Titre original: | Beast of War |
Réalisateur: | Kiah Roache-Turner |
Sortie: | Vod |
Durée: | 87 minutes |
Date: | Non communiquée |
Note: |
Beast of War, réalisé par Kiah Roache-Turner, prouve que même après des décennies d'obsession cinématographique pour les requins, il reste encore des eaux fraîches à explorer. En ancrant son histoire dans le contexte très réaliste de la Seconde Guerre mondiale, Kiah Roache-Turner crée un thriller de survie qui transcende les genres et qui est aussi dramatique qu'horrifique. Inspiré par le récit véridique et poignant qui a influencé le monologue légendaire de Steven Spielberg sur l'Indianapolis dans Les Dents de la mer, le film se distingue immédiatement de ses innombrables imitateurs en tissant une histoire où les conflits humains, l'histoire coloniale et la terreur primitive des profondeurs s'entrecroisent de manière surprenante. Son prologue se déroule comme un film de guerre classique, ancrant les personnages dans la camaraderie, les préjugés et la bravade juvénile avant que l'océan lui-même ne se transforme en leur champ de bataille le plus meurtrier.
Au cœur de l'histoire se trouve Leo, interprété avec une profondeur remarquable par Mark Coles Smith, dont la présence confère au film à la fois du cran et de l'émotion. Leo n'est pas simplement un soldat archétypal ; c'est un homme des Premières Nations accablé par un traumatisme, le racisme de ses pairs et une histoire compliquée avec la mer. Dans une scène au début du film, sa force morale est mise en évidence lorsqu'il sauve le timide Will, interprété par Joel Nankervis, de la noyade pendant l'entraînement. Ce moment d'humanité consolide le rôle de Leo en tant que leader réticent du groupe, même s'il est sans cesse pris pour cible par Des, le fanatique venimeux interprété avec une cruauté acérée par Sam Delich. Leur antagonisme, enraciné dans de profondes blessures sociétales, devient plus qu'un simple conflit de personnalités ; il reflète l'hypocrisie d'un pays prêt à exploiter les soldats aborigènes tout en leur refusant leurs droits fondamentaux. Kiah Roache-Turner utilise cette tension pour insuffler au récit un sous-texte souvent absent des films mettant en scène des créatures, rappelant aux spectateurs que les prédateurs les plus meurtriers ne se trouvent pas toujours dans l'eau.
Une fois le navire des soldats décimé par les avions de combat japonais et les survivants abandonnés dans la mer de Timor, Beast of War se transforme en un cauchemar claustrophobe. Les hommes s'accrochent à un morceau de débris de 20 mètres carrés, rationnant les pêches et serrant leurs fusils, tandis que le brouillard et l'isolement amplifient leur désespoir. Ici, le talent artistique du directeur de la photographie Mark Wareham occupe le devant de la scène, drapant la mer de teintes cramoisies et métalliques, évoquant à la fois l'horreur gothique et le désespoir obsédant du Radeau de la Méduse de Théodore Géricault. Lorsque le requin se révèle enfin, ce n'est pas simplement un autre fantôme aux dents acérées créé par CGI, mais une création animatronique à part entière de Steve Boyle, de Formation Effects, avec des cicatrices et des yeux laiteux qui suggèrent un passé violent. La vue de cette bête physique surgissant à travers le brouillard et la lumière fragmentée est palpitante par son aspect tactile, un retour délibéré à la menace tactile de Les Dents de la mer.
Kiah Roache-Turner comprend la retenue. Le requin est rarement surexposé, et lorsqu'il attaque, il est cadré dans des gros plans inquiétants montrant ses mâchoires grinçantes ou ses morsures soudaines et brutales qui laissent des membres flotter dans l'eau. Ces moments sont particulièrement efficaces parce que le réalisateur prend le temps de présenter les hommes comme étant plus que de simples appâts jetables. Des personnages comme Thompson, joué par Sam Parsonson, qui souffre d'une blessure à la tête qui brouille son jugement, ou Will, aux yeux écarquillés, ajoutent une dimension supplémentaire à la lutte pour la survie. Les attaques deviennent alors non seulement un spectacle, mais aussi des ponctuations bouleversantes dans une lente descente vers le désespoir. Il y a même un moment inoubliable où une sirène d'alerte aérienne cassée se retrouve fusionnée à l'aileron du requin, transformant chaque approche en un présage de malheur semblable à celui d'une banshee. C'est un coup de génie macabre, à la fois surréaliste et terrifiant, qui met en valeur le talent de Kiah Roache-Turner pour réinventer les conventions du genre.
Malgré sa noirceur, Beast of War n'est pas dépourvu d'humour. Dans la plus pure tradition australienne, l'humour noir imprègne les dialogues, que ce soit dans la bravade de Leo ou dans les surnoms sarcastiques que les hommes donnent à leur bourreau, « Shazza ». Ces moments de légèreté rappellent l'absurdité de la survie elle-même : des blagues racontées au bord de la mort, les nerfs à vif alors que les balles, les requins et le fanatisme les encerclent. Une séquence particulièrement audacieuse, dans laquelle un soldat tente désespérément d'improviser un moyen de s'hydrater, a provoqué des éclats de rire lors des projections dans les festivals, prouvant que Kiah Roache-Turner n'a pas perdu sa capacité à mêler gore et humour trash, comme il l'avait fait dans Wyrmwood. Ces changements de ton, traités avec assurance, rendent le film aussi divertissant que poignant, même lorsque le sang et les organes giclent librement à l'écran.
Le contexte historique ajoute une autre dimension au film. Si les attaques de requins occupent une place prépondérante dans le récit, le film ne nous laisse jamais oublier l'injustice subie par les soldats aborigènes comme Leo, qui se sont battus et ont versé leur sang pour un pays qui les traitait comme des citoyens de seconde zone. En ce sens, la performance de Mark Coles Smith dépasse le simple héroïsme propre au genre : elle permet de mettre en lumière une histoire souvent occultée par les récits coloniaux. Voir Leo endurer, diriger et déjouer à la fois les hommes et les bêtes est un acte de justice cinématographique, qui met en évidence la résilience d'un peuple dont la reconnaissance est refusée. Associé au spectacle implacable du gore et du suspense, cet élément élève Beast of War du simple pulp à quelque chose de résonnant et de durable.
L'une des plus grandes réussites du film réside dans son équilibre. Bien qu'une grande partie du film se déroule sur un simple radeau au milieu de nulle part, Beast of War ne donne jamais l'impression d'être petit. Kiah Roache-Turner et le monteur Regg Skwarko insufflent du dynamisme à chaque image, alternant entre des moments calmes de paranoïa et des explosions soudaines de violence, sans jamais laisser la tension se dissiper. Le film dure 87 minutes, une brièveté qui joue en sa faveur ; il frappe vite, fort et sans indulgence, à l'image du requin lui-même. Chaque mort a son importance, chaque sacrifice reste gravé dans les mémoires, et lorsque les survivants livrent leur dernier combat, le public ressent chaque once d'épuisement et d'effroi avec eux.
Beast of War réussit parce qu'il ose embrasser les contradictions : il est à la fois brut et poétique, pulp et profond, ancré dans l'histoire et fantastiquement surréaliste. Kiah Roache-Turner a conçu un film de guerre déguisé en thriller avec des requins – ou peut-être l'inverse – qui refuse de traiter ses personnages comme de la chair à canon. Au contraire, il marie le chaos de la bataille à la terreur de l'océan, offrant une réflexion cauchemardesque sur la fragilité de l'humanité. Pour les fans de films de requins, c'est l'ajout le plus excitant au genre depuis Les Dents de la mer. Pour ceux qui sont attirés par les histoires de résilience et d'injustice, c'est un rappel brutal que parfois, la chose la plus effrayante à propos de l'océan n'est pas ce qui nage en dessous, mais ce qu'il révèle sur nous.
Beast of war
Écrit et réalisé par Kiah Roache-Turner
Produit par Chris Brown, Blake Northfield
Avec Mark Coles Smith, Joel Nankervis, Sam Delich, Lee Tiger Halley, Sam Parsonson, Maximillian Johnson
Tristan McKinnon, Steve Le Marquand, Masa Yamaguchi, Lauren Grimson, Matthew Scully, Denny Bernard, Laura Brogan Browne, Jay Gallagher, Aswan Reid
Directeur de la photographie : Mark Wareham
Montage : Kiah Roache-Turner, Regg Skwarko
Sociétés de production : Bronte Pictures, Pictures in Paradise
Distribution : Well Go USA Entertainment (États-Unis)
Date de sortie : 10 octobre 2025 (États-Unis)
Durée : 87 minutes
Vu le 20 septembre 2025 (press screener Fantastic Fest 2025)
Note de Mulder: