Lowland Kids

Lowland Kids
Titre original:Lowland Kids
Réalisateur:Sandra Winther
Sortie:Vod
Durée:94 minutes
Date:Non communiquée
Note:
Alors que le changement climatique efface la côte de la Louisiane, les deux derniers adolescents de l'île de Jean Charles se battent pour rester sur une île qui appartient à leur famille depuis des générations.

Critique de Mulder

Lowland Kids est le genre de documentaire qui semble à la fois intime et universel, le portrait d'un petit endroit apparemment oublié qui se révèle soudain être un microcosme de notre avenir mondial. Réalisé par Sandra Winther, le film nous emmène au cœur du bayou de Louisiane, sur l'île de Jean Charles, un bout de terre qui a perdu presque toute sa masse au cours des six dernières décennies. Il ne s'agit pas simplement de l'histoire d'une communauté confrontée à la délocalisation, mais d'une réflexion sur l'appartenance, la résilience et la collision déchirante entre tradition et changement climatique. Ce qui distingue ce documentaire, c'est la façon dont Sandra Winther évite le ton didactique que l'on trouve souvent dans les récits sur l'environnement, préférant tisser une tapisserie lyrique de la vie quotidienne, filmée pendant six ans, qui fait que l'île et ses habitants ne sont pas perçus comme des statistiques, mais comme une famille.

Au cœur du film se trouvent deux adolescents, Howard et Juliette, qui ont perdu leurs parents à cause de la toxicomanie et ont été confiés à leur oncle Chris, un homme sage cloué dans un fauteuil roulant, mais dont la présence n'en est pas moins forte. Leur vie, qui se déroule au milieu des rivières, des marais et des ciels peints de couchers de soleil couleur miel, est marquée par une liberté qui semble rare dans le monde d'aujourd'hui. Ils vivent dans un endroit où la frontière entre la terre et l'eau est floue, où l'on peut plonger dans le bayou et disparaître dans les bras de la nature. La cinématographie d'Andrea Gavazzi capture cette sensation avec une luminosité qui rappelle Beasts of the Southern Wild, où chaque image porte à la fois la majesté et la fragilité de cet environnement. Mais c'est le lien qui unit les enfants qui résonne le plus profondément : deux âmes inséparables qui s'accrochent l'une à l'autre alors que le sol sous leurs pieds disparaît littéralement.

Ce qui donne toute sa force à Lowland Kids, c'est la façon dont il situe l'histoire humaine dans le contexte plus large des forces qui remodèlent le monde. L'île de Jean Charles a toujours été vulnérable, battue par les ouragans qui déferlent depuis le golfe. Mais le changement climatique a exacerbé ces coups, avec des tempêtes comme l'ouragan Ida en 2021 qui ont causé des ravages d'une intensité qui semble désormais insurmontable. À cette violence naturelle s'ajoutent les cicatrices laissées par l'industrie pétrolière et gazière. Les canaux de navigation creusés dans les zones humides ont permis l'intrusion d'eau salée, empoisonnant le sol et accélérant l'érosion. Il est presque tragique de réaliser qu'une communauté qui a vécu « un pied sur terre et un pied dans l'eau », comme le dit si bien Chris, se retrouve aujourd'hui à la merci à la fois de l'exploitation humaine et des changements planétaires. L'île a perdu 98 % de sa superficie, un chiffre si stupéfiant qu'il devient difficile d'imaginer un avenir qui n'implique pas de la quitter.

Mais partir n'est jamais seulement une question de géographie. Lowland Kids insiste sur le fait que l'île de Jean Charles est plus qu'un simple lieu sur une carte ; c'est un réseau de relations, de traditions et d'identité autochtone enraciné dans la nation Choctaw de Jean Charles. Le film s'attarde sur le sens de la communauté qui définit la vie ici, la façon dont les gens traitent leurs voisins comme des membres de leur famille, la règle tacite selon laquelle si quelqu'un est l'ami de votre père, il fait aussi partie de votre famille. C'est ce sentiment de solidarité qui donne son âme à l'île, et le documentaire soulève une question obsédante : un tel esprit peut-il survivre à la relocalisation ? La promesse du gouvernement de construire de nouveaux logements financés par le gouvernement fédéral offre une sécurité contre les inondations, mais elle menace également de démanteler le tissu même qui a maintenu cette communauté unie pendant des générations. Voir Howard et Juliette aux prises avec cette réalité, déchirés entre leur amour pour leur foyer et l'inévitabilité de sa disparition, c'est être témoin du chagrin silencieux du déplacement climatique.

Il y a aussi quelque chose de profondément émouvant dans la façon dont le film, malgré son sujet lourd, ne perd jamais de vue la magie qui entoure la vie de ses personnages. On voit Howard pêcher avec aisance, Juliette rire en filant à toute allure sur l'eau, et Chris offrir des paroles de sagesse qui ancrent les enfants lorsque les tempêtes – littérales et métaphoriques – frappent le plus fort. Ces moments de légèreté, souvent baignés d'une lumière dorée, nous rappellent pourquoi cette terre est importante, pourquoi elle mérite d'être pleurée. L'île n'est pas seulement une victime de la montée des eaux ; c'est un lieu qui a donné un sens, un sentiment d'appartenance et de la résilience à ses habitants.

L'histoire de la production du film ajoute une autre dimension à sa résonance. Sandra Winther avait déjà exploré ces vies dans son court métrage primé de 2019, également intitulé Lowland Kids, et son retour sous la forme d'un long métrage semble être un approfondissement plutôt qu'une répétition. Avec Darren Aronofsky parmi les producteurs, le projet bénéficie à la fois d'un prestige artistique et d'un potentiel de reconnaissance plus large, en particulier dans une saison des récompenses de plus en plus attentive aux histoires traitant de l'urgence environnementale. Mais ce qui le distingue des autres documentaires du même genre, c'est son intimité poétique. Lowland Kids n'accable pas le spectateur avec des données ou des politiques ; il nous invite plutôt à nous asseoir à une table de cuisine, à naviguer en bateau à travers les roseaux inondés, à écouter une jeune fille se demander si l'avenir peut lui réserver quelque chose d'aussi beau que la vie qu'elle connaît.

Lowland Kids ne traite pas seulement de l'île de Jean Charles, mais de toutes les communautés en voie de disparition, des îles du Pacifique aux villages de l'Arctique. Mais ce qui le rend inoubliable, c'est son refus de laisser ses personnages devenir des symboles. Howard, Juliette et Chris ne sont pas des statistiques dans un rapport sur le climat ; ce sont des enfants qui traversent le deuil, un oncle qui incarne la résilience et une famille qui insiste sur la dignité même face à la disparition. En les regardant, on se rend compte que le changement climatique n'est pas une menace future abstraite : il est là, il est personnel, et il a des noms et des visages. C'est là la réussite durable du brillant premier film de Sandra Winther : nous faire ressentir la perte avant qu'elle ne se produise et nous rappeler que ce qui est en jeu, ce n'est pas simplement la terre, mais l'amour, l'identité et la possibilité même d'appartenir à une communauté.

Lowland Kids
Écrit et réalisé par Sandra Winther
Produit par William Crouse
Musique de Katya Mihailova
Photographie : Andrea Gavazzi
Montage : Eva Dubovoy, Per K. Kirkegaard
Sociétés de production : Willy Bob Films
Durée : 94 minutes

Note de Mulder: