2046

2046
Titre original:2046
Réalisateur:Wong Kar-wai
Sortie:Cinéma
Durée:128 minutes
Date:20 octobre 2004
Note:
Un écrivain pensait écrire sur l'avenir alors qu'en fait c'était sur le passé. Dans son roman, un mystérieux train partait de temps en temps pour l'an 2046. Tous ceux qui montaient dans ce train voulaient retrouver leurs souvenirs perdus... Mais personne n'était jamais revenu de 2046, sauf un. Seul un d'entre eux avait fait le choix d'en repartir et de changer.
(Source Allociné)

Critique de Tootpadu

Un exemple supplémentaire et pas tellement nécessaire sur la fausse impression que donnent souvent les bandes-annonces, cette nouvelle oeuvre de Wong Kar Wai est beaucoup moins un conte de science-fiction que la prolongation organique, plus sombre de In the Mood for Love. Finis les plats de nouilles, les descentes chez le traiteur du coin et les femmes qui se dandinent dans de belles robes, voici le temps des rapports plus ou moins corrompus, de la littérature populaire et d'un futur aux émotions différées. Le réalisateur reste cependant fidèle à lui-même, c'est-à-dire un maître des atmosphères langoureuses et des constructions exigeantes. Sans s'engouffrer dans un universel virtuel, Wong Kar Wai nous crée un espace filmique simultanément dérangeant et enchantant. Surtout pendant la première demie-heure, les repères sont magnifiquement brouillés, la fiction et la réalité, le présent, le passé, et le futur, se rejoignent tous dans une sphère cinématographique envoûtante. Par la suite, cela ressemble davantage à un drame relationnel, de luxe certes, mais plus prévisible, s'appuyant uniquement sur les caprices des sentiments, alors que ce qui a précédé était infiniment plus enivrant.
Toujours aussi maniaque dans la composition de ses plans, Wong Kar Wai nous sidère par son utilisation très précise des cadrages rapprochés, de ces bustes d'hommes et de femmes, de ces pans de couloir qui ajoutent efficacement à l'impression de suffocation par excès de beauté. Fidèle à la même époque que son film précédent, il ne laisse par contre plus tellement la place aux costumes de briller, les enfermant avec des personnages en fin de compte immobiles dans des compositions bouchées, mutilées par des murs ou des portes. A ce sentiment d'inertie se joignent, comme souvent chez le maître, des difficultés de communication, symbolisées ici par le motif récurrent du personnage en profil s'adressant à l'autre, entièrement hors champ. D'une facture moins léchée, moins accessible qu'In the Mood for Love, ce film-ci nous interpelle par contre davantage, que ce soit par sa construction compliquée ou par son traitement alambiqué du souvenir.
Comme pour le film en son intégralité, ne vous fiez pas à la longue liste d'interprètes énumérée dans la bande-annonce. Seul Tony Leung Chiu-wai et Zhang Ziyi tiennent des rôles importants, avec un emploi secondaire pour Gong Li et l'actrice qui joue la fille aînée du propriétaire. Quant aux autres, ils n'apparaissent que très brièvement. Ce qui n'enlève évidemment rien à la qualité du jeu des quatres personnages principaux. Tony Leung nous révèle des côtés de son jeu encore jamais remarqués et Zhang Ziyi confirme qu'elle est l'actrice à surveiller de près dans la jeune génération asiatique. Bien plus que dans ses collaborations avec Ang Lee et Zhang Yimou, elle nous enchante ici, d'une beauté empreinte d'un début séduisant de maturité et de tristesse.

Vu le 7 décembre 2004, au Saint-Germain-des-Prés, en VO

Note de Tootpadu: