Titre original: | André is an Idiot |
Réalisateur: | Tony Benna |
Sortie: | Vod |
Durée: | 88 minutes |
Date: | Non communiquée |
Note: |
Peu de films présentés au Festival du cinéma américain de Deauville 2025 ont réussi à trouver le même équilibre entre humour irrévérencieux et honnêteté dévastatrice avec autant d'audace que André est un idiot de Tony Benna. Au cœur du film se trouve André Ricciardi, un directeur publicitaire de San Francisco extrêmement excentrique dont le refus de passer une coloscopie jusqu'à ce qu'il soit trop tard l'a condamné à un cancer du côlon de stade quatre. Mais qualifier ce film de simple message d'intérêt public serait un euphémisme. Tony Benna dresse le portrait d'un homme qui a transformé son propre déclin en un acte final absurde, embrassant la mort avec la même créativité chaotique qui a défini sa vie, et laissant derrière lui non seulement une mise en garde, mais aussi une méditation édifiante sur l'amour, l'humour et la mortalité.
Le documentaire s'ouvre sur André Ricciardi qui regarde la caméra et raconte ce qu'il appelle la deuxième erreur la plus stupide de sa vie : adolescent, il s'est un jour masturbé contre un comptoir de salle de bain en bois et s'est retrouvé avec des échardes enfoncées dans le pénis. Cette anecdote, à la fois choquante et hilarante, donne le ton pour la suite. Sa première erreur, bien sûr, a été d'ignorer toutes les recommandations de coloscopie. Au moment où il a finalement subi cet examen, la perte de sang l'avait contraint à se rendre à l'hôpital et les médecins ont découvert la masse qui allait finalement mettre fin à sa vie. Le titre lui-même vient de la réaction brutale de sa mère lorsqu'elle a appris son diagnostic : « Quel foutu idiot. » Plutôt que de se cacher derrière des euphémismes, André Ricciardi et Tony Benna font de l'idiotie elle-même le cadre du film : l'idiotie de l'entêtement, du déni et de l'illusion d'invincibilité.
Ce qui rend André is an Idiot si émouvant, c'est qu'il refuse de sombrer dans la solennité. André Ricciardi se tourne vers la comédie comme mécanisme de survie, transformant la chimiothérapie en punchlines et trouvant une absurdité fantaisiste même dans les indignités bureaucratiques du traitement. Il plaisante en disant que des décennies de réveil avec la gueule de bois l'ont parfaitement préparé à la chimio, et lorsque ses sourcils poussent de manière anormale en raison des effets secondaires des médicaments, il traite cela comme une autre blague. Son irrévérence est renforcée par des séquences d'animation en stop-motion ludiques réalisées par des collaborateurs tels que Trent Shy, qui transforment des moments d'horreur — coloscopies, visites à l'hôpital, séances de radiothérapie — en vignettes surréalistes et sombrement comiques. La musique de Dan Deacon ne fait qu'amplifier cette énergie excentrique, refusant de laisser le film sombrer dans le désespoir. Il en résulte un rythme qui semble étrangement vivant, même si son sujet s'éteint sous nos yeux.
Pourtant, derrière les rires se cache une histoire profondément humaine, faite de relations et de résilience. Le film dresse un portrait émouvant de Janice Ricciardi, la barmaid canadienne qui a d'abord épousé André Ricciardi pour obtenir une carte verte au milieu des années 1990, avant que leur mariage blanc ne se transforme en véritable amour. Ensemble, ils ont élevé deux filles, Tallula et Delilah, dont l'adolescence a été marquée à la fois par l'humour de leur père et par son absence imminente. Il y a une intimité déchirante à voir Janice Ricciardi passer du statut de complice dans l'absurdité à celui d'aidante épuisée, portant le poids d'un chagrin anticipé tout en continuant à rire des pitreries de son mari. Tout aussi poignantes sont les scènes avec Lee, le meilleur ami d'André Ricciardi, dont le lien avec lui apporte de la légèreté dans les moments les plus sombres, que ce soit à travers des road trips hallucinogènes dans le désert ou des « cris de mort » primitifs lancés dans des vallées désertes.
Ce qui élève André est un idiot au-dessus des autres « comédies sur le cancer » — des films comme 50/50 ou Moi, Earl et la fille en mourant —, c'est son refus de cacher la détérioration de son sujet. La caméra s'attarde sur les ravages physiques de la maladie : le visage émacié, les cheveux clairsemés, le squelette d'un homme qui était autrefois plein d'exubérance. À un moment donné, André Ricciardi admet candidement que « mourir est ennuyeux », déplorant que ses derniers jours soient remplis des mêmes tâches banales qu'auparavant : vider le lave-vaisselle, promener le chien, fumer de l'herbe sur le canapé. Cette confession, à la fois absurde et tragique, capture le génie unique du film. Ici, la mort n'est pas cinématographique, ni noble, ni même particulièrement dramatique. Elle est répétitive, fastidieuse et terrifiante. Et pourtant, dans cette banalité, André Ricciardi s'obstine à trouver de l'humour, comme si la comédie elle-même était sa dernière rébellion.
Le documentaire fonctionne également comme une prolongation inattendue de la carrière publicitaire d'André Ricciardi. Autrefois responsable de campagnes originales, dont un célèbre spot en pâte à modeler avec Ozzy Osbourne pour Brisk Ice Tea, il utilise son dernier projet pour concevoir des publicités provocantes faisant la promotion des coloscopies. Le voir réfléchir à ces campagnes avec d'anciens collègues, créer des métaphores visuelles osées à partir de fruits et de ballons, est à la fois inspirant et déchirant. Il transforme son refus de se faire dépister en une dernière campagne, un message d'intérêt public qui pourrait sauver des vies. Alors que son corps le trahit, son instinct de publicitaire reste intact : comment prendre quelque chose de tabou, de laid et d'effrayant, et le transformer en quelque chose que les gens ne peuvent ignorer.
La fin du film André is an Idiot frappe avec une force dévastatrice. Une dernière entrée de journal, lue à haute voix, révèle non seulement un homme qui s'accroche encore à l'humour, mais aussi un homme qui fait face au chagrin qu'il a longtemps refoulé. À ce moment-là, les rires se sont transformés en silence, et le public est laissé seul pour assimiler l'inévitabilité de ce dont il a été témoin. Le générique défile avec un rappel brutal en lettres blanches sur l'écran : « Faites une putain de coloscopie. » Rarement un message a eu autant d'impact après avoir été délivré avec une chaleur aussi chaotique.
Ce que Tony Benna accomplit dans son premier film est remarquable. En mêlant animation fantaisiste, confessions candides et dynamique familiale brute, il crée non seulement un documentaire, mais aussi un héritage pour un homme qui a refusé d'être défini par son diagnostic. André is an Idiot a peut-être commencé comme l'histoire de l'erreur fatale d'un homme, mais il se termine comme une célébration de la curiosité, de l'humour et de la résilience face à la mort. En riant de sa propre idiotie, André Ricciardi nous laisse à tous une leçon de sagesse. Son plus grand cadeau n'est pas ses blagues, ni même ses publicités, mais le rappel que nous n'avons qu'une seule chance dans la vie et que parfois, la chose la plus intelligente à faire est d'apprendre d'un idiot.
André is an idiot
Réalisé par Tony Benna
Produit par André Ricciardi, Tory Tunnell, Joshua Altman, Stelio Kitrilakis, Ben Cotner
Musique de Dan Beacon
Photographie : Ethan Indorf
Montage : Parker Laramie
Sociétés de production : A24, Sandbox Films, Safehouse Pictures
Durée : 88 minutes
Note de Mulder: