The plague

The plague
Titre original:The plague
Réalisateur:Charlie Polinger
Sortie:Vod
Durée:95 minutes
Date:Non communiquée
Note:
Au cours de l'été 2003, dans un camp de water-polo réservé aux garçons, Ben, un garçon de douze ans souffrant d'anxiété sociale, lutte pour s'intégrer dans une hiérarchie sociale impitoyable. Quand il se lie d'amitié avec Eli, un marginal solitaire et boutonneux rejeté par les autres parce qu'il serait porteur d'une peste contagieuse, Ben se retrouve pris dans un rituel cruel et de plus en plus intense de bouc émissaire et de peur. Alors que la frontière entre taquineries et véritable violence s'estompe, Ben est contraint de faire face à sa propre complicité et au prix terrifiant de l'appartenance. Une histoire de passage à l'âge adulte tendue et teintée d'humour noir, qui traite de la masculinité, de la pression des pairs et des horreurs qui s'enveniment lorsque la cruauté se fait passer pour un jeu.

Critique de Mulder

The Plague, le premier long métrage de Charlie Polinger, est arrivé à Cannes sans la machine marketing ni la fanfare médiatique qui accompagnent généralement les films de la section Un Certain Regard, et pourtant, il a déjà réussi à se tailler une place dans la mémoire collective de ceux qui l'ont vu. Ce que Charlie Polinger a créé n'est pas une ode nostalgique à l'enfance, mais une plongée nauséabonde et profondément troublante dans les turbulences de l'adolescence, où la cruauté se propage plus vite que la compassion et où le désir désespéré de s'intégrer érode souvent le sentiment d'identité qui est encore en train de se former. Le film se déroule pendant l'été 2003 dans un camp de water-polo pour garçons, mais sa portée dépasse largement le cadre temporel et spatial qu'il suggère. Dès la première prise de vue sous-marine – des corps plongeant dans les profondeurs bleues, des membres qui s'agitent, des bulles qui éclatent comme des pétards –, le spectateur comprend qu'il s'agit moins d'une histoire de sport ou de loisirs estivaux que d'une métaphore de la noyade. Le premier film de Charlie Polinger est empreint d'une confiance, d'un style et d'une honnêteté sans faille qui en font l'un des films les plus dérangeants mais aussi les plus essentiels du festival cette année.

Le récit tourne autour de Ben, interprété avec une intensité calme extraordinaire par Everett Blunck, un garçon récemment arraché à Boston et plongé dans le microcosme imprégné de chlore du camp de water-polo Tom Lerner. Ben est impatient de s'intégrer, mais cela a un prix : l'approbation de Jake, le leader tacite du camp. Kayo Martin, dans ce qui restera sans doute comme une performance révolutionnaire, incarne Jake avec une précision terrifiante : un garçon dont l'œil aiguisé pour repérer les défauts devient sa monnaie d'échange. Jake est le genre de tyran adolescent qui sourit en vous donnant un surnom, dont le charisme masque la cruauté, et qui sait que dans le monde fragile des enfants de douze ans, la moindre différence peut devenir une condamnation sociale à mort. C'est Jake qui désigne Eli, l'original avec une éruption cutanée et un amour pour les tours de magie, comme le porteur de « la peste ». À partir de ce moment, le camp sombre dans une frénésie de superstition et de cruauté, traitant Eli comme un intouchable, un exilé au sein d'une communauté déjà définie par l'exclusion. Kenny Rasmussen, qui joue Eli, livre une performance d'une énergie et d'une vulnérabilité si particulières que le personnage ne sombre jamais dans la caricature. Il est étrange, certes, mais profondément humain, douloureusement conscient du regard des autres et de la honte qu'ils projettent sur lui.

La métaphore de la peste est aussi simple que dévastatrice. L'éruption cutanée sur les bras d'Eli est moins importante que l'hystérie qu'elle génère, et Charlie Polinger montre clairement que la véritable infection ne se trouve pas sur le corps, mais dans l'esprit du groupe. Les rumeurs deviennent doctrine, la honte devient rituel et la cruauté devient une forme de monnaie sociale. Il est impossible de ne pas se rappeler sa propre adolescence en regardant ces scènes, car les mécanismes d'exclusion sont presque universellement familiers. Un critique à Cannes a admis que le film lui avait rappelé des souvenirs de son propre camp d'été, où lui et ses camarades avaient cruellement surnommé un garçon « Skag », rejetant tout ce qu'il disait, pour découvrir plus tard que ses affirmations étaient vraies. Un autre a avoué que toute sa classe avait un jour exclu une fille de leur photo de classe à cause d'un surnom cruel. Ces anecdotes soulignent à quel point The Plague est plus qu'un simple film : c'est un miroir qui oblige les spectateurs à affronter non seulement les cicatrices de leur jeunesse, mais aussi le rôle qu'ils ont pu jouer dans la souffrance des autres.

C'est par son utilisation du langage cinématographique que Charlie Polinger élève le film au-delà d'une simple parabole sur le harcèlement. En collaboration avec le directeur de la photographie Steven Breckon, un nouveau venu au regard déjà remarquable, il dépeint l'adolescence comme une horreur corporelle. Les séquences sous-marines sont particulièrement obsédantes : les jambes des garçons battent furieusement pour rester à flot, leurs corps sont déformés par les ondulations de l'eau, la caméra les rendant à la fois gracieux et grotesques, suspendus entre la survie et l'effondrement. Ces moments ne se contentent pas d'illustrer la physicalité du sport ; ils extériorisent la panique de ceux qui tentent de garder la tête hors de l'eau dans un monde où les codes sociaux peuvent vous noyer. Associées à la remarquable bande originale de Johan Lenox, une composition cauchemardesque mêlant vocalises, cris choraux et rythmes inquiétants, les images transforment l'adolescence en quelque chose de monstrueux et d'inévitable. La conception sonore est également oppressante ; même le silence semble lourd, comme l'instant qui précède le moment où l'on est poussé dans la piscine. Ensemble, Steven Breckon et Johan Lenox aident Charlie Polinger à réaliser quelque chose de rare : un film qui ressemble à la fois à un souvenir et à un cauchemar.

La présence adulte dans l'histoire se limite en grande partie à Daddy Wags, l'entraîneur de water-polo du camp, interprété par Joel Edgerton avec une autorité lasse. Son personnage n'est pas un méchant, mais plutôt un rappel de la distance que peuvent ressentir les enfants pris dans le cycle de la cruauté face aux paroles rassurantes des adultes. Lorsqu'il dit à Ben que le harcèlement n'est « qu'une phase » et qu'il passera, ce moment a un double impact : nous savons qu'il a raison à long terme, mais nous ressentons également à quel point une semaine de tourments peut sembler interminable pour un enfant de douze ans. La présence d'Edgerton, bien que brève, donne au film un ancrage nécessaire, une lueur d'ordre dans un monde régi par le chaos, mais même lui semble impuissant à arrêter ce qui se déroule. Le message est clair : les adultes ne peuvent pas tout faire, et l'enfance, dans sa cruauté, est souvent un écosystème autonome.

L'une des qualités les plus audacieuses du film est la façon dont il explore la complicité. Ben est déchiré entre sa compassion pour Eli et la promesse séduisante d'être accepté dans le cercle de Jake. Son conflit intérieur n'est pas dépeint à travers un mélodrame, mais à travers des gestes subtils : hésitations, regards furtifs, rires forcés qui ont un goût amer même lorsqu'ils s'échappent. Charlie Polinger capture la tension insupportable d'avoir douze ans et de savoir ce qui est juste tout en ayant trop peur pour agir en conséquence. Ce qui donne au film son poids émotionnel, c'est la reconnaissance que la cruauté ne blesse pas seulement les victimes, mais qu'elle entache également ceux qui y participent, même à contrecœur. La culpabilité d'avoir trahi sa propre conscience morale simplement pour éviter d'être une cible est peut-être l'idée la plus obsédante du film, et elle oblige le public à réfléchir non seulement à la douleur d'être victime d'intimidation, mais aussi à la honte d'avoir un jour ri avec les autres.

Au fur et à mesure que The Plague progresse, il résiste à la tentation de résoudre ses tensions de manière nette. Bien qu'il y ait des moments de catharsis, notamment dans la séquence finale, rehaussée par l'utilisation inattendue d'un morceau de Moby parfaitement synchronisé, la fin n'offre pas le triomphe net auquel le public pourrait s'attendre. Au contraire, elle se termine par une honnêteté brute qui persiste, reconnaissant que la cruauté de l'enfance ne disparaît pas avec un seul acte de rébellion ou de bravoure. Les cicatrices restent, tout comme le malaise. Ce refus de conclure peut frustrer certains, mais c'est ce qui rend le film si véridique. L'adolescence offre rarement des fins nettes ; elle offre la survie, et parfois c'est tout.

Le fait qu'il s'agisse du premier long métrage de Charlie Polinger rend The Plague d'autant plus impressionnant. Soutenu par les productrices Lizzie Shapiro et Lucy McKendrick, Charlie Polinger a créé une œuvre d'une assurance remarquable, à la fois audacieuse sur le plan stylistique et émouvante sur le plan émotionnel. Les performances des jeunes acteurs – Everett Blunck, Kayo Martin, Kenny Rasmussen – sont parmi les plus convaincantes du festival, chacun incarnant non seulement un personnage, mais aussi un aspect universel du passage à l'âge adulte. Blunck, en particulier, capture la fragilité d'un garçon à l'aube de l'adolescence, tandis que Martin livre une interprétation glaçante du pouvoir enivrant de la domination. Rasmussen, lui aussi, rend Eli inoubliable, incarnant la présence étrange et magnétique du garçon que tout le monde veut éviter mais que personne ne peut ignorer.

The Plague traite moins du tourment d'un garçon que de la nature contagieuse de la peur et de la cruauté. Il montre à quel point il est facile pour des groupes d'inventer des maladies pour ostraciser la différence, comment les rumeurs se propagent comme des virus et comment la honte infecte ceux qui la portent et ceux qui l'infligent. Il traite de la masculinité en formation, de la répétition du pouvoir et de l'exclusion, et du prix à payer pour survivre dans un monde où s'intégrer signifie se trahir soi-même. Pour un premier long métrage, il est incroyablement abouti ; pour le public, il est à la fois un rappel obsédant de son propre passé et un avertissement sur la façon dont la cruauté se perpétue. À Cannes, entouré de films aux budgets plus importants et aux campagnes plus bruyantes, The Plague a prouvé que parfois, les films les plus modestes ont le plus de poids. Il se propage discrètement, comme les rumeurs qui sont au cœur de l'intrigue, jusqu'à devenir impossible à ignorer.

The Plague
Écrit et réalisé par Charlie Polinger
Produit par Lizzie Shapiro, Lucy McKendrick, Steven Schneider, Roy Lee, Derek Dauchy
Avec Joel Edgerton, Everett Blunck, Kayo Martin, Kenny Rasmussen
Directeur de la photographie : Steven Breckon
Montage : Simon Njoo ASE, Henry Hayes
Musique : Johan Lenox
Sociétés de production : Spooky Pictures, The Space Program, Five Henrys, Image Nation Abu Dhabi
Distribution : Independent Film Company (États-Unis)
Dates de sortie : 16 mai 2025 (Cannes), 24 décembre 2025 (États-Unis)
Durée : 95 minutes

Vu le 8 septembre 2025 au Centre international de Deauville

Note de Mulder: