Running Man

Running Man
Titre original:The Running Man
Réalisateur:Edgar Wright
Sortie:Cinéma
Durée:133 minutes
Date:19 novembre 2025
Note:
Dans un futur proche, The Running Man est l'émission numéro un à la télévision : un jeu de survie impitoyable où les candidats, appelés « coureurs », doivent échapper à des tueurs professionnels pendant 30 jours, sous le regard captivé du public. Chaque jour qui passe augmente le montant du prix et procure une montée d'adrénaline toujours plus intense. Ben Richards, un travailleur désespéré prêt à tout pour sauver sa fille gravement malade, accepte l'impensable : participer à cette émission mortelle, poussé par Dan Killian, son producteur charismatique et cruel. Mais personne n'aurait pu prédire que Ben, avec sa volonté de vivre, son instinct et sa détermination, deviendrait un véritable héros du peuple... et une menace pour tout le système. Alors que les audiences montent en flèche, le danger s'intensifie. Ben devra affronter bien plus que les chasseurs : il devra affronter tout un pays qui prend plaisir à le voir tomber.

Critique de Mulder

Peu de cinéastes auraient pu s'attaquer à The Running Man de Stephen King et le transformer en quelque chose qui semble à la fois résolument moderne et intemporel, mais Edgar Wright y est parvenu. Son adaptation n'est pas seulement un film, c'est un cri furieux et percutant contre la machine du spectacle et du contrôle, une œuvre qui parvient à divertir à tous les niveaux sans jamais laisser son public s'échapper. Fini la bravade kitsch de la version de 1987 de Paul Michael Glaser avec Arnold Schwarzenegger ; à sa place, on trouve un film qui respire l'urgence brute, l'émotion terre-à-terre et le venin politique. The Running Man devient, grâce à Edgar Wright, non seulement un thriller de survie captivant, mais aussi l'une des meilleures et des plus fidèles adaptations de Stephen King jamais réalisées, un miroir de notre époque fracturée, réfractée à travers l'objectif acéré de Edgar Wright et ancrée par la performance déterminante de Glen Powell.

Dès les premières images, le monde qu’Edgar Wright évoque semble terriblement réel. C'est une société en décomposition, rongée par la propagande et la distraction, où la télévision n'est plus l'opium du peuple, mais sa religion. La chaîne diffuse des scènes sanglantes comme divertissement, transformant la pauvreté en spectacle et la rébellion en audience. Dans cette arène sinistre, Ben Richards, interprété par Glen Powell, est un homme acculé par les circonstances. Son enfant est malade, sa femme épuisée et son avenir compromis. Lorsque le gouvernement lui offre la possibilité de gagner de l'argent grâce à The Running Man, un combat à mort télévisé qui oppose des coureurs à des tueurs sanctionnés par le gouvernement, Ben Richards accepte, non par courage, mais par désespoir.Glen Powell incarne cette fatigue avec une profondeur surprenante pour un acteur autrefois associé au charme et à la bravade. Ici, chaque regard trahit la fatigue de quelqu'un qui a vu la vérité derrière le rideau et qui a réalisé qu'il n'y avait plus nulle part où fuir.

Ce qui rend la version dEdgar Wright si mémorable, c'est son ton, un équilibre entre une tension implacable et une satire cinglante qui ne s'effondre jamais sous le poids de sa propre ambition. Le langage visuel du film, conçu par Marcus Rowland et capturé avec une brillante sobriété par le directeur de la photographie Chung Chung-hoon, est à la fois claustrophobe et grandiose. Les villes sont éclairées par le scintillement des panneaux publicitaires en ruine, les intérieurs bourdonnent des parasites des caméras de surveillance, et l'air lui-même semble lourd d'une surcharge d'informations. Chaque image semble avoir un sens, de la façon dont Edgar Wright utilise les reflets dans les écrans pour fragmenter l'identité, à l'immobilité obsédante qui ponctue parfois le chaos. Lorsque Ben Richards se cache dans un théâtre abandonné, entouré de téléviseurs cassés diffusant son image manipulée, le film atteint quelque chose qui s'apparente à l'horreur poétique — non pas l'horreur de la mort, mais celle de l'effacement.

Les seconds rôles renforcent cette symphonie dystopique à chaque instant. Josh Brolin, dans le rôle de Dan Killian, le dirigeant rusé derrière ce sport sanglant télévisé, livre une performance empreinte d'une malice tranquille. Il incarne le mal bureaucratique, non pas parce qu'il tue, mais parce qu'il rationalise. Colman Domingo, dans le rôle du présentateur flamboyant de l'émission, Bobby T., vole la vedette dans chaque scène où il apparaît grâce à un charisme troublant qui brouille la frontière entre charme et cruauté. Son rire résonne comme un coup de feu, chacun de ses sourires est une lame. McCone, l'homme de main incarné par Lee Pace, apporte menace et élégance à sa chasse, tandis que les rôles plus modestes d'Emilia Jones, Michael Cera et William H. Macy complètent un casting qui semble pleinement habité. Aucun personnage n'existe uniquement pour faire avancer l'intrigue ; chacun représente un visage différent de la complicité : l'opportuniste, le cynique, le croyant.

En termes de rythme et de structure, Edgar Wright réalise quelque chose de mémorable également : un film qui se déroule comme un thriller d'action, mais qui se termine comme une tragédie. Chaque séquence de poursuite est exaltante — cinétique, viscérale et montée avec la précision caractéristique d’Edgar Wright — mais sous la surface, il y a une douleur qui ne s'estompe jamais. Il ne s'agit pas de la rébellion brillante d'un héros contre ses oppresseurs, mais du lent effondrement d'un homme qui se rend compte que même sa défiance sera transformée en spectacle. L'humour caractéristique du réalisateur est toujours présent, mais il est utilisé comme une arme. Les blagues tombent comme des mines antipersonnel, attirant le public dans le rire avant d'exploser dans le malaise. Wright ne se moque pas de ses personnages, il se moque de nous, les spectateurs qui consommons la douleur pour le plaisir, qui passons outre l'injustice tant qu'elle est présentée avec style.

Ce qui élève peut-être The Running Man au-dessus des autres films dystopiques — et des autres adaptations de Stephen King —, c'est sa clarté émotionnelle. Edgar Wright ne perd jamais de vue l'histoire humaine qui se cache derrière la machine. Le milieu du film, où Ben Richards enregistre un message pour sa femme en sachant qu'il sera trafiqué pour servir de propagande, est peut-être l'une des scènes les plus déchirantes de tous les films de Stephen King. Le ton de Powell est calme, résigné, presque tendre, et lorsque la version éditée est diffusée quelques instants plus tard, transformant son appel en confession d'un méchant, la trahison semble insupportable. C'est le moment où le film transcende le divertissement pour devenir une mise en accusation de la vérité elle-même à l'ère de la manipulation.

Le dernier acte culmine dans un crescendo de chaos et de clarté. Se déroulant à bord d'un avion détourné, il reflète la fin explosive du roman de Stephen King, mais la remodèle à travers le prisme moral d’Edgar Wright. Alors que le livre se termine par une destruction violente, le film se termine dans l'ambiguïté, avec une étincelle de rébellion qui survivra peut-être ou peut-être pas à la prochaine diffusion. C'est un choix qui divise le public, mais qui correspond à la logique du film : les révolutions ne se terminent pas par des explosions, elles se dissolvent dans les émissions, les slogans et les hashtags. Même si  Edghar Wright offre une catharsis, il refuse toute résolution, nous laissant suspendus entre triomphe et futilité.

Au-delà de son récit et de ses images, The Running Man témoigne de l'évolution d'Edgar Wright en tant que cinéaste. Ce réalisateur, autrefois connu pour ses pastiches de la culture pop et ses comédies dynamiques, livre aujourd'hui un film profond, furieux et d'une actualité effrayante. Chaque élément, de la bande originale rétro de Steven Price à l'utilisation obsédante d'images d'archives, a un but précis. Edgar Wright ne se complaît pas dans la nostalgie, il la dissèque, montrant à quel point les souvenirs et les médias peuvent facilement être utilisés comme des armes. Le résultat est un film aussi réussi que Children of Men et aussi mordant que Network, tout en battant au rythme incomparable de l'identité créative de Wright.

À une époque où les remakes et les spectacles creux abondent, The Running Man est une révélation : audacieux, intelligent et résolument personnel. Il réhabilite la vision originale de Stephen King après des décennies d'interprétations erronées et lui donne une voix à la fois prophétique et douloureusement actuelle. Glen Powell n'a jamais été aussi bon, Edgar Wright n'a jamais réalisé avec autant de conviction, et la fureur sociale de Stephen King n'a jamais été aussi cinématographique. Ce n'est pas simplement un thriller dystopique de plus, c'est un événement cinématographique, un miroir culturel et un défi émotionnel. S'il existe un film qui prouve que le cinéma peut encore dire la vérité au pouvoir tout en faisant vibrer les sens, c'est bien The Running Man.Assurément ce film est l'une des meilleures adaptations de Stephen King jamais réalisées et un modèle de la narration dystopique moderne.

Running Man (The Running man)
Réalisé par Edgar Wright
Écrit par Michael Bacall, Edgar Wright
Basé sur The Running Man de Stephen King (sous le pseudonyme Richard Bachman)
Produit par Edgar Wright, Nira Park, Simon Kinberg
Avec Glen Powell, William H. Macy, Lee Pace, Emilia Jones, Michael Cera, Daniel Ezra, Sean Hayes, Jayme Lawson, Colman Domingo, Josh Brolin
Directeur de la photographie : Chung Chung-hoon
Montage : Paul Machliss
Sociétés de production : Genre Films, Complete Fiction
Distribué par Paramount Pictures
Date de sortie : 14 novembre 2025 (Etats-Unis), 19 novembre 2025 (France)
Durée : 133 minutes

Vu le 2 novembre 2025 au Pathe Beaugrenelle, salle Dolby Theater
Revu le 3 novembre 2025 à l’UGC Ciné-cité Bercy, salle 33

Note de Mulder: