil aussi méprisant d'ici un demi-siècle ? Il vaut par conséquent mieux privilégier le contenu que quelques aspects de la forme qui contribuent simplement au datage de l'oeuvre. Car le récit d'André Moreaux et sa mise en images est d'une finesse et d'une richesse peu communes. Comédie de moeurs, drame de vengeance, film d'action, tous ces courants se retrouvent en effet pendant le film, dans un mélange particulièrement homogène. La façon intelligente de contrecarrer certains stéréotypes est dans ce contexte tout à fait plaisante. A première vue considérées comme des objets disposés à la seule volonté des hommes, les femmes mènent en effet leur propre jeu, de concurrence et de complicité, mais avant tout d'opposition consciente à leurs partenaires masculins. Citons par exemple la séquence jubilatoire des séances successives de l'assemblée nationale, au cours desquelles les deux personnages féminins se sont entendues afin de museler la rage vengeresse de Moreaux. Eminemment sérieuse, la quête sanguinaire du héros se voit ainsi attribué quelques caractéristiques comiques et pacifiques du plus bel effet. D'ailleurs, le personnage de Moreaux peut facilement être considéré comme un héros romantique par excellence, tiraillé entre les obligations et le plaisir, entre les contraintes du sang et du coeur.
Très beau dans son discours mesuré et tolérant, Scaramouche est naturellement de même un festin pour les yeux. Que ce soient la photo somptueuse ou les costumes magnifiques et sans ampleur superflue, la maison de production prouve une fois de plus le bien fondé de sa réputation à ce moment de son histoire. Et même si les choix de plan de George Sidney ne paraissent pas toujours d'une précision irréprochable, il mène son histoire riche en revirements d'une main ferme, faisant presque oublier quelques raccourcis du scénario (l'épilogue). La pièce maîtresse reste évidemment le long duel final à travers tout le théâtre, un morceau de bravoure rarement égalé depuis. Car Sidney se garde bien de la surenchère, en trouvant peut-être la durée et le déroulement parfaits pour ce genre d'affrontement final.
Enfin, l'interprétation nous semble bien plus riche et variée à cette vision-ci. Hélas, c'est presque Mel Ferrer qui s'en sort le moins bien, avec un jeu trop limité pour donner au marquis autre chose que de la vanité arrogante. Eleanor Parker et surtout Janet Leigh sont par contre plus belles que jamais, jusqu'à donner l'impression que la caméra est tombée amoureuse d'elles, à force de gros plans sublimes. Quant à Stewart Granger, son jeu nous paraît bien plus subtil qu'avant, sans doute jusqu'à la certitude qu'il est l'André Moreaux parfait, un homme jovial dont le sérieux se révèle à travers une série d'événements tragiques.

Revu le 3 janvier 2005, au Mac Mahon, en VO

Note de Tootpadu: