Titre original: | Kim Novak’s Vertigo |
Réalisateur: | Alexandre O. Philippe |
Sortie: | Vod |
Durée: | 77 minutes |
Date: | Non communiquée |
Note: |
Kim Novak’s Vertigo, réalisé par Alexandre O. Philippe, ne s'ouvre pas sur des déclarations fracassantes sur l'histoire du cinéma, mais sur le tremblement d'une note vocale, le genre de message privé qui abolit instantanément la distance entre le sujet et le spectateur et annonce le thème central du film : l'authenticité. À 92 ans, Kim Novak s'exprime d'une voix qui n'est ni défensive ni nostalgique ; elle est mesurée, méfiante à l'égard de la performance même si la caméra l'y invite inévitablement, et déterminée à nommer la tension permanente entre être regardée et être connue. L'objet déclaré du documentaire est son rôle le plus emblématique dans Vertigo d'Alfred Hitchcock, mais son véritable sujet est la longue vie après la mort d'une image, et le travail obstiné de se réapproprier son identité dans un système conçu pour la renommer, la reconditionner et la revendre. Née Marilyn Pauline Novak de parents tchèques et rebaptisée « Kim » par le patron autoritaire de Columbia, Harry Cohn, qui, dans un instantané révélateur de la brutalité de l'époque, la raillait avec une épithète raciste, l'actrice a très tôt compris que la marchandise appelée Kim Novak était négociable, mais pas la personne qui se cachait derrière. Le film transforme cette friction en moteur, laissant Kim Novak choisir le tempo alors qu'elle alterne entre souvenirs et réflexions, passant des exigences de l'époque des studios au vertige psychique de jouer Judy se faisant passer pour Madeleine, une performance qui lui a demandé de devenir, selon ses propres termes, moins une actrice qu'une « réactrice », abandonnant l'affect théâtral au profit d'une vulnérabilité dangereuse et intime qui semble encore moderne aujourd'hui.
Le rythme du documentaire est fièrement discursif, moins une ligne droite qu'une spirale, ce qui est approprié, et dans ces spirales, Alexandre O. Philippe trouve un complément à Vertigo plutôt qu'une conférence illustrée à son sujet. Il résiste au style de lecture minutieuse qui a fait de 78/52 une aventure aussi palpitante et construit à la place une pièce de chambre, attentive aux silences et à la façon dont Kim Novak tisse sa vie à travers son travail et vice-versa. Elle se souvient de l'accélération vertigineuse du système des studios, de la transition fulgurante entre ses premiers films comme Picnic et Pal Joey et le calme tendu de The Man with the Golden Arm, puis des chemins plus étranges et plus sombres qui ont mené à Vertigo. Elle se souvient également des tensions psychologiques que ces films ont fait naître en elle : le sentiment de ne pas être à sa place en pratiquant une sincérité naturaliste et introvertie dans une décennie accro au glamour ; la façon dont des réalisateurs comme Joshua Logan pouvaient percevoir le fardeau de la « beauté », une caractéristique commercialisable qui pouvait étouffer la spontanéité même qui la rendait intéressante ; et la pression malsaine d'être costumée - au sens propre comme au figuré - dans une idée unique et vendable. Dans cette optique, Vertigo est à la fois un sommet et une blessure : le rare projet qui lui a permis d'interroger les mécanismes du désir de l'intérieur, et celui qui a gravé ses questions le plus profondément dans la personne qui devait vivre avec les réponses.
Rien dans le film ne capture mieux ce paradoxe que la redécouverte du tailleur gris de Madeleine, une séquence qu'Alexandre O. Philippe prolonge jusqu'au seuil du rituel, car c'en est un. Le vêtement sur lequel Alfred Hitchcock avait insisté – terne à ses yeux à l'époque, emblématique du contrôle – émerge de sa boîte, doux et intact, une relique qui semble avoir absorbé non seulement les huiles de la peau et l'odeur d'un plateau, mais aussi les sédiments de décennies d'interprétation. En regardant Kim Novak le soulever, le presser contre son visage et admettre : « Il fait partie de moi », on comprend comment les costumes peuvent devenir une seconde peau, non pas parce que les acteurs se confondent avec leurs personnages, mais parce que certains rôles révèlent l'architecture secrète d'une vie. Madeleine était le masque que Judy était obligée de porter ; Judy était la femme que Scottie, incarné par James Stewart, essayait de remodeler ; et Kim Novak était l'actrice à qui la culture demandait d'être tout et personne à la fois. Le costume renferme tout cela. C'est un objet fétiche, certes, mais plus encore un archive du travail et un registre des coûts, et dans cette coda, le documentaire mérite son silence prolongé : l'histoire du cinéma devient tactile, le passé n'est plus un musée, mais une pièce dans laquelle on peut encore entrer.
Autour de cette scène talismanique, Alexandre O. Philippe construit un portrait qui mêle la curiosité du cinéphile à la patience de l'intervieweur, et bien que sa déférence puisse dériver vers l'indulgence – les discours sont autorisés à s'étirer alors qu'un montage plus précis aurait pu concentrer leur puissance –, il y a une logique morale à ce laxisme. Comprimer Kim Novak de manière trop nette risquerait de reproduire la miniaturisation que l'industrie a opérée sur elle. Au contraire, le film laisse place à ses particularités et aux chemins détournés par lesquels la vérité se révèle : les détours par sa maison dans l'Oregon, la ménagerie d'animaux qui rythment ses journées, les peintures dont les spirales et les systèmes météorologiques semblent être la suite inconsciente du générique de Vertigo, la reconnaissance qu'un diagnostic tardif de trouble bipolaire l'a aidée à comprendre le choc identitaire qu'elle ressentait en incarnant Judy/Madeleine. Même son retour douloureux sur la scène des Oscars en 2014, accueilli par les railleries âgistes des tabloïds et d'un ancien magnat de la télé-réalité devenu politicien, plane comme une note de bas de page qui n'a pas besoin d'être soulignée : la misogynie mute, mais elle ne disparaît pas, et la grâce de sa réponse s'inscrit ici dans un projet plus large qui consiste à refuser d'être définie par le regard des autres.
Lorsque la conversation se concentre sur Vertigo, le film est à son apogée, car l'interprétation de Kim Novak du tempérament intérieur de Judy est précise et sans sentimentalisme. Dans des séquences en écran partagé et une voix off réfléchie, elle décrit la terreur de marcher vers l'étreinte de James Stewart comme vers une seconde annihilation, et l'on peut sentir le calcul privé qui a produit l'étrange électricité de la performance : le calme distant, presque lunaire, de Madeleine contrastant avec les tremblements bruts et sans défense de Judy. Sans ce double registre, la révélation du dernier acte du film serait simplement astucieuse ; grâce à lui, Vertigo acquiert l'humanité meurtrie qui rend la fin douloureuse. Le documentaire ne prétend jamais être un « récit complet », et il a raison de ne pas le faire ; les ragots ne feraient que réduire un mystère dont la puissance réside dans ce qui ne peut être entièrement extrait. Ce que nous obtenons à la place, c'est l'art de l'acteur expliqué de l'intérieur de la membrane de la mémoire, et c'est fascinant : moins un dossier sur les coulisses qu'un rapport de terrain sur la façon dont un rôle colonise le système nerveux et, si l'on n'y prend garde, y reste.
Si certaines parties de la structure semblent inégales, le ton général reste fort : c'est un film sur une femme qui a refusé la transaction qui aurait prolongé sa célébrité au prix de son identité. Quitter Hollywood n'était pas une abdication, insiste Kim Novak, mais une évasion, et la vie qui a suivi – Big Sur, puis l'Oregon ; les incendies survécus, le scénario de Vertigo sauvé ; les toiles peintes comme un acte pour stabiliser son souffle – se lit ici comme le deuxième acte qu'elle a écrit selon ses propres termes. Ce choix redéfinit également sa filmographie. Des œuvres parfois considérées comme de simples vitrines brillantes des studios apparaissent désormais comme les scènes d'une longue interrogation qu'elle menait sur les masques, le désir et le contrôle, une interrogation qui culmine dans Vertigo, mais ne s'arrête pas là. En ce sens, la décision d'Alexandre O. Philippe d'inclure sa création artistique actuelle n'est pas du tout une digression ; elle complète le circuit, montrant que l'image autrefois contrôlée par d'autres est revenue entre les mains de celle qui peut enfin la réviser.
Ce qui reste, après le générique et les remerciements chuchotés au « fantôme » d'Alfred Hitchcock, ce n'est pas simplement la vénération d'un classique ou le plaisir de la proximité de ses artefacts, mais la lumière plus stable de la perspective. Kim Novak n'est plus la blonde énigmatique sur laquelle les hommes projettent leurs fantasmes ; elle est la critique de son propre mythe, s'exprimant clairement sur les forces qui l'ont façonné et sans concession sur le prix à payer pour y survivre. Alexandre O. Philippe, pour sa part, troque le scalpel chirurgical contre un gant de velours, et même si cette douceur émousse parfois les angles, elle permet à quelque chose de rare de se produire devant la caméra : une star des derniers jours du système des studios reprend possession de son récit sans rancœur, avec humour et en insistant farouchement sur le sens plutôt que sur le mythe. Le costume gris est peut-être prêt à être exposé dans un musée, mais entre ses bras, il est vivant, et le film qui porte son nom comprend que les pièces les plus précieuses sont celles qui respirent encore.
Considéré comme un film, Kim Novak’s Vertigo est un essai chaleureux, parfois indiscipliné, dont les hésitations formelles sont compensées par le privilège d'accès et la clarté de sa voix centrale ; considéré comme un témoignage, il est indispensable. Il satisfera les adeptes qui viennent pour la légende de Vertigo – le costume, le scénario, l'analyse ligne par ligne du chagrin d'amour de Judy –, mais son plus grand atout est la façon dont il revisite cette légende à travers le prisme de la survie. L'actrice qui a autrefois porté le fardeau d'être une image est enfin l'auteure de sa propre image rémanente, et le documentaire saisit cette transition avec tendresse et l'oreille d'un reporter. En fin de compte, ce que le film rend à Kim Novak – et à nous – n'est pas seulement une légende embellie, mais une personne vue.
Kim Novak’s Vertigo
Écrit et réalisé par Alexandre O. Philippe
Produit par Terri Piñon, Alexandre O. Philippe
Avec : Kim Novak
Musique de Jon Hegel
Directeur de la photographie : Robert Muratore
Montage : David Lawrence
Sociétés de production : Gull House Films, Medianoche Productions
Durée : 77 minutes
Vu le 6 septembre 2025 au Centre international de Deauville
Note de Mulder: