
| Titre original: | Shed |
| Réalisateur: | Steven J. Mihaljevich |
| Sortie: | Vod |
| Durée: | 84 minutes |
| Date: | Non communiquée |
| Note: |
Shed, le dernier thriller psychologique de Steven J. Mihaljevich, n'est pas simplement un nouvel opus dans un genre déjà bien exploité. C'est une confrontation viscérale avec la peur, la solitude et la résilience humaine, racontée à travers les yeux d'une enfant contrainte de grandir bien trop vite. Alors que le postulat de départ – une jeune fille piégée dans une cabane tandis qu'un tueur dérangé rôde à l'extérieur – aurait facilement pu donner lieu à des frissons prévisibles, Steven J. Mihaljevich le transforme en quelque chose de bien plus poétique et dévastateur. Son approche rappelle le réalisme cru de Wolf Creek, mais filtré à travers un prisme méditatif qui trouve de la beauté même dans la brutalité. C'est l'horreur comme allégorie, où chaque ombre et chaque silence ont une charge émotionnelle.
Au cœur de ce conte sombre mais étrangement lumineux se trouve Mani Shanks, dont la performance ancre la terreur du film dans une humanité douloureuse. Son personnage, Mia, est présenté dans une scène faussement innocente de cache-cache pendant les vacances de Noël, un moment imprégné d'une chaleur enfantine avant qu'il ne se transforme en cauchemar. Lorsque Mia se retrouve accidentellement enfermée dans la remise de sa famille, Steven J. Mihaljevich piège à la fois le personnage et le public dans un cocon suffocant de terreur. Ce qui commence comme une simple situation difficile se transforme en une épreuve d'instinct et d'endurance. Mani Shanks incarne Mia avec la vigilance d'un animal acculé, son silence en disant long alors qu'elle apprend que la survie n'est pas seulement une question de courage, mais aussi de transformation.
Face à elle, Jason Robert Lester incarne l'inconnu dont la présence transforme la campagne australienne bucolique en un paysage de menace existentielle. Son personnage n'est pas un monstre caricatural, mais une âme en décomposition, rongée par la dépendance et le désespoir. Le scénario de Steven J. Mihaljevich réduit les dialogues au minimum, conférant tout le sens au mouvement et au souffle. Il en résulte un duel primitif entre deux forces : l'innocence et la corruption, la création et la décomposition. Lorsque l'étranger découvre enfin Mia, le film se transforme en une bataille psychologique tendue dans laquelle les mots deviennent inutiles. Chaque geste semble rituel, comme si la lumière elle-même luttait pour survivre en présence de quelque chose de dévorant.
Visuellement, la cinématographie de Shane Piggott amplifie cette tension jusqu'à atteindre un niveau quasi mythique. Sa longue collaboration avec Steven J. Mihaljevich porte ses fruits dans une palette qui alterne entre une sérénité picturale et un réalisme hideux. La lumière du soleil qui filtre à travers les fissures de la remise semble presque sacrée, mais éphémère, un fragile rappel de ce qui était autrefois pur avant d'être souillé par la violence. Chaque gros plan sur le visage maculé de saleté de Mia devient une étude de l'endurance, documentant sa métamorphose d'enfant à survivante. Le paysage australien, souvent romancé au cinéma, est ici à la fois époustouflant et indifférent, témoin silencieux de la cruauté humaine. Shane Piggott le présente autant comme un adversaire que comme un décor.
Une apparition brève mais inoubliable de John Jarratt injecte une soudaine bouffée d'énergie chaotique dans le récit, sa présence faisant écho à la menace emblématique des films Wolf Creek, mais distillée en un seul moment brûlant. C'est l'un des rares clins d'œil explicites du film à la tradition du genre, et il fonctionne précisément parce que Steven J. Mihaljevich résiste à la tentation de transformer Shed en spectacle. Sa mise en scène est disciplinée, presque austère, ce qui rend les explosions de violence d'autant plus choquantes. Lorsqu'elle survient, l'effusion de sang n'est ni stylisée ni gratuite : c'est l'éruption de quelque chose de primitif, qui nous rappelle que la frontière entre la survie et la sauvagerie est très mince.
La bande sonore, composée par Ben St. Lucian Chase, est envoûtante par sa retenue. Les notes de piano éparses et les bourdonnements mécaniques lointains se fondent dans l'ambiance naturelle du vent et du bois, amplifiant le sentiment de claustrophobie. Ce n'est pas une musique qui dicte les émotions, mais qui les écoute, entraînant le spectateur plus profondément dans l'esprit de Mia. Associé au montage de Steven J. Mihaljevich, le rythme du film reflète le pouls lent et irrégulier de la panique. Chaque seconde d'immobilité devient un acte de défi, chaque respiration une rébellion contre le désespoir.
Ce qui élève Shed au-delà des apparences du survival horror, c'est son honnêteté émotionnelle. Ce n'est pas une histoire d'héroïsme au sens traditionnel du terme, mais plutôt une histoire sur les mécanismes bruts qui permettent de rester en vie lorsque le monde s'effondre. Steven J. Mihaljevich semble fasciné par la façon dont l'innocence s'érode face à la brutalité et par le fait que, paradoxalement, l'espoir peut encore vaciller au milieu des ruines. Il est révélateur que Mia, même après avoir enduré une horreur inimaginable, conserve une étincelle d'humanité : son traumatisme ne la consume pas, il la transforme. Il y a un moment, fugace mais inoubliable, où elle contemple le soleil levant à travers les lattes de la remise. C'est à la fois la victoire et la défaite condensées en un seul regard. Présenté en avant-première au Screamfest 2025, Shed a gagné sa réputation non pas par son spectaculaire, mais par son intimité suffocante.
D'une durée de seulement 84 minutes, ce film est concis mais émotionnellement épuisant, le genre de film qui reste en tête comme de la fumée après le générique. Steven J. Mihaljevich, en collaboration avec les producteurs Matthew Robinson et Glen Strindberg, a créé une expérience qui allie la précision du cinéma d'art et d'essai à l'immédiateté de l'horreur. Le résultat est intemporel et profondément australien, faisant écho à un paysage qui donne naissance à la fois à des anges et à des monstres. Si Shed prouve quelque chose, c'est que le survival horror n'a pas besoin de bruit pour terrifier. Parfois, les moments les plus calmes sont les plus marquants. Steven J. Mihaljevich a transformé un petit espace clos en un microcosme de l'endurance humaine et, ce faisant, a créé l'une des expériences cinématographiques les plus obsédantes de l'année. La remise devient un symbole d'enfermement et de renaissance, de la lumière qui refuse de s'éteindre, quelle que soit la durée de la nuit.
Shed
Écrit et réalisé par Steven J. Mihaljevich
Produit par Steven J. Mihaljevich, Matthew Robinson, Glen Strindberg
Avec Mani Shanks, Jason Robert Lester, John Jarratt
Directeur de la photographie : Shane Piggott
Montage : Steven J. Mihaljevich
Musique : Ben St Lucian Chase
Sociétés de production : Playtime Motion Pictures
Dates de sortie : NC
Durée : 84 minutes
Vu le 10 octobre 2025 (Screamfest 2025 press screener)
Note de Mulder: