Titre original: | Red Sonja |
Réalisateur: | M. J. Bassett |
Sortie: | Vod |
Durée: | 110 minutes |
Date: | Non communiquée |
Note: |
Le retour de Red Sonja sur grand écran après quatre décennies d'absence est en soi une curiosité cinématographique, qui rappelle à quel point certaines icônes pulp résistent à l'oubli, même après des années de négligence, de mauvaise gestion et d'incertitude quant à leur avenir. Ce personnage, imaginé pour la première fois par Robert E. Howard dans les années 1930 avant d'être réinventé pour la bande dessinée par Roy Thomas et Barry Windsor-Smith dans les années 1970, occupe une place particulière dans l’univers fantastique : il n'est pas aussi ancré dans la culture que Conan le Barbare, mais il reste tout aussi fascinant en tant que guerrière féroce qui incarne à la fois l'attrait et les contradictions de l'univers de l'épée et de la sorcellerie. Le film de 1985 réalisé par Richard Fleischer et mettant en vedette Brigitte Nielsen a longtemps été considéré comme un échec, davantage connu pour ses excès kitsch et pour avoir profité de la popularité croissante d'Arnold Schwarzenegger que pour avoir rendu justice au personnage. Cette adaptation a laissé un héritage à la fois culte et édifiant, réduisant Sonja à une caricature en bikini au lieu de lui permettre d'évoluer vers une figure forte et complexe. Pendant des années, Hollywood a flirté avec l'idée de la ressusciter — Robert Rodriguez, Simon West, voire Bryan Singer se sont intéressés au projet — mais chaque projet s'est effondré sous le poids d'une ambition irréalisable. Aujourd'hui, en 2025, M.J. Bassett a enfin redonné vie à la guerrière aux cheveux flamboyants, avec un budget modeste et un scénario de Tasha Huo qui tente de redéfinir Red Sonja pour le public moderne. Le résultat est un film certes imparfait mais fascinant : à la fois revendication féministe et fable écologique. Il est désordonné, inégal mais il est aussi sincère, énergique et étrangement émouvant dans sa volonté de sauver le personnage de son passé cinématographique exploiteur.
Dès le début, le film s'impose comme un film plus proche dans son esprit des classiques cultes de la fantasy que des franchises contemporaines clinquantes. M.J. Bassett ancre l'histoire dans les paysages forestiers de la nature sauvage hyrkanienne, présentant Red Sonja non pas comme un sex-symbol, mais comme une femme forgée par la perte et la survie. Matilda Lutz, surtout connue pour son rôle féroce dans Revenge de Coralie Fargeat, s'avère être la plus grande force du film. Alors que Brigitte Nielsen semblait sculpturale mais déconnectée dans le film de 1985, Matilda Lutz rayonne d'une physicalité viscérale, incarnant Red Sonja comme une guerrière dont les cicatrices, émotionnelles et physiques, sont inscrites dans chacun de ses mouvements. Elle n'est pas dépeinte comme invincible, mais comme quelqu'un qui est constamment battu, asservi et humilié, pour mieux se relever avec une détermination encore plus forte. Les premières scènes où elle apparaît dans la nature, liée à son cheval et protégeant les animaux des maraudeurs, la dépeignent comme une figure de l'équilibre naturel, contrastant avec l'empire exploiteur qui cherche à dominer le monde par la machine et la conquête. Cette position de Sonja en tant que guerrière écologique est l'un des changements les plus marquants du film, remplaçant l'histoire dépassée et problématique du « viol vengeur » par un appel plus universel et contemporain à protéger l'ordre naturel contre les forces de la domination et de la cupidité.
Lorsque Red Sonja est capturée par les forces de l'empereur Dragan, interprété avec une folie théâtrale par Robert Sheehan, le film bascule dans son arc central consacré à l'esclavage, aux combats de gladiateurs et à la rébellion finale. C'est là que M.J. Bassett et sa scénariste Tasha Huo abordent le plus directement l'héritage cinématographique problématique du personnage. Red Sonja est contrainte d'entrer dans l'arène, vêtue du célèbre bikini en cotte de mailles, un moment qui aurait facilement pu répéter les erreurs du passé. Au lieu de cela, M.J. Bassett le présente comme une humiliation, dépouillant l'image de tout glamour érotique. La cotte de mailles devient un emblème de l'objectivation, une prison du regard masculin, jusqu'à ce que Sonja s'en empare et transforme cette arme de moquerie en étendard de résistance. Ce choix témoigne de la double conscience du film : il reconnaît l'iconographie attendue par les fans tout en refusant de se livrer à l'exploitation lubrique qui a rendu la version de 1985 si tristement célèbre. Matilda Lutz incarne brillamment cette transformation, sa défiance rayonnant à travers son interprétation. Elle n'a pas besoin de plaisanteries ou de discours pour retrouver sa dignité : l'étincelle dans ses yeux et la férocité tendue de son langage corporel rendent cette reconquête crédible et cathartique.
Les méchants, bien que dessinés de manière inégale, offrent certains des moments les plus mémorables du film. Dragan, interprété par Robert Sheehan, est à la fois un tyran et un savant fou, un technocrate qui vénère le pouvoir de la connaissance, mais l'utilise comme un moyen de contrôle plutôt que d'éclairer les esprits. Sheehan en fait des tonnes, sa voix oscillant entre murmures et cris, ce qui rappelle l'empereur dérangé incarné par Eddie Redmayne dans Jupiter Ascending. Parfois, ce jeu exagéré affaiblit la menace, le réduisant à une parodie ; à d'autres moments, il imprègne le film d'une vitalité kitsch qui correspond à ses racines pulp. Plus convaincante est Annisia, incarnée par Wallis Day, une guerrière hantée qui sert Dragan par culpabilité et folie, tourmentée par les voix de ceux qu'elle a tués. Son armure blanche fantomatique et sa présence tourmentée créent un puissant contrepoint à Sonja. Leurs duels crépitent à la fois de haine et d'une étrange intimité, laissant entrevoir des sous-entendus émotionnels et peut-être romantiques plus profonds que le film suggère mais n'explore jamais pleinement. Ce refus d'embrasser pleinement la singularité présente dans la série de bandes dessinées très appréciée de Gail Simone semble être une occasion manquée, en particulier dans un film si consciemment consacré à la mise à jour de l'identité de Sonja. Néanmoins, Day et Lutz créent suffisamment d'électricité entre eux pour élever leurs rencontres au-dessus de la simple dynamique héros-méchant.
Techniquement, le film ne peut cacher ses limites financières. Malgré l'ingéniosité de M.J. Bassett, la production est gâchée par des effets visuels inégaux, des décors numériques qui semblent inachevés et des séquences d'action qui peinent à transmettre une ampleur épique avec trop peu de figurants. Une bataille culminante qui devrait évoquer la grandeur du Seigneur des anneaux est au contraire réduite à une poignée d'escarmouches mises en scène dans des espaces clos, avec des armées en images de synthèse à peine visibles en arrière-plan. Pourtant, M.J. Bassett, qui a l'habitude de tirer le meilleur parti de petits budgets dans des films comme Solomon Kane et à la télévision, compense par une mise en scène astucieuse. Elle utilise le feu, la fumée et des cadrages serrés pour créer une illusion d'échelle, et lorsque le film s'oriente vers des combats pratiques, il prend vie. Une embuscade brutale dans une forêt en feu est mise en scène avec une intensité remarquable, tandis que les duels en tête-à-tête de Sonja ont un caractère cinétique et une immédiateté qui fait craquer les os. Il y a des moments où la rudesse devient presque un atout, évoquant le charme artisanal des monstres de Ray Harryhausen ou les paysages peints à la main des films fantastiques des années 1980. Plutôt que d'aspirer au raffinement des franchises à gros budget, Red Sonja donne souvent l'impression d'être un retour au cinéma pulp de l'ère VHS : brouillon, imparfait, mais débordant de sincérité.
Sur le plan thématique, l'ambition du film dépasse parfois sa réalisation, mais son intention est claire. En positionnant Dragan comme l'incarnation de l'exploitation industrielle et Sonja comme la gardienne de l'équilibre naturel, le scénario de Tasha Huo relie la tradition de l'épée et de la sorcellerie aux inquiétudes contemporaines concernant l'effondrement environnemental et l'autoritarisme. Cette dimension écologique, associée au rejet de l'objectivation par Sonja, donne au film une résonance plus profonde que ce à quoi on pourrait s'attendre d'une œuvre souvent considérée comme un pulp cheesecake. Néanmoins, le récit est alourdi par un deuxième acte surchargé, qui introduit des gladiateurs rebelles, des personnages secondaires et des intrigues secondaires qui manquent d'espace pour se développer. Des acteurs comme Rhona Mitra et Luca Pasqualino apportent des éclats de charisme, mais leurs arcs narratifs sont précipités, ce qui disperse l'attention. Le film aurait pu être plus fort avec un récit plus resserré, concentré plus directement sur le conflit entre Red Sonja et Annisia, qui porte le poids thématique et émotionnel le plus riche.
Malgré ces défauts, Red Sonja possède un charme qui persiste après le générique. Ses imperfections le rendent humain, sa rudesse le rend honnête, et son refus de traiter Sonja comme une simple pin-up lui donne tout son sens. Matilda Lutz s'impose non seulement comme le meilleur atout du film, mais aussi comme une actrice capable de porter cette franchise dans de nouveaux opus, s'ils voient le jour. Sa Red Sonja est féroce sans être invulnérable, rebelle sans être monotone, et dotée d'une complexité qu'aucune adaptation précédente n'avait tenté d'explorer. La tragédie ne réside peut-être pas dans les défauts du film, mais dans sa sortie : n'ayant bénéficié que d'une brève exploitation en salles avant d'être relégué au streaming, il risque d'être ignoré par le public même qui pourrait adhérer à sa conviction farouche. S'il avait été diffusé comme un film culte de minuit ou dans le circuit des festivals, il aurait peut-être déjà les atouts d'un joyau redécouvert.
Red Sonja n'est pas l'adaptation définitive que les fans espéraient depuis longtemps, mais c'est la première à traiter le personnage avec un véritable respect. Elle la sauve du passé sexiste, lui confère une pertinence thématique ancrée dans l'écologie et la résistance, et embrasse le fantastique pulp avec suffisamment de conviction pour pardonner ses imperfections. Ce n'est pas du grand cinéma au sens traditionnel du terme, mais c'est un cinéma honnête, imparfait, sanglant et débordant d'amour pour un genre qui a toujours prospéré en marge. Si la Red Sonja définitive attend toujours d'être réalisée, ce film prépare au moins le terrain pour sa renaissance, prouvant que sous les clichés de la cotte de mailles et les décennies de tentatives infructueuses, le personnage a toujours de l'importance, inspire toujours et a toujours le pouvoir d'enflammer l'imagination.
Red Sonja
Réalisé par M. J. Bassett
Écrit par Tasha Huo
Basé sur les personnages de Robert E. Howard, adaptés par Roy Thomas
Produit par Avi Lerner, Joe Gatta, Yariv Lerner, Mark Canton, Courtney Solomon, Joey Soloway, Luke Lieberman
Avec Matilda Lutz, Wallis Day, Robert Sheehan, Michael Bisping, Martyn Ford, Eliza Matengu, Rhona Mitra, Veronica Ferres
Directeur de la photographie : Lorenzo Senatore
Montage : Andrew MacRitchie
Musique de Sonya Belousova, Giona Ostinelli
Sociétés de production : Millennium Media, Cinelou Films, Mark Canton Productions, Nu Boyana Film Studios, Dynamite Entertainment
Distribué par Samuel Goldwyn Films (États-Unis)
Dates de sortie : 13 août 2025 (États-Unis)
Durée : 110 minutes
Vu le 30 août 2025 (VOD)
Note de Mulder: