Kaamelott : Deuxième volet, partie 1

Kaamelott : Deuxième volet, partie 1
Titre original:Kaamelott : Deuxième volet, partie 1
Réalisateur: Alexandre Astier
Sortie:Cinéma
Durée:139 minutes
Date:22 octobre 2025
Note:
Les Dieux sont en colère contre Arthur ! Après la destruction de Kaamelott, son refus obstiné de tuer Lancelot précipite le Royaume de Logres à sa perte. Il réunit ses Chevaliers, novices téméraires et vétérans désabusés, autour de la Nouvelle Table Ronde et les envoie prouver leur valeur aux quatre coins du Monde, des Marais Orcaniens aux terres glacées du Dragon Opalescent.

Critique de Mulder

Il fallait sans doute un courage certain pour se replonger dans l’univers de Kaamelott après les promesses en demi-teinte du premier long métrage. Quatre ans plus tard, Alexandre Astier livre avec Kaamelott : Deuxième Volet, Partie 1 une œuvre qui, sous des airs de fresque épique, se révèle être un patchwork sans direction claire, un enchaînement de scènes décousues qui rappellent davantage le format télévisuel de la série que la grammaire du cinéma. L’attente aura été longue, l’ambition affichée, mais le résultat final s’étire, se répète et échoue à captiver. Ce n’est pas tant le manque d’action qui pèse que cette impression de traverser un récit en veille prolongée, prisonnier d’une nostalgie qui a perdu tout ressort.

Le film s’ouvre sur un Arthur Pendragon (interprété par Alexandre Astier lui-même) enfermé dans son marasme existentiel, hébergé chez ses beaux-parents, indifférent à la reconstruction d’un royaume en ruines. Rien n’a changé depuis Kaamelott – Premier Volet, si ce n’est que la lassitude s’est installée durablement. Autour de lui, Guenièvre (jouée par Anne Girouard) tente de ranimer la flamme du roi défait, Lancelot (interprété par Thomas Cousseau) s’enfonce dans la pénitence, et la cour de Logres ressasse les mêmes querelles. On retrouve bien les silhouettes familières – Lionnel Astier en Léodagan, Joëlle Sevilla en Séli, Audrey Fleurot en Dame du Lac – mais leurs interactions paraissent tourner à vide, recyclant des échanges éculés dans un cadre qui se voudrait solennel. Chaque scène semble poser une promesse de relance dramatique avant de se dissoudre dans la suivante, comme si le montage avait oublié le souffle du récit.

Ce morcellement donne au film un rythme brisé, presque amorphe. Alexandre Astier, fidèle à son écriture dense et bavarde, aligne les sous-intrigues : un trio de magiciens (campés par Jacques Chambon, Bruno Fontaine et Daniel Mesguich) fouillant les ruines, des chasseurs de primes sur les traces du roi Loth, de jeunes chevaliers partis en quête d’eux-mêmes. Mais rien n’avance, rien ne se noue. Ce qui tenait autrefois la série – la vivacité du verbe, la collision entre trivialité et grandeur – se délite ici dans un bavardage sans tension. Ce n’est plus du théâtre filmé, c’est un théâtre fatigué qui s’étale sur deux heures vingt, sans jamais décoller. Même la splendeur des paysages islandais, les décors soignés et la photographie élégante ne suffisent pas à compenser la lente agonie du rythme.

On sent pourtant Alexandre Astier désireux d’élever son univers vers une forme de fantasy à la française, avec dragons, prophéties et quêtes symboliques. L’intention est louable, mais la concrétisation s’effondre sous le poids d’une écriture saturée. À trop vouloir tout montrer, tout évoquer, le film ne raconte plus rien. La prétention épique se heurte à la structure épisodique : les ellipses s’enchaînent, les transitions s’évaporent, et les personnages semblent se croiser sans jamais interagir vraiment. On pourrait presque croire à un montage de six épisodes mal ordonnés. Ce qui aurait pu être un souffle romanesque se transforme en brouillard de dialogues, où l’on s’égare en cherchant un fil conducteur.

L’absence de Franck Pitiot (Perceval) illustre à elle seule le déséquilibre du film. Ce personnage, pivot du ton absurde et tendre de la série, manque cruellement à l’ensemble. Sans lui, la dynamique humoristique s’effondre, et Karadoc (toujours incarné par Jean-Christophe Hembert) semble orphelin de son partenaire d’idiotie. Les rares tentatives comiques, portées par Guillaume Gallienne ou Alain Chabat, apparaissent comme des respirations isolées dans un ensemble sinistrement compassé. Même les sarcasmes de Léodagan ou les éclats de Séli peinent à arracher un sourire. Ce Kaamelott cinématographique, autrefois joyeusement décalé, se prend ici terriblement au sérieux, et perd ce qui faisait son charme : la légèreté du désenchantement.

Plus grave encore, le film n’offre ni progression narrative ni tension émotionnelle. À la fin, Arthur reste abattu, Lancelot demeure frustré, et les dieux sont toujours fâchés. Aucun conflit ne se résout, aucune trajectoire n’évolue. Tout semble figé, comme un décor trop bien éclairé mais déserté de vie. Là où la série avançait par petites touches de désespoir ironique, Alexandre Astier en reste ici à l’esquisse d’un drame qu’il refuse de laisser éclore. La quête du Graal devient une métaphore vide, et même l’épée Excalibur, symbole central de la légende, finit plantée dans un rocher par manque d’idée. Cette inaction permanente finit par contaminer le spectateur, pris en otage dans un récit sans respiration.

Visuellement, tout est plus grand, plus travaillé, mais c’est une beauté creuse, celle d’un film qui confond ampleur et profondeur. Les costumes de Marylin Fitoussi éblouissent, la musique composée par Alexandre Astier lui-même porte une gravité sincère, mais rien de tout cela n’habite le cœur du film. Ce qui manque, ce n’est pas le talent, c’est le mouvement. L’ensemble est d’autant plus frustrant qu’on devine derrière cette inertie une œuvre sincère, construite avec passion, mais prisonnière d’un auteur qui refuse de trancher. En voulant rester fidèle à son univers tout en prétendant l’agrandir, Alexandre Astier finit par diluer l’un et rater l’autre.

Le plus ironique, finalement, est que cette Partie 1 ne raconte qu’une moitié d’histoire sans même offrir un semblant de climax. Aucun fil n’est refermé, aucune émotion ne s’élève, et le générique arrive comme une fin de tournage plus que comme une fin de film. À force de repousser les promesses, Alexandre Astier transforme son odyssée arthurienne en un feuilleton sans fin, prisonnier de son propre mythe. Là où Kaamelott – Premier Volet gardait encore une certaine chaleur nostalgique, ce Deuxième Volet, Partie 1 s’enlise dans la redite et l’ennui. On en sort avec la même impression que les personnages : épuisé, un peu perdu, et vaguement résigné.

Ce Kaamelott : Deuxième Volet, Partie 1 n’est pas un naufrage spectaculaire, mais une lente dérive. C’est un film qui cherche son souffle sans jamais le trouver, qui aligne ses images comme des souvenirs d’une gloire passée. Malgré la sincérité manifeste de Alexandre Astier, son œuvre s’effondre sous le poids de ses ambitions. Trop longue, trop bavarde, trop statique, elle n’a ni la verve de la série, ni l’ampleur d’un vrai film de cinéma. Il ne reste qu’une succession de séquences sans liant, un royaume sans roi, un mythe sans rythme. 

Kaamelott : Deuxième volet, partie 1
Écrit et réalisé par Alexandre Astier
Produit par Alexandre Astier, Agathe Sofer
Avec Alexandre Astier, Anne Girouard, Thomas Cousseau, Lionnel Astier, Joëlle Sevilla, Jean-Christophe Hembert, Jacques Chambon, Nicolas Gabion, Guillaume Gallienne, Virginie Ledoyen, Carlo Brandt, Christian Clavier, Stéphane Margot, Haroun, Daniel Mesguich, Claire Nadeau, Audrey Fleurot, Alain Chabat, Clovis Cornillac, Marie-Christine Orry, Thomas VDB, Serge Papagalli, Brice Fournier, Alain Chapuis, Gilles Graveleau, Luna Karys, Étienne Fague, François Raison, Ethan Astier, James Astier, David Ayala, Sylvain Quimène, Loïc Varraut, Josée Drevon, Louise Orry-Diquero, Eddy Letexier, Linh-Dan Pham, Redouane Bougheraba, Aurélien Portehaut, Ariane Astier, Jeanne Astier, Tony Saba, Bruno Fontaine, Alexandra Saadoun, Magali Saadoun, Thomas Neyret, Hugo Leman, Paul Valy, Hugo Halet, Léa Pellin, Moguiz
Directeur de la photographie : Jean-Marie Dreujou
Montage : Alexandre Astier
Musique : Alexandre Astier
Sociétés de production : Regular Production
Distribution : SND (France)
Date de sortie : 22 octobre 2025 (France)
Durée : 139 minutes

Vu le 24 octobre 2025 au Gaumont Disney Village, Salle 3 place A18

Note de Mulder: