Regretting you

Regretting you
Titre original:Regretting you
Réalisateur:Josh Boone
Sortie:Cinéma
Durée:116 minutes
Date:29 octobre 2025
Note:
Morgan Grant a mis ses rêves entre parenthèses pour élever sa fille Clara. Si elles partagent un amour indéfectible, tout le reste les divise : leurs valeurs, leurs choix, leur manière d’aimer et de vivre. Morgan veut protéger Clara à tout prix, quitte à l’étouffer. Clara, elle, refuse de suivre le chemin tout tracé de sa mère et cherche à s’émanciper. Mais lorsqu’un drame brutal fait ressurgir une trahison inimaginable, le fragile équilibre qu’elles avaient construit vole en éclats. Dans ce chaos, Morgan trouve un soutien inattendu… auprès de la seule personne qu’elle tenait à distance depuis des années. De son côté, Clara se rapproche dangereusement du garçon qu’on lui a formellement interdit d’aimer. Deux chemins parallèles, deux cœurs en reconstruction, une vérité à affronter.

Critique de Mulder

On est entré dans Regretting You, réalisé par Colleen Hoover, avec l’attente prudente d’un duel entre mélodrame et crédibilité, et on en est ressorti convaincus d’avoir découvert bien plus que cela : un film généreux, sincère, qui parle la langue des émotions avec droiture. Du prologue lumineux sur une plage jusqu’à la conclusion empreinte de douceur, l’œuvre défend l’idée que l’amour, la douleur, le regret et les secondes chances peuvent cohabiter sans s’annuler. Sous la mise en scène claire de Josh Boone et l’adaptation soignée de Susan McMartin, cette conviction devient le cœur battant du film. Ce qui aurait pu tourner au soap se transforme ici en une fresque sur la vulnérabilité humaine, refusant aussi bien le cynisme que la mièvrerie. Quand les lumières se sont rallumées, les applaudissements avaient ce ton rare du soulagement ému : celui d’un public qui vient de reconnaître quelque chose de vrai.

Le choix audacieux de faire interpréter les personnages adolescents par leurs versions adultes dans le prologue s’avère étonnamment juste. Voir Allison Williams, Dave Franco, Willa Fitzgerald et Scott Eastwood traverser le temps avec leurs propres visages crée une continuité émotionnelle plutôt qu’un simple effet de style. Dès la première séquence, Josh Boone annonce la couleur : les tourments intérieurs des jeunes méritent une mise en scène aussi ample que leurs sentiments. Fidèle à la musicalité émotionnelle qui portait Nos étoiles contraires, il orchestre ici un récit qui fait le pont entre la fougue de la jeunesse et la mélancolie de l’âge adulte. Dix-sept ans passent, mais la pulsation du film reste la même : un cœur qui bat à contretemps du quotidien.

Dans le présent, le drame se scinde en deux lignes harmonieuses. D’un côté, celle des adultes : Morgan et Jonah, interprétés avec retenue par Allison Williams et Dave Franco, confrontés à une tragédie qui expose ce qu’ils ont tu. De l’autre, celle des adolescents : Clara et Miller, incarnés par Mckenna Grace et Mason Thames, deux âmes à la frontière entre perte et découverte. Leur histoire, tendre et pudique, insuffle de l’air à l’ensemble. On y retrouve cette justesse des détails – un SMS hésitant, un rendez-vous dans un cinéma de banlieue, un livre de Sidney Lumet posé sur une table de chevet – qui font exister les personnages au-delà des archétypes. Mckenna Grace incarne avec précision une adolescente qui cache sa douleur derrière la bravade, tandis que Mason Thames trouve un équilibre rare entre douceur et intégrité. Ensemble, ils ramènent le film vers la vérité simple des émotions adolescentes.

Ce qui frappe, c’est la façon dont le film laisse le chagrin vivre sa vie. Il n’est pas poli, ni linéaire : il avance par à-coups, entre colère et silence. La double perte qui secoue la famille engendre mensonges et malentendus, mais jamais par artifice dramatique ; tout semble naître d’une tentative sincère d’épargner autrui. Allison Williams joue avec une maîtrise contenue une femme qui a porté trop longtemps le masque de la force tranquille, tandis que Dave Franco prête à Jonah une humanité fatiguée, pleine de regrets retenus. Leur lien, débarrassé de toute grandiloquence, révèle une tendresse adulte, patiente, qui préfère la sincérité au spectaculaire. Un souvenir récurrent au bord d’une piscine, traité comme une note musicale, devient le symbole d’une mémoire partagée où l’amour ne guérit pas tout, mais adoucit ce qu’il reste.

La dimension adolescente du récit apporte lumière et respiration. Mason Thames incarne un jeune homme qui comprend que désirer ne signifie pas posséder, et Mckenna Grace l’accompagne avec une écoute rare. Ensemble, ils frôlent la frontière entre la romance et la réalité avec une précision désarmante. Puis arrive Clancy Brown, dans un rôle bref mais marquant, celui d’un grand-père dont la sagesse calme fait l’effet d’un ancrage. Leurs échanges apportent une chaleur immédiate, une forme d’humour sans ironie et d’émotion sans sucre. Le film devient alors un espace où chaque regard compte, où la tendresse se manifeste par des gestes minuscules plutôt que des déclarations tonitruantes.

Certes, Regretting You emprunte quelques codes du mélodrame – lettres cachées, révélations, symboles appuyés – mais il les utilise pour parler d’éthique plus que de destin. Le scénario refuse de simplifier les absents, de juger les vivants, ou de transformer la douleur en carte blanche sentimentale. Certaines zones demeurent volontairement opaques, et c’est dans ces silences que le film respire. Josh Boone filme la Caroline du Nord comme un état d’âme : la lumière qui entre par une fenêtre, le clapotis d’un lac, la maison où tout semble encore habité par ceux qui ne sont plus là. L’émotion monte sans jamais étouffer, comme si la mise en scène retenait la main du spectateur pour ne pas l’écraser sous le poids des larmes.

Vu en salle, le film prend une dimension collective. Les réactions du public deviennent partie intégrante du récit : un rire, un souffle, un silence partagé. Là où d’autres œuvres cherchent la connivence, Regretting You cultive la confiance. Il ose le mutisme là où tant de drames s’abandonnent au discours. Une scène tardive entre mère et fille illustre cette pudeur : les mots cèdent la place à la reconnaissance mutuelle. On sent le public suspendu, comme si tout le monde respirait au même rythme. Ce moment-là, rare, signe la réussite du film.

Le travail technique mérite lui aussi l’attention. La bande-son accompagne l’évolution des personnages plutôt qu’elle ne souligne leurs émotions. La direction artistique reflète le détachement progressif d’une maison de son passé, et le montage équilibre deux tonalités sans qu’aucune ne domine. Même le choix discutable de rajeunir les personnages finit par s’inscrire dans la logique du récit : il unit la jeunesse et la maturité dans un même présent émotionnel. L’ensemble prouve que la sincérité peut cohabiter avec la sophistication, et que le risque, lorsqu’il est pris au bon endroit, devient une forme de beauté.

Certains resteront allergiques au genre, c’est inévitable. Pourtant, Regretting You rappelle qu’un mélodrame n’a rien d’artificiel lorsqu’il parle vrai. Derrière ses gestes amples, il interroge ce que nous faisons de nos pertes et comment l’amour persiste malgré tout. Grâce à Allison Williams, Dave Franco, Mckenna Grace, Mason Thames, Willa Fitzgerald, Scott Eastwood et Clancy Brown, le film gagne en authenticité à chaque regard, à chaque silence. Quand le générique s’est déroulé et que les applaudissements ont duré, on n’y a pas vu de réflexe poli, mais un élan partagé. Regretting You est un mélodrame qui ne s’excuse pas d’en être un, une romance qui respire la vérité, et une histoire familiale qui choisit la douceur comme forme de courage. A cela ajouter la magnifique chanson de Marine pour la version française du film et vous obtenez l’un de nos gros coups de cœur de cette année cinématographique 2025

Regretting You
Réalisé par Josh Boone
Écrit par Susan McMartin
Basé sur Regretting You de Colleen Hoover
Produit par Robert Kulzer, Brunson Green, Anna Todd, Flavia Viotti
Avec Allison Williams, Mckenna Grace, Dave Franco, Mason Thames, Willa Fitzgerald, Scott Eastwood, Clancy Brown
Directeur de la photographie : Tim Orr
Montage : Marc Clark, Robb Sullivan
Musique : Nathaniel Walcott
Sociétés de production : Paramount Pictures, Constantin Film, Harbinger Pictures, Frayed Pages Entertainment, Heartbones Entertainment
Distribution : Paramount Pictures (mondial), Constantin Film (Allemagne)
Dates de sortie : 12 octobre 2025 (Berlin), 24 octobre 2025 (États-Unis), 29 octobre 2025 (France)
Durée : 116 minutes

Vu le 14 octobre 2025 à l’UGC Ciné-cité Bercy

Note de Mulder: