The Shadow's Edge

The Shadow's Edge
Titre original:The Shadow's Edge
Réalisateur:Larry Yang
Sortie:Cinéma
Durée:142 minutes
Date:03 décembre 2025
Note:
Un mystérieux gangster et ses sept fils adoptifs manipulent et ridiculisent la police en piratant le système de surveillance ultramoderne de la ville afin de récupérer une fortune en cryptomonnaie. La police, désormais impuissante, doit faire appel à un ancien expert qui fait équipe avec une jeune policière à laquelle il est lié par un secret dont elle n'a pas connaissance. Un jeu d'échecs commence, dans lequel l'intelligence et la loyauté seront mises à l'épreuve.

Critique de Mulder

Il y a quelque chose de particulièrement excitant à voir Jackie Chan, aujourd'hui septuagénaire, reprendre sa place dans un genre qu'il a contribué à définir. The Shadow's Edge, réalisé par Larry Yang, est l'un de ces rares tournants tardifs dans la carrière d'un acteur légendaire, qui prouve non seulement qu'il a toujours sa place sur le champ de bataille, mais apporte également des décennies de sagesse cinématographique à chaque coup de poing, regard noir et pas de danse. Sur fond de néons et d'ambiance sombre du Macao moderne, le film s'ouvre sur un cyber-braquage spectaculaire qui ressemble à un mélange énergisant de Heat, Mission : Impossible et des thrillers classiques de Hong Kong qui ont marqué toute une génération. Dès la première image, Larry Yang voit les choses en grand : drones, systèmes de surveillance par IA, coffres-forts de cryptomonnaie, déguisements impossibles et chutes acrobatiques qui flirtent avec l'absurde mais restent crédibles grâce à un réalisme tactile des cascades qui fait défaut à la plupart des films d'action modernes. Au cœur de cette ouverture tonitruante se trouve le mystérieux cerveau, Tony Leung Ka-fai, qui dégage une menace silencieuse dans le rôle de Shadow, une légende criminelle qui se déplace comme un fantôme et tue avec le calme d'un moine.

L'histoire peut sembler familière, un policier à la retraite rappelé au service pour traquer un vieil adversaire mais Larry Yang utilise ce postulat pour explorer la tension entre l'omniscience technologique et l'instinct à l'ancienne. Jackie Chan incarne Wong Tak-Chung, autrefois expert en surveillance hors pair de la police, aujourd'hui promeneur de chiens vieillissant dont les capacités d'observation restent terrifiantes. L'une des touches les plus astucieuses du film est la séquence simple où il suit les habitudes de ses chiens aux toilettes avec une précision digne de Sherlock Holmes, un clin d'œil au public pour lui faire comprendre que si le corps vieillit, l'esprit reste redoutable. Lorsque Wong est rappelé à contrecœur pour aider à déchiffrer un braquage qui dépasse largement les capacités du système Sky Eye alimenté par l'IA de la police, le choc des générations devient le moteur central du film. Il fait équipe avec le jeune officier He Qiuguo, interprété avec une détermination et une vulnérabilité surprenantes par Zhang Zifeng, dont l'histoire personnelle avec Wong apporte une dimension émotionnelle qui porte ses fruits tout au long du film.

Face à eux se trouve l'équipe de Shadow, un groupe de jeunes prodiges séduisants dont les compétences techniques frôlent la science-fiction, dirigés avec un calcul glacial par Tony Leung Ka-fai. Parmi eux se trouvent les frères jumeaux Hei Wong et Hei Mong, tous deux interprétés par Ci Sha, qui passe sans effort du rôle de tueur impitoyable à celui de hacker insupportablement arrogant. Ici, le film mise davantage sur l'attrait de la jeunesse, mais Larry Yang maintient l'intérêt en présentant Shadow comme une figure paternelle tordue, rongée par le regret et convaincue que former la prochaine génération est son dernier acte pertinent. Cette tension entre les criminels et les policiers – de vieux lions guidant des lionceaux dans un monde qu'aucun des deux ne comprend pleinement – donne au film une dimension émotionnelle inattendue. Bien que le scénario s'effondre parfois sous le poids de trop nombreux rebondissements et motivations, les interactions entre les personnages semblent souvent plus riches que celles de leurs homologues du même genre.

Ce qui élève véritablement The Shadow's Edge, cependant, c'est son extraordinaire conception des scènes d'action. Jackie Chan, meurtri, plus lent, mais plus féroce qu'il ne l'a été depuis des années, livre une performance physique qui allie la brutalité du combat rapproché à la chorégraphie inventive basée sur des accessoires qui l'a rendu emblématique. Mais cette fois-ci, c'est plus cru, plus lourd, avec un sens indéniable des conséquences. Une bagarre dans une laverie automatique se transforme en un ballet claustrophobe d'os brisés et d'armes improvisées. Une embuscade criblée de balles est mise en scène avec une clarté viscérale. Un saut en parachute depuis la tour de Macao semble d'un réalisme exaltant. Puis vient la confrontation dans un salon de thé exigu entre Jackie Chan et Tony Leung Ka-fai, l'une des scènes de combat les plus brutalement intimes de leur carrière. Voir Leung — qui se serait entraîné pendant un an pour maîtriser les mouvements précis du couteau — trancher les voyous à la solde de ses adversaires avant d'affronter Jackie Chan est un pur bonheur cinématographique. Ce n'est pas seulement un combat, ce sont deux titans qui rappellent au monde pourquoi ils sont irremplaçables.

Ce qui nous a le plus surpris, cependant, c'est l'efficacité avec laquelle Larry Yang tire parti du suspense dans les moments calmes. L'une des séquences les plus marquantes montre Wong et Shadow partageant un dîner d'une calme trompeur, chaque mouvement chargé de suspicion, chaque réplique comportant un sous-entendu. Une autre se déroule dans un ascenseur, un exercice de tension lente où les deux personnages se testent mutuellement avec des frappes chirurgicales verbales. Ces moments rappellent les parties d'échecs psychologiques de Michael Mann, montrant que Larry Yang ne se contente pas de livrer un spectacle ; il recherche l'atmosphère, l'ambiance et une escalade minutieuse. Même lorsque le montage devient hyperactif ou que le récit s'emmêle dans ses propres fils, le film ne perd jamais son emprise sur le spectateur, car il alterne constamment entre adrénaline et paranoïa.

Pourtant, le film n'est pas sans défauts. Le recours quasi magique au piratage informatique dans le scénario pousse parfois la crédibilité à ses limites, créant des intrigues convenables qui ressemblent davantage à des raccourcis qu'à des avancées méritées. Les jeunes acteurs, bien que charismatiques, se retrouvent parfois pris dans des intrigues secondaires mélodramatiques qui ralentissent le rythme et diluent le duel acharné entre Wong et Shadow. Et avec ses 141 minutes, l'histoire frôle la lourdeur, en particulier lorsqu'elle explique la politique interne du gang de Shadow ou qu'elle s'appuie sur des flashbacks sentimentaux liés aux erreurs passées de Wong. Pourtant, même ces moments plus faibles sont compensés par la force des performances, en particulier l'aura fatiguée mais toujours dangereuse de Jackie Chan et la gravité shakespearienne de Tony Leung Ka-fai.

Sur le plan de la réalisation, Larry Yang fait preuve d'une progression étonnante. Son affection profonde pour les thrillers hongkongais à l'ancienne se marie étonnamment bien avec les récits modernes sur la cybercriminalité. Si le montage rapide peut mettre la patience à rude épreuve, le langage visuel de l'action est toujours lisible, dynamique et chargé d'émotion. Larry Yang sait comment filmer ses acteurs, en particulier Jackie Chan, qu'il cadre avec un mélange de respect et de réalisme, adaptant la chorégraphie aux limites physiques de la star sans en diminuer l'impact. Il y a même un fil conducteur thématique clair sur la tradition contre l'innovation, qui nous rappelle que l'intuition, l'expérience et l'instinct humain ont toujours leur importance à une époque où les algorithmes promettent l'omniscience mais la fournissent rarement.

The Shadow's Edge s'impose à la fois comme un retour triomphal pour Jackie Chan et une puissante vitrine pour Tony Leung Ka-fai, qui, ensemble, élèvent ce thriller au rang des films d'action les plus surprenants de l'année. Il est peut-être inégal, parfois surchargé et parfois trop fasciné par ses propres gadgets technologiques, mais ses moments forts sont exceptionnels, en particulier lorsque le film fait abstraction du bruit et se concentre sur deux vétérans qui s'observent mutuellement comme des loups. Avec des cascades à couper le souffle, des confrontations mémorables et un sens de l'art cinématographique qui honore le passé tout en embrassant le présent, c'est le projet le plus passionnant que Jackie Chan ait mené depuis The Foreigner. Et à en juger par son final, l'histoire n'est pas terminée ; franchement, on sera ravi de découvrir une suite à ce film.

The Shadow's Edge (捕風追影)
Écrit et réalisé par Larry Yang
Basé sur Eye in the Sky de Yau Nai-hoi
Produit par Victoria Hon, Zhang Chao
Avec Jackie Chan, Zhang Zifeng, Tony Leung Ka-fai, Ci Sha
Directeur de la photographie : Qian Tiantian
Montage : Zhang Yibo
Musique : Nicolas Errèra
Sociétés de production : Hairun Pictures, iQIYI Pictures
Distribué par Tao Piao Piao (Chine), Edko Films (Hong Kong), CMC Pictures (États-Unis), Space Odyssey (France)
Dates de sortie : 22 août 2025 (États-Unis), 3 décembre 2025 (France)
Durée : 142 minutes

Vu le 1 décembre 2025 au Gaumont Disney Village, Salle 5 place A18

Note de Mulder: