
| Titre original: | Les Intrus – Chapitre 2 |
| Réalisateur: | Renny Harlin |
| Sortie: | Cinéma |
| Durée: | 98 minutes |
| Date: | 29 octobre 2025 |
| Note: |
Les Intrus – Chapitre 2 (The Strangers: Chapter 2), réalisé par Renny Harlin, est un témoignage tragique de la façon dont un cinéaste au talent indéniable peut complètement perdre son sens du but. Cette suite – si on peut l'appeler ainsi – ressemble moins à une continuation qu'à une obligation contractuelle, un écho creux de ce qui était autrefois un postulat terriblement simple. Alors que l'original de Bryan Bertino, sorti en 2008, utilisait le minimalisme comme une arme pour créer un effet suffocant, la version de Renny Harlin remplace la terreur par du bruit, la cohérence par le chaos et l'intrigue par des monstres numériques. Regarder ce film, c'est comme voir un réalisateur chevronné oublier toutes les leçons qui ont rendu ses débuts si marquants. C'est un échec retentissant, tellement malavisé qu'on ne peut s'empêcher de se demander comment l'homme derrière Cliffhanger et Au revoir, à jamais (The Long Kiss Goodnight) a pu livrer quelque chose d'aussi catastrophiquement sans vie.
L'histoire reprend exactement là où le chapitre précédent s'était arrêté. Maya, incarnée à nouveau par Madelaine Petsch, se réveille à l'hôpital, physiquement brisée mais miraculeusement vivante après son calvaire avec les inconnus masqués. À partir de là, le scénario d'Alan R. Cohen et Alan Freedland n'offre guère plus qu'un jeu sinistre consistant à courir, se cacher, recommencer. Les inconnus retrouvent Maya dans cet établissement déserté, un hôpital si dépourvu de présence humaine qu'il pourrait servir d'exposition de taxidermie, et se mettent à la tourmenter une fois de plus. Ce qui devrait être un cauchemar claustrophobe se dissout rapidement dans la monotonie, Maya sprintant dans des couloirs identiques comme si elle était piégée dans un niveau de jeu vidéo en boucle. Le suspense supposé est étouffé par une mise en scène paresseuse et un montage erratique, nous offrant quatre-vingt-dix minutes de déjà-vu et de désespoir.
Plus étonnante encore est la lâcheté créative du film. Malgré son classement R, Renny Harlin refuse de s'engager dans une terreur viscérale ou un malaise psychologique. Chaque fois que la violence menace d'arriver, la caméra recule, coupant au moment même où l'impact devrait se produire. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec une conception sonore bon marché, un éclairage frénétique et l'éternel gros plan sur les yeux paniqués de Madelaine Petsch. L'actrice fait ce qu'elle peut – son engagement est presque héroïque – mais elle est coincée dans une histoire qui ne lui donne rien sur quoi s'appuyer. Au milieu du film, elle ne fuit plus les tueurs, mais l'apathie croissante du public. Lorsqu'un sanglier en images de synthèse fait irruption dans l'intrigue, c'est la métaphore parfaite du film lui-même : bruyant, insensé et involontairement comique.
Le choix créatif le plus condamnable réside toutefois dans la tentative du film d'expliquer ses propres monstres. Des flashbacks révèlent l'enfance de l'un des tueurs, essayant de fournir un contexte tragique au mal sans visage qui définissait autrefois la série. C'est une décision qui trahit l'ADN même de The Strangers. L'horreur du film original provenait du vide, de l'idée qu'il n'y avait pas de motif, pas de grande mythologie, pas d'explication du tout. Parce que tu étais chez toi suffisait. En attribuant une histoire aux tueurs, Renny Harlin et ses scénaristes les dépouillent de leur mystère, les transformant de personnifications d'une malveillance aléatoire en caricatures génériques de tueurs en série. C'est comme disséquer un tour de magie pour découvrir qu'il ne s'agit que de miroirs et de sueur.
Techniquement, le film est tout aussi désastreux. L'éclairage alterne entre surexposition et obscurité, le mixage sonore noie les dialogues dans une ambiance synthétique et le montage sabote le peu de rythme que les séquences de poursuite auraient pu avoir. Parfois, il est impossible de savoir où se trouve Maya géographiquement, ou pourquoi elle passe soudainement de l'hôpital à la forêt puis à la grange en un seul plan. La continuité visuelle s'effondre complètement, comme si les scènes avaient été mélangées en post-production sans se soucier de la logique. Même les effets spéciaux, en particulier les éclaboussures de sang et les blessures numériques, semblent inachevés, leur texture évoquant l'irréalité brillante d'un court métrage YouTube du début des années 2010.
Et pourtant, la plus grande tragédie est que Renny Harlin comprenait autrefois la tension. Il a autrefois réalisé des thrillers qui prospéraient grâce à leur rythme, leur cadence et leur énergie. Ici, cet instinct s'est évaporé. Le film étire le silence jusqu'à des limites insupportables, confondant le vide avec l'atmosphère. Les longs plans de Maya errant dans des couloirs sombres ne sont pas suspensifs, ils sont pénibles. Quand quelque chose finit par se passer, ce n'est jamais mérité ; on a juste l'impression que c'est un acte de miséricorde pour notre patience. Au moment où les mots À suivre apparaissent, on peut sentir le soupir collectif du public vibrer dans la salle, un son à mi-chemin entre la résignation et l'incrédulité.
On pourrait dire qu'il y a une certaine ironie dans le fait qu'un film intitulé The Strangers soit si éloigné de sa propre franchise. Chaque décision créative l'éloigne davantage de ce qui a rendu l'original emblématique. Même l'expansion thématique supposée, qui fait allusion aux sectes, aux complots et aux dissimulations dans les petites villes, ne fait qu'ajouter à la confusion. C'est un film qui confond complexité et profondeur, tradition et substance. Le résultat est un vide cinématographique où la tension va mourir. Le dévouement physique de Madelaine Petsch ne peut pas le sauver, pas plus que la brève apparition gâchée de Richard Brake dans le rôle du shérif local, qui passe la plupart de son temps à siroter du café dans un restaurant.
Les Intrus – Chapitre 2 (The Strangers – Chapter 2) n'est pas seulement un échec en tant que film d'horreur, c'est aussi un échec en tant que film. Il n'y a ni tension, ni logique, ni âme. On a l'impression d'un produit assemblé en pilote automatique, cousu à partir de prises rejetées et d'idées à moitié cuites. La seule chose plus terrifiante que les tueurs masqués est de réaliser que Renny Harlin, autrefois maître du cinéma musclé et propulsif, a livré quelque chose d'aussi inerte. Cela nous rappelle de manière sombre que le talent, lorsqu'il est détaché de la vision, peut se transformer en parodie.
Si le premier film était une déception, cette suite est un effondrement, un exercice sans âme qui méconnaît son propre objectif. On ne peut qu'espérer que Les Intrus – Chapitre 3 (The Strangers – Chapter 3)mettra un terme, non pas à l'histoire, mais à cette chute libre créative. Pour l'instant, notre verdict est clair : Les Intrus – Chapitre 2 (The Strangers – Chapter 2)est le pire film de l’année 2025 non seulement parce que c'est un mauvais film, mais aussi parce qu'il prouve que même les grands réalisateurs peuvent perdre de vue ce qui a fait leur grandeur.
Les Intrus – Chapitre 2 (The Strangers – Chapter 2)
Réalisé par Renny Harlin
Écrit par Alan R. Cohen, Alan Freedland
Basé sur les personnages de Bryan Bertino
Produit par Courtney Solomon, Mark Canton, Christopher Milburn, Gary Raskin, Alastair Burlingham, Charlie Dombek
Avec Madelaine Petsch, Gabriel Basso, Froy Gutierrez, Ema Horvath, Ella Bruccoleri
Directeur de la photographie : José David Montero
Montage : Michelle Harrison
Musique : Justin Burnett, Òscar Senén
Sociétés de production : Lionsgate Films, Fifth Element Productions
Distribution : Lionsgate Films (États-Unis), Metropolitan filmExport (France)
Dates de sortie : 16 septembre 2025 (Hollywood), 26 septembre 2025 (États-Unis), 29 octobre 2025 (France)
Durée : 98 minutes
Vu le 14 octobre 2025 (VOD)
On remerciera sincèrement l’agence Déjà, qui nous a finalement épargné deux heures de transport — et sans doute une lente hémorragie de patience — pour assister à l’agonie d’un genre qu’on aime tant. Les influenceurs, eux, semblent avoir trouvé dans ce désastre leur nouveau plaisir coupable, attendant la suite avec l’enthousiasme d’un croque-mort à l’ouverture d’un cercueil flambant neuf. Quant aux véritables amateurs de thrillers horrifiques, mieux vaut éviter cette séance de spiritisme ratée : on y invoque tout sauf le frisson.
Note de Mulder: