
| Titre original: | A House of Dynamite |
| Réalisateur: | Kathryn Bigelow |
| Sortie: | Netflix |
| Durée: | 112 minutes |
| Date: | 24 octobre 2025 |
| Note: |
Kathryn Bigelow revient en force avec ce thriller apocalyptique, digne des meilleurs films catastrophes. Le point de départ est simple: un missile nucléaire est lancé vers les États-Unis. Les autorités américaines doivent réagir dans un temps très limité, sans être sûres de l’origine du missile. Le film traite un thème qui est revenu dans l'actualité: la menace nucléaire dans un monde en tension. Au-delà du film catastrophe, le film alerte sur le fait que toute situation peut déraper, malgré les protocoles prévus. Personne ne peut tout anticiper. Les êtres humains sont alors confrontés à leur impuissance, leur incertitude, leur responsabilité. Le propos est sérieux, effrayant, et pertinent aujourd’hui.
Kathryn Bigelow s'appuie sur un scénario brillant écrit par Noah Oppenheim, ancien journaliste qui connaît bien le milieu politique et les conflits armés (Zero Day, Divergente 3, Le Labyrinthe). Le déroulé des évènements se répète 3 fois en changeant de point de vue et de lieu à chaque fois. Chaque point de vue apporte son lot de révélations, renforçant la tension et la complexité des décisions à prendre. Kathryn Bigelow maintient une tension permanente tout au long du film. Elle reconstitue avec réalisme ces milieux politiques, militaires. L’ambiance de crise, le stress, la panique retenue sont très bien rendu. Le fait de ne pas savoir qui est l’ennemi, de maintenir l’incertitude est une ingénieuse idée. Le rythme est nerveux. Les 112 minutes passent vite.
Le casting est réussi. Que cela soit Rebecca Ferguson en cadre de la Maison Blanche, Idris Elba en président, Anthony Ramos en militaire, tous sont crédibles dans leurs rôles. Les personnages ne sont pas héroïques dans le sens classique. Ils ont des doutes, des failles. Leurs certitudes vacillent. Kathryn Bigelow filme au plus près des personnages. Nous sommes alors avec eux dans cette descente en enfer. Mention spéciale à la musique de Volker Bertelmann qui contribue à la tension du film, avec son utilisation des violons. A House of Dynamite est un film catastrophe réussi sur un sujet terriblement d'actualité.
A house of Dynamite
Réalisé par Kathryn Bigelow
Écrit par Noah Oppenheim
Produit par Greg Shapiro, Kathryn Bigelow, Noah Oppenheim
Avec Idris Elba, Rebecca Ferguson, Gabriel Basso, Jared Harris, Tracy Letts, Anthony Ramos, Moses Ingram, Jonah Hauer-King, Greta Lee, Jason Clarke
Directeur de la photographie : Barry Ackroyd
Montage : Kirk Baxter
Musique : Volker Bertelmann
Sociétés de production : First Light Pictures, Prologue Entertainment, Kingsgate Films
Distribué par Netflix
Dates de sortie : 2 septembre 2025 (Venise), 3 octobre 2025 (Royaume-Uni), 10 octobre 2025 (États-Unis), 24 octobre 2025 (France)
Durée : 112 minutes
Vu le 2 Octobre 2025 à la Cinémathèque Française
Recommandé aux plus de 13 ans
Note de Sabine:
Avec A House of Dynamite, Kathryn Bigelow revient au genre de cinéma tendu et angoissant qu'elle seule sait réaliser, celui qui vous oblige à regarder l'inimaginable et vous met au défi de ne pas cligner des yeux. Ce n'est pas un film qui dorlote son public ou offre une catharsis. C'est un cauchemar éveillé, qui se déroule en temps réel et en boucle, comme si l'histoire elle-même était coincée dans une boucle. En collaboration avec le scénariste Noah Oppenheim, Kathryn Bigelow transforme l'idée du lancement d'un seul missile nucléaire en un compte à rebours existentiel, une procédure politique et, finalement, un jugement moral sur la minceur de la ligne qui sépare la stabilité de l'anéantissement. C'est un retour audacieux à la forme – imparfait, certes, mais électrisant dans son ambition et son exécution – et sans doute l'un des thrillers les plus provocateurs de la décennie.
Le postulat est aussi simple qu'effrayant : un missile d'origine inconnue est repéré dans le Pacifique, se dirigeant vers les États-Unis avec moins de vingt minutes avant l'impact. Au début, tout le monde pense qu'il s'agit d'un test, d'une autre fausse alerte à l'ère des cyber-pannes et de la diplomatie belliqueuse. Mais à mesure que les données affluent et que la trajectoire se précise, la vérité s'impose comme une maladie : ce n'est pas un exercice. En Alaska, le major Anthony Ramos dirige l'équipe qui détecte le premier le lancement. À Washington, le capitaine Rebecca Ferguson dirige la salle de crise de la Maison Blanche avec un professionnalisme impeccable et une panique à peine contenue. Quelques échelons plus haut, un général quatre étoiles (Tracy Letts) et un secrétaire à la Défense épuisé (Jared Harris) tentent de joindre le président, dont le nom de code est « Icon », qui reste une voix sans visage sur un écran vacillant jusqu'à beaucoup plus tard. Chaque mot, chaque retard, chaque respiration devient précieux. On peut pratiquement entendre le tic-tac de l'horloge derrière les dialogues : il reste 19 minutes avant que Chicago cesse d'exister.
Kathryn Bigelow structure le film en trois chapitres qui se chevauchent, chacun rejouant la même crise sous un angle différent. C'est une idée audacieuse, à mi-chemin entre Rashomon et Fail Safe, qui amplifie l'horreur par la répétition plutôt que par le spectacle. À chaque récit, nous voyons davantage les rouages — tant humains qu'institutionnels — qui se mettent en mouvement lorsque l'inimaginable se produit. Le premier segment est purement procédural et urgent : écrans clignotants, acronymes à tout va, ordres criés. Le deuxième ralentit pour examiner la politique de la prise de décision, en se concentrant sur Gabriel Basso dans le rôle d'un conseiller adjoint anxieux et Tracy Letts dans celui d'un général intransigeant qui s'affrontent sur le protocole et le pouvoir. Le troisième se concentre sur le président lui-même, incarné par Idris Elba, un leader réticent qui doit choisir entre la retenue et la riposte, entre la survie de millions de personnes et l'illusion du contrôle.
Ce qui rend A House of Dynamite captivant, ce n'est pas le spectacle — il n'y a pas de champignons atomiques, pas de plans prolongés sur la destruction — mais le réalisme dérangeant de son chaos bureaucratique. Kathryn Bigelow filme ces salles de guerre et ces centres de commandement avec une précision documentaire, aidée par la caméra portable itinérante de Barry Ackroyd et le montage saccadé de Kirk Baxter. Il en résulte une atmosphère de claustrophobie procédurale où tout semble authentique et horriblement banal. Les gens manipulent maladroitement leurs téléphones, se disputent au sujet des flux de données et s'accrochent à la normalité alors même que le monde est au bord de l'effondrement. On ressent le stress physique dans chaque image, de la mâchoire crispée de Rebecca Ferguson à la main tremblante de Jared Harris lorsqu'il réalise que sa fille se trouve dans la zone de l'explosion.
Ce qui élève le film au-delà des apparences du thriller, c'est le refus de Kathryn Bigelow de se complaire dans un héroïsme facile. Personne ici ne sauve la situation. Personne ne comprend même pleinement ce qui se passe. Ce sont des professionnels compétents et disciplinés qui font de leur mieux dans un système fondé sur l'incertitude. En ce sens, A House of Dynamite se rapproche davantage de The Hurt Locker que de Zero Dark Thirty : il traite du coût du contrôle, de l'illusion de la préparation et de la fragilité humaine qui se cache sous l'armure institutionnelle. Lorsque le capitaine Walker, incarné par Rebecca Ferguson, serre dans ses mains le dinosaure en peluche de son enfant dans un moment d'impuissance, Kathryn Bigelow trouve l'image qui définit le film : une relique de l'innocence dans l'ombre de l'extinction.
Pourtant, malgré toute sa tension, la structure en boucle du film devient également son élément le plus controversé. Chaque réinitialisation approfondit la terreur, mais dilue légèrement l'élan, troquant l'immédiateté contre l'ampleur. Certains spectateurs peuvent trouver la répétition mécanique ; d'autres y verront un coup de maître formel, reflétant la futilité de la réponse dans une crise sans issue. Kathryn Bigelow et Noah Oppenheim ont clairement l'intention de faire les deux : une chambre d'écho cinématographique où chaque tentative d'imposer l'ordre ne fait que révéler à quel point cet ordre est fragile. Lorsque le président incarné par Idris Elba est confronté au « menu » des options de représailles (« saignant, à point, bien cuit »), l'absurdité de la logique nucléaire tombe comme la chute de la plus vieille et la plus sombre des blagues de l'humanité.
Un humour noir traverse le film, discret mais indéniable, rappelant Dr. Strangelove de Stanley Kubrick sans en être une parodie. Tracy Letts, les dents serrées et l'autorité tachée de café, lance des piques sarcastiques qui servent également de mécanismes d'adaptation. Greta Lee, dans le rôle d'une analyste distraite répondant à des appels provenant d'une reconstitution de la guerre civile, incarne l'absurdité surréaliste de la guerre moderne menée par Wi-Fi et distraction. Même le président américain blasé incarné par Idris Elba semble conscient que l'histoire s'est transformée en farce, sa gravité étant sapée par le poids grotesque de ses responsabilités. La brillante idée de A House of Dynamite réside dans la façon dont il reconnaît cela : en 2025, l'apocalypse n'est plus cinématographique, elle est bureaucratique.
Il convient de noter qu'il s'agit de la première œuvre purement spéculative de Kathryn Bigelow en deux décennies, et qu'elle semble profondément personnelle. Elle est une enfant de la guerre froide, quelqu'un qui a grandi dans l'ombre des exercices duck and cover (se baisser et se couvrir). L'urgence du film découle de cette anxiété générationnelle, du sentiment que la peur nucléaire est devenue un bruit de fond, normalisée au point de devenir invisible. Dans des interviews, elle a décrit le film comme un signal d'alarme, et c'est bien ce qu'il semble être : un rappel que la machine de destruction continue de ronronner discrètement sous nos routines quotidiennes. La tension du film ne se relâche pas, car elle ne le peut pas. Le missile ne frappera peut-être jamais, mais le détonateur, métaphoriquement parlant, continue de brûler.
A House of Dynamite s’impose comme une réelle réussite non pas parce qu'il est parfait, mais parce qu'il est intrépide. C'est un film qui rejette le confort et affronte l'absurdité morale du pouvoir avec la précision d'un scalpel. Kathryn Bigelow transforme 19 minutes en une éternité, et c'est là son triomphe : elle nous oblige à rester assis à l'intérieur de cette horloge qui tourne, à sentir le temps s'étirer et la logique s'effondrer. Au final, elle ne nous offre ni explosion, ni conclusion, seulement le silence et le bourdonnement des systèmes qui continuent de fonctionner, attendant le prochain signal. C'est une fin qui persiste comme des radiations, invisible mais impossible à effacer.
A House of Dynamite
Réalisé par Kathryn Bigelow
Écrit par Noah Oppenheim
Produit par Greg Shapiro, Kathryn Bigelow, Noah Oppenheim
Avec Idris Elba, Rebecca Ferguson, Gabriel Basso, Jared Harris, Tracy Letts, Anthony Ramos, Moses Ingram, Jonah Hauer-King, Greta Lee, Jason Clarke
Directeur de la photographie : Barry Ackroyd
Montage : Kirk Baxter
Musique : Volker Bertelmann
Sociétés de production : First Light Pictures, Prologue Entertainment, Kingsgate Films
Distribué par Netflix
Dates de sortie : 2 septembre 2025 (Venise), 3 octobre 2025 (Royaume-Uni), 10 octobre 2025 (États-Unis), 24 octobre 2025 (France)
Durée : 112 minutes
Vu le 24 octobre 2025 sur Netflix (absence de screener presse)
Note de Mulder: