Vampire Hunter D: Bloodlust

Vampire Hunter D: Bloodlust
Titre original:Banpaia hantâ D
Réalisateur:Yoshiaki Kawajiri
Sortie:Vod
Durée:102 minutes
Date:Non communiquée
Note:
Dans un monde en decheance, les vampires, anciens maitres regnants, sont desormais les proies de chasseurs.

Critique de Mulder

Vampire Hunter D: Bloodlust reste l'un de ces rares films d'animation qui constituent non seulement une réussite dans leur genre, mais aussi un moment où l'animation, l'art et la création mythique se rencontrent avec une force émotionnelle inattendue. Dès la première apparition de D, avec ses cheveux noirs interminables qui flottent comme une ombre prise forme et sa silhouette acérée évoquant à la fois un aristocrate et un ange déchu, le film s'annonce comme un festin de romantisme gothique. Le réalisateur Yoshiaki Kawajiri insuffle à ce grand dhampir émacié une attitude distante qui frôle le mystère des rock stars ; il y a des moments où la posture silencieuse de D rappelle davantage un musicien mélancolique hanté par des souvenirs indicibles qu'un chasseur de primes armé d'une lame et d'une détermination sans faille. Cette dualité est cruciale pour l'attrait du film, d'autant plus que D accepte une nouvelle mission : retrouver la jeune Charlotte pour un riche patriarche dont l'amour est mêlé de peur et de préjugés. La prime astronomique qu'il offre révèle l'économie violente du monde : après tout, quand un cheval coûte presque une petite fortune, la promesse de 20 millions de dollars sent autant le désespoir que le privilège.

Ce qui distingue ce film, c'est son instinct à élargir les frontières autour de D sans trahir son énigme. L'intrigue est d'une simplicité trompeuse : D doit récupérer Charlotte avant que le vampire Meier Link ne l'emmène vers un avenir de nuit éternelle, mais c'est le contour moral de la poursuite qui élève le récit. Alors que la poursuite s'étend à travers les plaines désolées d'une Terre mourante, le film laisse libre cours à la sympathie. Meier, loin de l'archétype décadent et prédateur auquel s'attend le public, fait preuve d'une tendresse inébranlable pour Charlotte, allant même jusqu'à s'exposer brièvement à la lumière mortelle du soleil pour elle. Sa déclaration – « Je préfère mourir plutôt que d'aller où que ce soit sans lui » – contredit fortement les hypothèses que les chasseurs de primes ont emportées avec eux dans leur mission. Le film pose subtilement la question de savoir si la monstruosité réside dans le sang ou dans l'action, et ce faisant, invite le spectateur à réévaluer les frontières entre le chasseur et la proie. C'est une richesse thématique qui rappelle la façon dont les westerns ont autrefois redéfini la moralité de la justice frontalière. En effet, les panoramas poussiéreux et les confrontations dignes d'un duel doivent beaucoup à l'iconographie de Sergio Leone.

Alors que D chevauche seul pendant de longues périodes du récit, Vampire Hunter D: Bloodlust élargit son vocabulaire émotionnel grâce à son ensemble. Les frères Markus traversent le désert dans leur engin blindé, une famille de professionnels endurcis dont la cruauté masque une vérité : ils représentent l'impulsion très humaine de survivre dans un monde qui a perdu toute structure. Parmi eux, Leila apparaît comme le contrepoint le plus fascinant de D. D'abord méfiante envers les dhampirs, elle dévoile peu à peu la vulnérabilité qui se cache sous son apparence endurcie, et ses interactions avec D offrent certains des rares moments de chaleur authentique du film. Leur alliance difficile devient une méditation sur la solitude : deux guerriers habitués à se tenir à l'écart de leurs mondes respectifs, qui se heurtent désormais par nécessité et, peut-être, par curiosité. Les personnages secondaires sont tout aussi excentriques : Grove, la figure spectrale qui s'injecte un sérum vert pour libérer une fureur astrale dévastatrice, offre un contrepoint obsédant aux tons gothiques du film, une supernova tragique qui brûle trop vite à chaque apparition.

On ne peut pas parler de Vampire Hunter D: Bloodlust sans s'attarder sur l'audace pure de son art. Si les premières scènes du film souffrent d'un dessin des personnages un peu rigide, l'animation devient rapidement étonnamment complexe. De vastes cimetières se dissolvent dans des teintes oniriques ; l'eau glisse sur la pierre avec la délicatesse réfléchissante d'une nature morte de Monet ; les paysages s'étendent avec un souffle pictural, offrant à la fois beauté et désolation. Yoshiaki Kawajiri et son équipe créent une atmosphère où chaque image semble avoir été touchée à la main, et où l'obscurité devient non seulement esthétique, mais aussi expressive, communiquant le vide d'un monde abandonné par sa noblesse vampirique. Les mutants employés par Meier, notamment une sorcière arboricole capable de changer de forme et une brute ressemblant à un loup-garou avec une mâchoire dans le torse, présentent des designs inventifs, parfois cauchemardesques, qui font de chaque rencontre un mini-cauchemar.

Une caractéristique chère à la franchise, la main gauche bavarde et parasitaire de D, revient avec une énergie sarcastique, ancrant la gravité opératique du film avec une touche d'humour. Doublée en anglais par Michael McShane, la créature fournit le genre de commentaires cyniques que l'on pourrait attendre d'un acolyte vétéran, sauf qu'elle habite le corps de D et se moque de son sens de la mode. Cette dynamique de querelles devient une forme étrangement intime de camaraderie, soulignant à quel point D est profondément isolé des humains et des vampires. Dans un monde où il est craint, méfié et perpétuellement errant, la seule voix qu'il entend régulièrement est littéralement attachée à lui – un dispositif narratif qui est à la fois un soulagement comique et une métaphore mélancolique.

Le crescendo du film se déroule dans l'antre de la comtesse Carmilla, un écho malveillant de l'aristocratie vampirique rendu avec une grandeur cauchemardesque. Ici, Vampire Hunter D: Bloodlust bascule complètement dans l'horreur gothique, évoquant des images de châteaux en ruine, d'illusions spectrales et de mort séduisante. Ces séquences sont si imaginatives qu'elles éclipsent les prouesses visuelles d'œuvres animées contemporaines telles que Jin-Roh, Final Fantasy ou même Shrek. Ce qui est remarquable, c'est la façon dont Kawajiri mélange naturellement les genres – western, horreur, science-fiction, romance – pour créer un ensemble homogène. On y trouve des fusillades mises en scène comme des duels de samouraïs, des batailles en calèche qui semblent tout droit sorties de séries pulp, et des tableaux figés et envoûtants qui reflètent les illustrations fantastiques classiques. La fusion fonctionne parce que le film ne perd jamais de vue son cœur émotionnel : sous chaque spectacle se cache un monde qui souffre de solitude.

En ce sens, Vampire Hunter D: Bloodlust puise dans un sentiment typiquement japonais : la mélancolie d'une société transformée trop rapidement par la modernité. Bien que souvent associés au traumatisme de l'après-guerre, les paysages dystopiques des anime reflètent plus fréquemment l'angoisse culturelle liée à l'accélération technologique, la peur de perdre son humanité dans un monde qui privilégie l'efficacité plutôt que l'essence. L'errance perpétuelle de D, la romance interdite de Charlotte, le désir de connexion de Leila et même le défi lancé par Meier Link à son propre héritage vampirique deviennent autant de fils dans une tapisserie sur le désir, la perte et la recherche désespérée de sens. Ce n'est pas un hasard si les moments les plus calmes du film – D observant de loin, Leila revisitant son passé, Charlotte et Meier rêvant d'un sanctuaire à l'abri du jugement – résonnent avec autant de force que ses confrontations les plus explosives.

Pourtant, malgré tout son poids philosophique, Vampire Hunter D: Bloodlust reste une épopée d'action exaltante. La chorégraphie est fluide, le rythme implacable et la tension maintenue grâce à une construction intelligente du monde plutôt qu'à une simple escalade. Ce qui me frappe particulièrement, c'est la confiance avec laquelle le récit fait confiance à son public ; les motivations ne sont pas trop expliquées, les limites morales sont délibérément floues et les personnages se comportent avec une cohérence qui renforce le ton mature de l'histoire. Les voix anglaises, notamment celles d'Andrew Philpot, Wendee Lee, John Rafter Lee, Matt McKenzie, Pamela Seagall et Julia DeMita, ajoutent de la texture sans éclipser les nuances de l'animation. Leurs performances, enregistrées au Skywalker Ranch, contribuent à donner au film un aspect soigné, cinématographique et accessible à tous.

Vu aujourd'hui, Vampire Hunter D: Bloodlust s'impose comme l'une des productions animées les plus abouties de son époque, un film qui allie spectacle et introspection avec la même conviction. Son talent artistique dépasse tellement l'adaptation originale de 1985 que cette dernière semble désormais être une simple note de bas de page plutôt qu'un précurseur. Plus important encore, Vampire Hunter D: Bloodlust offre quelque chose de rare dans les animations axées sur l'action : un monde où la beauté, la brutalité et le désir coexistent sans compromis. C'est un film qui mérite d'être revu, non seulement pour sa splendeur visuelle, mais aussi pour les échos émotionnels qui persistent longtemps après que D ait repris sa route solitaire vers l'horizon.

Vampire Hunter D: Bloodlust
Écrit et réalisé par Yoshiaki Kawajiri
Adaptation anglaise par Ellen Moore, Jack Fletcher
Basé sur Vampire Hunter D: Demon Deathchase de Hideyuki Kikuchi
Produit par Mataichirō Yamamoto, Masao Maruyama, Takayuki Nagasawa
Avec Pamela Segall, John DiMaggio, Dwight Schultz, Andy Philpot
Directeur de la photographie : Hitoshi Yamaguchi
Montage : Harutoshi Ogata, Satoshi Terauchi, Kashiko Kimura, Yukiko Itō
Musique : Marco D'Ambrosio
Sociétés de production : Madhouse, Filmlink International, BMG Funhouse, Movic, Goodhill Vision, Softcapital
Distribution : Nippon Herald Films (Japon), Urban Vision (États-Unis)
Dates de sortie : juillet 2000 (Fantasia Fest), 23 septembre 2001 (États-Unis)
Durée : 102 minutes

Vu le 10 décembre 2025 au Max Linder Panorama

Note de Mulder: