Predator : Badlands

Predator : Badlands
Titre original:Predator : Badlands
Réalisateur:Dan Trachtenberg
Sortie:Cinéma
Durée:107 minutes
Date:05 novembre 2025
Note:
Dans le futur sur une planète lointaine, un jeune Predator, exclu de son clan, trouve une alliée improbable en la personne de Thia et entreprend un voyage en territoire hostile, à la recherche de l'adversaire ultime.

Critique de Mulder

Il y a des moments où une franchise de longue date semble soudainement renaître, non pas grâce à la nostalgie ou à un ravalement de façade, mais grâce à un changement fondamental dans la manière dont sa mythologie centrale est abordée. Predator: Badlands, réalisé avec une conviction farouche par Dan Trachtenberg, est exactement ce moment : une réinvention si confiante qu'elle semble inévitable avec le recul. Le film fait le saut conceptuel le plus audacieux depuis l'original de 1987, en plaçant le Predator non pas comme une terreur invisible, mais comme l'axe émotionnel central de l'histoire, sans jamais trahir ce qui a rendu cet univers fascinant au départ. Ce qui se déroule est une odyssée planétaire de survie, d'identité et de camaraderie réticente, portée par une construction du monde si tactile et un travail sur les personnages si surprenant qu'elle devient, sans exagération, l'une des meilleures entrées que la franchise n’ait jamais produites. Dan Trachtenberg traite les Yautja non pas comme de simples machines à tuer, mais comme une culture avec ses contradictions, ses cruautés et une poésie étrange et meurtrie ; lorsque les dernières images apparaissent, la saga semble plus riche, plus flexible et plus humaine, même si elle ne contient aucun humain.

Dès les premières images sur la planète natale des Yautja, le film s'ancrent dans un rituel familier – un jeune guerrier prouvant sa valeur – mais le réfracte à travers la vulnérabilité de Dek, interprété par Dimitrius Schuster-Koloamatangi, un avorton selon les normes de son clan et la cible du mépris de son imposant père Njohrr. Trachtenberg met en scène ces premières scènes non pas comme des éléments de l'histoire, mais comme des blessures des personnages ; la caméra s'attarde sur les hésitations subtiles de Dek, sur la façon dont le fait d'être plus petit dans une société obsédée par la domination se transforme en honte. Le moment où Kwei, interprété par Mike Homik, choisit d'épargner son frère au lieu d'obéir à l'ordre de leur père de le tuer est le premier choc émotionnel : un petit acte de compassion qui déclenche une tragédie et façonne l'ensemble du film. La fuite de Dek vers Genna n'est pas tant le début d'une quête qu'une tentative désespérée d'échapper à une culture qui a décidé qu'il était indigne, un exil personnel déguisé en rite de passage. Le scénario semble à la fois archétypal et étrangement nouveau, établissant un personnage dont l'arc narratif mérite le poids que le film lui accorde.

Une fois sur Genna, un monde mortel magnifiquement réalisé où chaque plante et chaque créature semble conçue pour humilier le concept de sécurité, le film se transforme en une aventure de survie implacable qui rappelle à la fois les romans de science-fiction pulp et les documentaires naturalistes. Dan Trachtenberg, en collaboration avec le directeur de la photographie Jeff Cutter, crée un paysage visuellement maximaliste sans jamais donner l'impression d'être artificiel : des plaines d'herbes coupantes qui ondulent comme des hachoirs à viande dans le vent, des créatures qui lâchent des pierres sur des sacs chimiques pour enflammer du napalm organique, des vignes qui se comportent comme des prédateurs à part entière. Les détails sont étonnants, mais l'essentiel réside dans la manière dont ils façonnent la psychologie de Dek. Dépouillé de la plupart de son équipement et malmené par l'environnement à chaque instant, il est contraint d'improviser : piéger, observer, apprendre. Son isolement amplifie chaque grognement et chaque respiration pour en faire une étude de narration physique ; la performance de Schuster-Koloamatangi devient une leçon magistrale de caractérisation non verbale, le genre de jeu physique que les récompenses ont tendance à négliger, mais qui définit discrètement l'âme du film.

Le tournant — et le coup de génie créatif qui unifie le ton du film — survient avec l'introduction de Thia, incarnée par Elle Fanning, une synthétique de Weyland-Yutani qui a été coupée en deux mais qui reste joyeuse, curieuse et d'un optimisme déconcertant pour quelqu'un qui traîne un torse sectionné autour de Genna. L'image de Dek la portant à contrecœur comme un sac à dos est à la fois drôle, triste et étrangement poignante. La nature bavarde de Thia devient à la fois un contrepoint dramatique et une source de friction morale ; elle remet en question la conviction de Dek selon laquelle l'empathie est synonyme de faiblesse, tandis que le pragmatisme brutal de Dek prend Thia au dépourvu, la poussant au-delà de son optimisme programmé. Leur dynamique fait écho aux duos mal assortis classiques du cinéma, tout en restant distinctement étrangère grâce à la barrière linguistique et à la menace constante d'anéantissement qui les entoure. Elle Fanning apporte une double brillance : la chaleur candide de Thia contraste avec l'efficacité effrayante de son homologue Tessa, également interprétée par Elle Fanning, dont la froide précision incarne tout ce que Thia refuse de devenir. Les scènes où les deux versions du même synthétique s'affrontent ressemblent à des tragédies miniatures sur l'identité et la programmation, un écho science-fictionnel des tensions fraternelles filtrées par l'exploitation des entreprises.

Alors que Dek, Thia et Bud, une créature simiesque étonnamment attachante, traversent Genna, le film s'approfondit pour devenir une réflexion nuancée sur la nature de la force. Le credo des Yautja — ne soyez la proie de personne, ne soyez l'ami de personne — se fracture sous le poids des expériences de Dek, remodelé par de petits échanges sur la hiérarchie du groupe, la confiance et la fonction de la mémoire. Dan Trachtenberg fait subtilement référence aux westerns, en particulier à la compagnie silencieuse de vagabonds éloignés, contraints de cohabiter par un terrain impitoyable, et la résonance émotionnelle est plus forte que prévu. Bud, loin d'être un simple argument marketing mignon, devient un pont environnemental, un rappel que même dans un écosystème où l'on tue ou l'on est tué, la reconnaissance interespèces peut émerger. Le père de Dek lui a appris que la force se mesurait en trophées ; Thia suggère que la force pourrait se mesurer à ce que l'on protège. Le film ne réduit jamais cette tension à une moralisation simpliste, mais laisse plutôt Dek découvrir, douloureusement et progressivement, que l'identité qu'il a été élevé à hériter n'est peut-être pas digne de lui.

Le spectacle, lorsqu'il éclate, est l'un des plus imaginatifs de l'histoire de la franchise. Le Kalisk, la créature imposante que Dek cherche à tuer, n'est pas seulement un monstre boss, mais une créature dont les capacités de régénération créent des énigmes tactiques plutôt que de purs combats brutaux. Une scène clé, une bataille parallèle où les jambes coupées de Thia se battent indépendamment tandis que Dek tente de déjouer le Kalisk, atteint un niveau de créativité délirant qui semble à la fois absurde et véritablement palpitant. La volonté de Dan Trachtenberg de pousser les effets pratiques, les effets spéciaux, l'échelle et la chorégraphie dans des configurations étranges et cinétiques porte ses fruits à plusieurs niveaux. Et en dissimulant la violence dans la biologie extraterrestre (sang vert des Yautja, fluide synthétique blanc, sang irisé des créatures), le film conserve sa cruauté malgré son classement PG-13, prouvant que la brutalité n'est pas tant une question de saturation des couleurs que d'élan et d'intention.

Le crescendo émotionnel de l'histoire ne se produit pas lors de l'affrontement final, mais dans ses révélations sur la loyauté et la famille. La réapparition de Tessa, armée par mandat de l'entreprise et dépouillée de tout sentiment, devient le contrepoint qui cristallise la transformation de Dek. Le contraste entre l'empathie quasi humaine de Thia et la cruauté programmée de Tessa reflète les divisions internes de Dek. Lorsque Dek est enfin confronté à la signification du mot « famille » — à la fois celle dans laquelle il est né et celle qu'il s'est construite —, le film atteint une résonance rarement tentée dans cette franchise. Même le rebondissement final, une réplique incisive et humoristique qui recadre une absence négligée dans la tradition Predator, fait office à la fois de punchline et de promesse : cet univers recèle bien plus que ce que des décennies de tradition laissaient supposer.

Ce qui rend Predator: Badlands étonnant, c'est qu'il embrasse la réinvention sans rejeter l'héritage. Il respecte l'iconographie de la créature — la chasse, l'équipement, le code — tout en démantelant la mentalité qui la sous-tend. Il fonctionne comme une aventure musclée, un drame de personnages, une parabole de science-fiction et une extension de la mythologie de la franchise qui semble tardive plutôt que disruptive. Plus important encore, il fait confiance à son public pour suivre un protagoniste Predator pendant deux heures sans diluer son caractère extraterrestre ni adoucir ses traits. Ce faisant, Dan Trachtenberg offre quelque chose de rare : un blockbuster qui élargit ses propres possibilités tout en approfondissant son thème central.

Pour une franchise longtemps définie par une menace extérieure, transformer son redoutable chasseur en un personnage principal introspectif aurait dû être un gadget. Au lieu de cela, cela devient une révélation. Predator: Badlands se hisse au niveau des meilleurs films de la série, et les surpasse souvent par son audace, sa personnalité et sa clarté cinématographique. Ce n'est pas seulement un épisode remarquable, c'est un modèle de la façon dont une ancienne propriété intellectuelle peut évoluer sans renoncer à son identité. Predator : Badlands s’impose comme l'un des films de genre les plus stimulants de l'année.

Predator: Badlands
Réalisé par Dan Trachtenberg
Écrit par Patrick Aison
Scénario de Dan Trachtenberg, Patrick Aison
D'après les personnages de Jim Thomas, John Thomas
Produit par John Davis, Brent O'Connor, Marc Toberoff, Dan Trachtenberg, Ben Rosenblatt
Avec Elle Fanning, Dimitrius Schuster-Koloamatangi
Directeur de la photographie : Jeff Cutter
Montage : Stefan Grube, David Trachtenberg
Musique de Sarah Schachner, Benjamin Wallfisch
Sociétés de production : Lawrence Gordon Productions, Davis Entertainment, Toberoff Entertainment
Distribué par 20th Century Studios (États-Unis), The Walt Disney Company France (France)
Dates de sortie : 3 novembre 2025 (Chinese Theatre), 5 novembre 2025 (France), 7 novembre 2025 (États-Unis)
Durée : 107 minutes

Vu le 5 novembre 2025 au Gaumont Disney Village, Salle 11 IMAX place E21

Note de Mulder: