Thinestra

Thinestra
Titre original:Thinestra
Réalisateur:Nathan Hertz
Sortie:Vod
Durée:100 minutes
Date:Non communiquée
Note:
Une jeune femme prend une nouvelle pilule amaigrissante et la graisse qu'elle perd revient sous la forme d'un double sanguinaire.

Critique de Mulder

Thinestra est une œuvre qui s’impose déjà comme l’un des grands chocs horrifiques de l’année. Réalisé par Nathan Hertz, qui signe ici son premier long-métrage, ce film revisite le classique de série B de Roger Corman, La Femme guêpe, à travers une approche contemporaine qui mêle satire sociale, body horror et comédie noire. Derrière son concept outrancier – une pilule minceur qui fait naître un double monstrueux et cannibale – se cache une réflexion d’une intensité rare sur l’obsession moderne du corps parfait et les ravages psychologiques d’une société obsédée par l’image.

Au cœur de cette tragédie sanglante, on retrouve Penny, incarnée par Michelle Macedo, une jeune retoucheuse photo qui passe ses journées à affiner les silhouettes déjà filiformes de mannequins. À force de se comparer à ces modèles, elle finit par développer une relation maladive avec son propre corps et sombre dans la spirale des régimes absurdes et des solutions miracles. La rencontre avec une mannequin qui lui offre quelques comprimés de Thinestra scelle son destin. Ce traitement illégal et non approuvé va certes lui faire perdre du poids, mais il provoque surtout l’émergence d’un double cauchemardesque : Pénélope, interprétée par Melissa Macedo, une version prédatrice et cannibale de Penny, née des chairs expulsées lors de transformations aussi répugnantes que spectaculaires. Le film prend alors une tournure de cauchemar viscéral, où la quête de perfection se paye en chair humaine.

L’intelligence du film Thinestra réside dans sa capacité à manier la métaphore sans jamais sacrifier la puissance horrifique. Loin de se contenter d’accumuler le gore, Nathan Hertz construit des séquences marquantes qui traduisent l’angoisse intérieure de son héroïne : une ascension cauchemardesque sur une montagne de donuts glacés, des méditations guidées qui résonnent comme des mantras cruels, ou encore la vision hallucinée de son propre corps qui se retourne contre elle. On retrouve ici une filiation évidente avec des œuvres comme Raw de Julia Ducournau ou The Substance de Coralie Fargeat, mais avec une tonalité plus cruellement ironique, où chaque éclat de sang rappelle l’envers d’une société obsédée par l’illusion de la perfection.

La force dramatique du film repose aussi sur les performances jumelles des sœurs Michelle et Melissa Macedo. Le choix de confier le rôle principal à deux actrices identiques évite le recours au numérique et renforce l’impact des transformations. Cette approche à l’ancienne, presque artisanale, rappelle les ruses de mise en scène chères à Roger Corman et offre une authenticité troublante.  Mais Thinestra ne se limite pas à une parabole sur l’image de soi : il explore aussi avec justesse les répercussions sociales et relationnelles des troubles alimentaires. Penny ne remarque pas les marques d’intérêt de son voisin, mais enregistre chaque remarque blessante de son patron sur ses habitudes alimentaires. Ce décalage entre la perception réelle et le regard extérieur nourrit le cœur tragique du film. Dans le même temps, Nathan Hertz garde un sens aigu de l’humour noir, jouant sur le contraste entre la banalité du quotidien et l’excès grotesque des scènes de transformation. Le résultat est une œuvre qui parvient à rester profondément émouvante tout en assumant ses excès gores.

Porté par une équipe artistique solide, de la photographie de Joe Wesley au montage de Aashish D’Mello, Joshua Raymond Lee et Zekun Mao, en passant par une bande originale signée Charlie Laffer et Tom Walley, Thinestra s’impose comme une production indépendante ambitieuse et aboutie. Soutenu par Dogplayer, Hitmakers Media, Stay Lucky Studios et Mary Ellen Moffat, le film témoigne d’une énergie créative rare dans le paysage actuel du cinéma d’horreur. En explorant la monstruosité née de l’obsession de la minceur et en refusant toute concession dans sa représentation de la souffrance, il marque une étape décisive dans le traitement de la « monstruosité féminine » à l’écran.

À la croisée de la tragédie, de la satire et du film de monstres, Thinestra est une expérience viscérale qui dérange autant qu’elle fascine. En mêlant le fantastique le plus grotesque à une vérité sociale criante, Nathan Hertz et ses actrices livrent une œuvre qui restera sans doute comme l’une des plus marquantes de cette décennie dans le registre du body horror. Un film qui n’a pas peur de nous faire rire, grimacer et réfléchir dans la même scène, et qui, comme son héroïne, ne laisse personne indemne.

Thinestra
Réalisé par Nathan Hertz
Écrit par Avra Fox-Lerner
Produit par Joshua Raymond Lee, Kelly Ann Parker
Avec Mary Beth Barone, Annie Ngosi Ilonzeh, Brian Huskey, Brian Huskey, Jared Bankens, Gavin Stenhouse, Flanelle Magazine, Britt Rentschler, Norma Maldonado, Shannon Dang, Ludwig Manukian, Michelle Macedo, Melissa Macedo, Hadley Durkee, Alexander Chard, Emily Kiihnl, Alyssa Raab
Directeur de la photographie : Joe Wesley
Montage : Aashish D'Mello, Joshua Raymond Lee, Zekun Mao
Musique : Charlie Laffer, Tom Walley
Sociétés de production : Dogplayer, Hitmakers Media, Mary Ellen Moffat, Stay Lucky Studios
Durée : 101 minutes

Vu le 02 octobre 2025 (Screamfest 2025 press screener)

Note de Mulder: