400 coups (Les)

400 coups (Les)
Titre original:400 coups (Les)
Réalisateur:François Truffaut
Sortie:Cinéma
Durée:99 minutes
Date:07 juin 1959
Note:
Le jeune Antoine Doinel, une tête forte et un cancre, habite avec ses parents dans un petit appartement du dernier étage d'un immeuble parisien. Peu intéressé par les cours, il préfère vagabonder avec son ami René et regarder des films au cinéma du coin. Cette attitude rebelle sera progressivement muselée par l'incapacité des parents et des professeurs de raisonner Antoine.

Critique de Tootpadu

Que dire sur ce premier chef-d'oeuvre de François Truffaut qui n'a pas encore été dit, qu'est-ce qu'il reste à ajouter sur cette oeuvre fondatrice, avec une poignée d'autres, de la Nouvelle Vague ? Ce qui nous a frappé lors de cette revision, c'est d'abord le côté presque historique de ce film désormais vieux de 45 ans, à la fois en tant que document sur Paris, et plus particulièrement les alentours de la place de Clichy, et en tant que témoignage sur une société française qui a changé pour rester profondément la même. Ensuite, la naissance d'un personnage unique dans tout le cinéma français, qui grandira avec nous et marquera et Truffaut et, encore de nos jours, Jean-Pierre Léaud, donne encore plus un air d'immortalité à ce récit d'une enfance inadaptée, repris justement pour le vingtième anniversaire de la mort de son auteur.
Paris a certainement changé en presque un demi-siècle, et pourtant, les lieux qui servent de décors aux tribulations du jeune Antoine, ont gagné en poids de souvenir cinématographique autant qu'en nostalgie. Comment ne pas penser au fugueur qui casse la glace de la fontaine en passant devant l'église de la Trinité ? Comment ne pas se rappeler toutes les chambres de bonne qu'on habitait jadis ou encore notre existence actuelle exigüe lorsque l'on voit la famille d'Antoine se bousculer dans un appartement minuscule du dernier étage ? Cette observation, qui déborde sur le constat social, n'est qu'une des nombreuses preuves du sentiment d'authenticité, de proximité de la vie réelle quotidienne, que Truffaut suscite à longueur de film. En dépit d'une mise en scène déterminée et intelligente, qui emprunte à la fois des chemins relativement novateurs (les quelques arrêts sur image) et s'adapte à des formes visuelles venues de la télévision (l'entretien d'Antoine par la psychologue), le film nous berne très savamment dans l'impression d'une imminence directe et sans artifice de l'univers décrit. Déduire du travail laborieux du professeur que l'existence du corps enseignant n'a point été facile dans les temps, mais qu'elle ressemble à une promenade en comparaison avec les exigences, voire les dangers, de nos jours, peut alors paraître une démarche paresseuse. Et pourtant, le savoir faire phénoménal de Truffaut pour son premier film cerne admirablement les lacunes de la société française. Pour celles-ci, il n'offre évidemment pas de solution, mais la justesse de son regard et la sympathie sans limite pour ce petit malfrat sans mauvaise volonté ont gardé toute leur pertinence.
Quant au personnage d'Antoine, il est l'homme-enfant par excellence. En effet, ses ambitions d'indépendance peuvent paraître prématurées pour un adolescent de son âge, mais cet état d'esprit deviendra vite le trait de caractère dominant du personnage. Alors qu'il parle et qu'il agit par instants comme un adulte dans Les 400 coups, son comportement par la suite relève plutôt de l'enfance, d'un attachement à la lucidité juvénile, irresponsable, mais perspicace et débrouillarde (comme dans Domicile conjugal). Sur les traits mêmes du visage de Léaud, on peut lire autant de gravité ici, que des petites folies d'adolescent dans ses films les plus récents. Probablement jamais, un acteur a été autant marqué par un seul rôle et sa collaboration autour de ce personnage avec un cinéaste accompli, en tout cas pas en France. Et qu'il n'y ait personne à me citer les François Pignon de Francis Veber en contre-exemple !
Enfin, pour ce qui est de la restauration en haute définition, si visiblement brandie en termes publicitaires en vue de la reprise, disons qu'elle respecte parfaitement et l'esprit et l'aspect de l'oeuvre, ce qui reste l'essentiel. Ne vous attendez donc pas à une image léchée, ni à une bande son claire et audible, sans craquement, ni souffle. Mais qu'importe la condition technique du film - tant qu'elle reste regardable - si l'initiative une fois de plus louable, de Marin Karmitz, nous permet de redécouvrir un des films phares du cinéma français sur grand écran !

Revu le 4 novembre 2004, au MK2 Bibliothèque, Salle 9

Note de Tootpadu: