Black Phone 2

Black Phone 2
Titre original:Black Phone 2
Réalisateur:Scott Derrickson
Sortie:Cinéma
Durée:114 minutes
Date:17 octobre 2025
Note:
Depuis son enlèvement, Finney, aujourd’hui âgé de 17 ans, éprouve beaucoup de mal à reprendre le cours d’une vie normale, alors que rien ni personne ne saurait arrêter Gwen, sa sœur de 15 ans. Mais le sinistre téléphone se met à sonner dans les rêves de l’adolescente, où elle voit sans cesse trois garçons se faire pourchasser dans un camp de montagne appelé Alpine Lake. Déterminée à mettre fin à ces cauchemars et à en percer le mystère, Gwenn persuade son frère de se rendre sur place, malgré le blizzard qui frappe la station. C’est là qu’elle découvre l’horrible vérité derrière le lien entre l’Attrapeur et sa propre famille. Les deux adolescents vont alors devoir affronter un tueur que la mort a rendu presque invincible et à qui leurs destins sont beaucoup plus liés qu'ils n’auraient pu l’imaginer.

Critique de Mulder

Dans un genre saturé de suites prévisibles et d'échos creux des succès passés, Black Phone 2 fait figure d'exception obsédante. Réalisé par Scott Derrickson et coécrit avec son collaborateur de longue date C. Robert Cargill, cette suite du phénomène d'horreur psychologique de 2021, The Black Phone, ne cherche pas à reproduire la formule du premier film. Au contraire, elle élargit son univers sur le plan thématique et émotionnel, transformant ce qui était autrefois une histoire de fantômes confinée en une réflexion sur les traumatismes, la foi et la mémoire. Scott Derrickson aborde cette suite non pas comme un acte de reproduction, mais comme un acte de réconciliation avec ses propres personnages, les attentes de son public et la question douloureuse de ce qui arrive à un survivant une fois que les lumières se rallument.

Se déroulant quatre ans après les événements du film original, Black Phone 2 montre Finney Blake (joué par Mason Thames) aux prises avec le poids invisible de son passé. Le garçon qui a autrefois échappé aux griffes du Grabber (Ethan Hawke) vit désormais dans un limbe de peur et de culpabilité, hanté non pas par la présence physique de son ravisseur, mais par l'écho de ce téléphone maudit qui refuse de cesser de sonner. Finney Blake, désormais jeune homme, porte son traumatisme comme une cicatrice qui ne guérit jamais, tandis que sa sœur Gwen Blake (incarnée une nouvelle fois par Madeleine McGraw) continue de faire des rêves prophétiques troublants. Ces rêves mènent les deux frères et sœurs à Alpine Lake, un camp chrétien isolé pour jeunes dans le Colorado où leur défunte mère travaillait autrefois. Le passage d'une captivité en banlieue à un isolement dans un vaste paysage enneigé transforme complètement le ton du film. Le sous-sol de The Black Phone était claustrophobe ; Black Phone 2 est étouffant d'une autre manière : le silence de l'air glacial remplace les murs de béton, mais le sentiment d'enfermement demeure.

Ce qui distingue cette suite, c'est son intelligence émotionnelle. Scott Derrickson et C. Robert Cargill ne traitent pas le surnaturel comme un simple spectacle, mais comme une manifestation de chagrin et de culpabilité. Le retour spectral du Grabber, qui n'est plus de chair et de sang, mais un écho démoniaque chuchotant à travers les téléphones et les rêves, devient une allégorie du type de traumatisme qui hante les victimes longtemps après leur fuite. Ethan Hawke, dont la performance dans le premier film était déjà inoubliable, atteint ici un niveau mythique. Son Grabber est moins un homme qu'un symbole : un spectre grotesque se nourrissant des souvenirs de ceux qui lui ont survécu. Sa voix, filtrée par les parasites et le vent, devient une arme de guerre psychologique. Rarement le silence a été utilisé aussi efficacement dans l'horreur moderne ; chaque fois que le téléphone sonne, le public se prépare non seulement à une frayeur, mais aussi au retour d'une douleur non guérie.

Visuellement, le film est une merveille glaciale. Le directeur de la photographie Pär M. Ekberg donne au film une texture tactile et analogique, avec des images granuleuses en Super 16 mm qui évoquent de vieilles vidéos familiales et des souvenirs perdus. La neige devient à la fois un linceul et un miroir, cachant la violence tout en la reflétant dans des tons fantomatiques. L'utilisation de la lumière et de l'ombre, en particulier dans les scènes où Gwen Blake fait l'expérience de ses visions, rappelle l'horreur onirique de A Nightmare on Elm Street de Wes Craven, mais filtrée à travers la sensibilité profondément spirituelle de Scott Derrickson. La caméra s'attarde souvent sur les petits gestes – le tremblement des mains de Finney Blake, le scintillement du givre sur un masque brisé – comme si elle cherchait la divinité dans les débris de la souffrance. Cette attention portée à la texture sensorielle de la peur rend Black Phone 2 immersif, comme si le spectateur était lui aussi piégé dans un souvenir qui refuse de s'estomper.

Les performances des acteurs ont une résonance émotionnelle rare dans les suites de films d'horreur. Mason Thames livre une interprétation discrètement bouleversante de la survie comme fardeau ; son regard traduit à la fois la résilience et l'épuisement. Madeleine McGraw, quant à elle, ancrent l'histoire avec une ferveur spirituelle, incarnant Gwen Blake comme une croyante non seulement en la foi, mais aussi en la puissance de la rédemption à travers la douleur. Sa dynamique avec Miguel Mora, qui joue le frère d'une des anciennes victimes du Grabber, ajoute une humanité discrète au récit, rappelant que le chagrin lie les survivants d'une manière qu'ils n'ont pas choisie. Ils sont soutenus par Demián Bichir dans le rôle du directeur énigmatique du camp, le père Alvarez, dont la compassion et la lassitude reflètent l'ambivalence du film envers la foi. Ses conversations avec Gwen Blake sur le silence divin comptent parmi les moments les plus émouvants du film, ancrant son horreur surnaturelle dans une complexité morale.

Alors que The Black Phone s'appuyait sur la tension brute du confinement, Black Phone 2 élargit son champ d'action en explorant la manière dont le mal s'infiltre dans les espaces laissés vacants. L'imagerie chrétienne qui traverse le film n'est pas purement décorative ; elle fait partie intégrante de la vision du monde de Scott Derrickson. Connu pour explorer la foi à travers les ténèbres (L'Exorcisme d'Emily Rose, Délivrez-nous du mal), Derrickson utilise Black Phone 2 pour suggérer que la rédemption n'est jamais complète, que même lorsque le corps s'échappe, l'âme reste attachée. La réplique du Grabber, « L'enfer n'est pas le feu, c'est la glace », sert à la fois de métaphore et de motif : l'enfer ici est la mémoire, figée sur place, rejouant sans fin ses souffrances. Le courant théologique sous-jacent confère au film une grandeur opératique, élevant son horreur au-delà des sursauts effrayants pour en faire quelque chose de presque biblique.

La réalisation technique renforce cette vision. Le montage de Louise Ford maintient un rythme qui oscille entre le rêve et la réalité sans perdre de cohérence. Les transitions sont si fluides que le spectateur se rend souvent compte trop tard qu'il est entré dans un cauchemar. La conception sonore, peut-être l'élément le plus fort du film, transforme de simples bruits – la sonnerie du téléphone, le craquement de la glace, le murmure du vent – en vecteurs de terreur. Le compositeur Atticus Derrickson (le fils du réalisateur) contribue à une bande originale envoûtante qui oscille entre des thèmes mélancoliques au piano et des pulsations électroniques lancinantes, amplifiant la tension sans la dominer. La combinaison du son et de l'image permet d'atteindre un résultat que peu de films d'horreur parviennent à obtenir : créer une atmosphère qui persiste longtemps après le générique.

Cela dit, le film trébuche parfois sous le poids de sa propre ambition. Dans son acte central, Black Phone 2 explique de manière excessive des éléments de sa mythologie qui étaient plus efficaces en tant que mystères dans le film original. La tentative de rationaliser les origines surnaturelles du téléphone et son lien avec l'au-delà dilue quelque peu la terreur brute qui rendait le premier film si captivant. Cependant, même ces moments d'excès narratif sont compensés par la profondeur émotionnelle et les images saisissantes du film. Contrairement à de nombreuses suites qui tentent de voir plus grand en multipliant les morts ou les effets spectaculaires, Black Phone 2 s'étend vers l'intérieur, vers la psychologie et la foi, rendant ses quelques défauts narratifs pardonnables au vu de sa cohérence artistique.

La scène finale, qui se déroule sur un lac gelé sous un ciel déchiré, est à la fois visuellement époustouflante et émotionnellement cathartique. La confrontation entre Finney Blake et The Grabber, une bataille entre les vivants et les damnés, ressemble moins à une vengeance qu'à un exorcisme. Lorsque la glace se brise sous leurs pieds, ce n'est pas seulement un effondrement littéral, mais aussi symbolique : l'éclatement de la mémoire, la libération de la culpabilité. La violence poétique de la scène rappelle la fin du Sixième Sens, non pas dans l'intrigue, mais dans la résolution émotionnelle. Scott Derrickson conclut son histoire non pas par un triomphe, mais par une grâce tranquille, reconnaissant que certaines cicatrices subsistent, même lorsque le cauchemar prend fin.

Black Phone 2 est l'une des rares suites d'horreur qui justifie son existence. Scott Derrickson et C. Robert Cargill s'appuient sur leur travail précédent avec confiance et conviction, transformant la simple terreur de la captivité en une étude obsédante de la survie et des conséquences spirituelles. Grâce aux performances exceptionnelles de Mason Thames, Madeleine McGraw et Ethan Hawke, à un travail minutieux et à une atmosphère de terreur lugubre, le film réalise ce que la plupart des suites ne font que promettre : il approfondit le mythe sans en diluer la magie. Black Phone 2 est un film d'horreur effrayant, magnifiquement réalisé et profondément humain, doté d'une âme, qui sonne une dernière fois pour nous rappeler que certains appels ne sont jamais vraiment terminés.

Black Phone 2
Réalisé par Scott Derrickson
Écrit par Scott Derrickson, C. Robert Cargill
D'après les personnages créés par Joe Hill
Produit par Jason Blum, Scott Derrickson, C. Robert Cargill
Avec Mason Thames, Madeleine McGraw, Jeremy Davies, Demián Bichir, Ethan Hawke
Directeur de la photographie : Pär M. Ekberg
Montage : Louise Ford
Musique : Atticus Derrickson
Sociétés de production : Blumhouse Productions, Crooked Highway
Distribution : Universal Pictures
Dates de sortie : 20 septembre 2025 (Fantastic Fest), 16 octobre 2025 (France), 17 octobre 2025 (États-Unis)
Durée : 114 minutes

Vu le 15 octobre 2025 au Gaumont Disney Village, Salle 3 place A18

Note de Mulder: