Point limite zéro

Point limite zéro
Titre original:Point limite zéro
Réalisateur:Richard C. Sarafian
Sortie:Cinéma
Durée:98 minutes
Date:12 mai 1971
Note:
Le conducteur professionnel Kowalski doit ammener une Dodge Challenger blanche du Colorado en Californie. Alors qu'il dispose du temps nécessaire pour le long trajet, il n'arrête pas d'accélérer en traversant les états du centre du pays. Rapidement, la police autoroutière se met à ses trousses, sans cependant pouvoir l'intercepter. Mais l'étau autour de Kowalski se resserre, en dépit du soutien d'un commentateur de radio qui voit dans cette course folle la manifestation du dernier héros américain.

Critique de Tootpadu

Les années 1970 brillaient dans un esprit d'insouciance, d'innovation et de liberté. C'est en tout cas l'image que nous renvoient la musique et les films d'une époque qui a aussi connu ses drames et ses craintes planétaires. Avant de devenir un prétexte étroitement calibré pour les talents de Burt Reynolds dans des comédies débiles (Cours après moi shérif et plus tard L'Equipée du Canonball) vers la fin de la décennie, le road-movie personnifiait probablement le mieux l'état d'esprit rebelle en vogue à l'époque. Parcourir les étendues immenses du continent américain à bord d'un engin puissant, pourchassé par des forces de l'ordre répressives et croiser sur son chemin aléatoire les représentants des différentes contre-cultures, ces canons du genre s'étaient solidement enracinés dans le paysage cinématographique depuis le phénomène Easy Rider en 1969.
Deux ans après l'oeuvre charnière de Dennis Hopper, deux films très semblables sortaient sur les écrans américains qui détournaient chacun cette course à travers le pays à des fins plus abstraites. Comme Macadam à deux voies de Monte Hellman, Point limite zéro, qui se nomme plus poétiquement "Vanishing Point" en anglais, présente une vision particulière de la vitesse. Le protagoniste et anti-héros par excellence Kowalski franchit certes une limite d'état après l'autre, laissant derrière lui les voitures de police dans d'immenses nuages de poussière, mais la raison pour cette course effrénée n'est jamais révelée. Le but apparent de son trajet est connu, mais quant à la raison pour son empressement déraisonnable, aucune hypothèse ne peut être écartée. L'interprétation qu'en fait le présentateur de radio, tel un choeur antique, n'est qu'une façon de voir les choses. D'ailleurs, ses commentaires nous ont rappelé ceux du clochard dans Bulworth, qui décèle avec autant de lucidité que Super Soul les dangers imminents de l'acte d'acrobatie du personnage principal désespéré pour des raisons diverses.
L'absence de justification pour l'intrigue ne freine cependant pas Richard C. Sarafian à créer un cocktail explosif et beau qui opère un tour d'horizon efficace de la société américaine. Les rencontres de Kowalski sont plutôt rares, mais elles traitent toutes, plus ou moins détendues et politiquement incorrectes, des préoccupations de l'époque. Entre une jolie fille qui se promène nue sur sa moto et deux homosexuels caricaturaux, la conscience afro-américaine se fait tabasser par une bande de ploucs et Kowalski opère son périple sans états d'âme. La frénésie qui monte autour de lui et qui le laisse grandement indifférent revient brutalement à la sobriété lors d'une fin qui n'est pas moins énigmatique que l'ensemble du film.
Comme il se doit pour un film issu d'une époque musicalement foisonnante, la bande originale est de premier choix. De même, la distribution puise sa force d'un éclectisme surprenant. C'est surtout le trop rare Cleavon Little dans le rôle de Super Soul qui approfondit encore l'étrange spiritualité d'un film dont l'appartenance au genre du road-movie n'est peut-être que façade.

Vu le 1er avril 2006, à l'Espace Saint-Michel, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu: