
| Titre original: | Redux, Redux |
| Réalisateur: | Kevin McManus, Matthew McManus |
| Sortie: | Cinéma |
| Durée: | 109 minutes |
| Date: | 20 février 2026 |
| Note: |
Redux Redux frappe comme un coup de poing dans le ventre, sans concession dès les premières secondes, s'ouvrant sur une image si crue qu'elle semble tout droit sortie d'un cauchemar : Irene Kelly, incarnée par Michaela McManus, regarde les flammes dévorer un homme attaché à une chaise, bien avant que le film ne révèle la routine infinie et terrible que cela représente. Ce qui ressort de cette introduction fulgurante n'est pas l'exercice attendu dans le spectacle multivers, mais quelque chose de bien plus étrange et intime : une odyssée de vengeance qui se déroule à travers d'innombrables dimensions tout en restant ancrée dans l'âme érodée d'une femme. Les scénaristes-réalisateurs Kevin McManus et Matthew McManus, de retour après leur film discrètement dévastateur The Block Island Sound, n'utilisent le postulat de science-fiction que comme échafaudage ; le bâtiment lui-même est une étude du deuil qui se calcifie en rituel, rituel qui se transforme en addiction, et addiction qui vide son hôte jusqu'à ce qu'elle devienne une ombre traquant un fantôme. Irene ne traque pas un homme, elle poursuit le fantasme de défaire l'impensable, et les frères McManus ancrent cette vérité dans chaque itération mécanique et sans joie de sa vengeance.
Ce qui distingue Redux Redux de la surabondance récente de fictions multiverselles, c'est son refus absolu d'enjoliver le concept. Alors que les superproductions hollywoodiennes plongent les spectateurs dans des univers façonnés par des excentricités et des gadgets, les frères McManus insistent plutôt sur la familiarité : les mêmes restaurants routiers, les mêmes chambres de motel beiges, les mêmes allées de supermarché baignées de lumière fluorescente, répétées avec de légères variations qui ne servent qu'à déstabiliser la routine d'Irene. Cette banalité de l'infini est le coup de génie du film. Ces mondes ne semblent pas être des possibilités, mais plutôt des pièges. Le système méticuleux d'Irene, avec ses trousseaux de clés, ses itinéraires de fuite et ses exécutions minutieusement chronométrées, ressemble moins au travail d'une tueuse qui voyage dans le temps qu'à l'itinéraire obsessionnel d'une personne longtemps emprisonnée par son propre chagrin. Une anecdote que le film glisse discrètement – une nuit récurrente, maladroitement tendre, passée avec Jonathan, interprété avec un charme échevelé caractéristique par Jim Cummings – révèle comment Irene tente, sans succès, d'imiter les relations humaines dans chaque nouveau monde. C'est un réconfort routinier, l'équivalent de la solitude que l'on ressent en mangeant les mêmes restes réchauffés à travers les univers. C'est là que réside la triste plaisanterie : le multivers n'élargit pas sa vie. Il la réduit à une boucle.
Cette boucle finit par se rompre lorsque Irène rencontre Mia, incarnée avec une électricité brute et volatile par Stella Marcus, qui vole presque la vedette à la star chevronnée du film. Leur première rencontre (Mia toujours ligotée dans une baignoire, l'ombre de Neville planant quelque part dans la maison) réoriente la trajectoire du récit. Irène a sauvé de nombreuses filles en éliminant Neville (Jeremy Holm, féroce même dans le silence), mais elle n'est jamais intervenue assez tôt pour en rencontrer une vivante. Mia n'est ni un symbole ni une acolyte ; elle est un miroir qui montre à Irene ce que des années de vengeance ont fait d'elle. L'anecdote la plus astucieuse du film réside dans la façon dont Mia étudie chaque geste d'Irene comme pour s'en imprégner, imitant sa confiance brusque, ses éclats soudains de clarté tactique et même sa bravade autodestructrice. Leur dynamique évoque les meilleurs duos de « famille accidentelle » du cinéma de genre, mais avec un côté plus dur, plus blessé — Terminator 2 réfracté à travers un prisme indie lo-fi où Sarah et John Connor ont déjà vécu plusieurs vies traumatisantes avant de se rencontrer.
Le film ne se développe alors pas vers l'extérieur, vers le spectacle, mais vers l'intérieur, vers la construction d'un monde fondé sur la fragilité humaine. Un détour fascinant à l'intérieur d'un bunker délabré, où des marchands du marché noir du multivers tentent de convaincre Irène de renoncer à sa machine, devient l'une des séquences marquantes du film, non pas pour l'action, mais pour ses implications. Dans cet univers, ces voyageurs sont suffisamment courants pour que la technologie exotique ressemble à une pièce automobile vendue sous le manteau. Cette banalité renforce la thèse générale du film : les mondes infinis n'apportent pas une liberté infinie ; ils ne font que multiplier les endroits où la douleur peut s'envenimer. Même lorsque Irène aperçoit un univers où sa fille est devenue une adolescente — vivante, épanouie, aimée —, ce n'est pas une révélation d'espoir, mais un tourment. Elle ne peut pas entrer dans la vie de cette fille sans la détruire, et le multivers, malgré son ampleur cosmique, ne peut toujours pas guérir la blessure qui la définit. C'est ici, dans ces dévastations silencieuses, que Michaela McManus livre sa performance la plus obsédante, les épaules perpétuellement tendues entre l'assassin et la mère, les yeux scintillants de la douleur de quelqu'un qui a oublié ce que c'est que de vivre sans rage.
Le génie de Redux Redux réside dans le fait qu'il ne moralise jamais ses thèmes, même lorsqu'il les aborde de front. Les histoires de vengeance reposent souvent sur un seul meurtre, le moment cathartique qui rétablit l'équilibre. Ici, c'est la répétition elle-même qui est le méchant. Tuer Neville des centaines de fois ne dilue pas sa méchanceté, mais dilue l'humanité d'Irene. Dans une image particulièrement frappante, Irene se glisse dans la machine multiverse – un cercueil d'acier qui brille d'un rouge infernal – à la recherche d'une échappatoire, mais ne trouvant qu'une métaphore de la tombe qu'elle creuse à nouveau dans chaque dimension. L'élan émotionnel du film s'accumule à travers le va-et-vient entre Irene et Mia : Irene essayant d'empêcher la jeune fille d'hériter de sa monstruosité, Mia essayant de prouver qu'elle est assez forte pour la supporter. Leurs disputes sont empreintes de tensions adolescentes-parentales reconnaissables, mais aussi d'enjeux existentiels : chaque désaccord risque non seulement d'avoir des répercussions émotionnelles, mais aussi des conséquences cosmiques. Les frères McManus, avec sagesse et cohérence, gardent la caméra près de leurs visages, laissant de minuscules fractures de vulnérabilité signaler les changements tectoniques qui se produisent en interne.
Alors que le climax se déroule, Jeremy Holm a enfin l'espace nécessaire pour incarner tout le sadisme de Neville, et c'est terrifiant. Jeremy Holm réussit l'exploit rare de rendre l'image la plus familière du film – le tueur rencontrant sa fin – nouvellement monstrueuse simplement grâce à de subtiles modifications de son physique et de sa présence. Pourtant, même ici, le film résiste aux dichotomies faciles. Le combat d'Irene n'est pas contre Neville, mais contre elle-même, et le multivers, dans toute son étendue infinie, devient la scène sur laquelle elle reconnaît lentement la futilité d'essayer de ressusciter un passé qui ne lui appartient plus. Si la finale s'appuie sur le carnage propre au genre, c'est dans le but de refermer une blessure plutôt que d'en ouvrir une autre. La récompense émotionnelle n'est pas obtenue par le spectacle, mais par la décision difficile de vivre vers l'avenir plutôt que vers le passé, un choix qu'Irene est finalement capable de faire parce que Mia la force à affronter ce qu'elle est devenue.
Redux Redux se distingue non pas parce qu'il réinvente le multivers, mais parce qu'il rejette l'auto-indulgence du genre. Le film comprend que le deuil est déjà un multivers : chaque souvenir imaginé dans mille variations, chaque issue alternative qui hante l'esprit. En donnant à Irène la capacité littérale de poursuivre ces « et si », les frères McManus créent un thriller de science-fiction rare qui fonctionne à la fois comme un divertissement musclé et une complainte philosophique. C'est un film construit à partir d'outils modestes – une boîte métallique cabossée, des diners poussiéreux, des parkings de stations-service – mais rehaussé par un travail minutieux, des performances texturées et une volonté de reconnaître que les batailles les plus dévastatrices ne se livrent jamais à travers le temps et l'espace, mais à l'intérieur du cœur humain.
Redux Redux
Écrit et réalisé par Kevin McManus, Matthew McManus
Produit par Michael J. McGarry, Kevin McManus, Matthew McManus, Nate Cormier, PJ McCabe
Avec Michaela McManus, Jim Cummings, Jeremy Holm, Taylor Misiak, Grace Van Dien, Stella Marcus, Minita Gandhi, Michael Manuel
Directeur de la photographie : Alan Gwizdowski
Montage : Derek Desmond, Nate Cormier
Musique : Paul Koch
Société de production : Mothership Motion Pictures
Distribution : Saban Films
Dates de sortie : 8 mars 2025 (SXSW), 20 février 2026 (États-Unis)
Durée : 109 minutes
Vu le 11 décembre 2025 au Max Linder Panorama
Note de Mulder: