Titre original: | Rebuilding |
Réalisateur: | Max Walker-Silverman |
Sortie: | Vod |
Durée: | 95 minutes |
Date: | Non communiquée |
Note: |
Dans Rebuilding de Max Walker-Silverman, la perte arrive tranquillement, dans les espaces où le feu est déjà passé. Il n'y a pas d'enfer rugissant ni de sauvetages frénétiques, seulement les contours noircis de ce qui était autrefois une maison, une grange, un troupeau et un mode de vie. Le film s'ouvre sur les cendres d'un ranch du Colorado, où Dusty, interprété avec une intensité contenue par Josh O'Connor, se tient debout sur un sol à la fois familier et étranger. Des générations de travail et d'identité ont été réduites en fumée, et ce qui reste n'est pas simplement une terre mise à nu, mais un homme sans repères. Le désespoir silencieux de Dusty imprègne chaque image, et pourtant, il y a quelque chose de profondément humain dans son refus de se détourner. La question que le film pose, encore et encore, n'est pas comment prévenir la tragédie, mais comment vivre avec ce qui reste.
La force du film réside dans l'attention qu'il porte aux liens fragiles qui maintiennent Dusty debout. Sa fille éloignée, Callie Rose, interprétée avec une retenue lumineuse par Lily LaTorre, devient le miroir de ses échecs et de ses timides tentatives de réparation. Leur relation est traitée avec une douceur rare au cinéma ; il n'y a pas de grands discours, seulement de petits gestes d'attention : l'aider à faire ses devoirs à la bibliothèque, la regarder accrocher des étoiles phosphorescentes sur la paroi de la caravane, laisser le silence faire le travail que les mots ne peuvent accomplir. À l'opposé, Meghann Fahy apporte une grâce féroce à Ruby, l'ex-femme de Dusty, qui a appris à survivre sans lui mais qui porte toujours en elle le souvenir de ce qui les liait autrefois. Amy Madigan, dans le rôle de Bess, la mère de Ruby, incarne la sagesse pragmatique, sa simple observation « Tu as ce que tu as » résonnant comme un hymne pour toutes les personnes déplacées. Ces relations n'explosent pas en conflits, mais se construisent dans une reconnaissance silencieuse, montrant que reconstruire une famille est aussi fragile et incertain que reconstruire un ranch.
En dehors de la famille, la communauté qui se développe autour des caravanes de la FEMA donne son rythme au film. Les survivants partagent leur nourriture, la lumière du feu et leurs histoires, créant un refuge fragile parmi les ruines. Kali Reis, dans le rôle de Mila, apporte au film son centre spirituel : une veuve qui organise des dîners, rappelle aux autres de s'entraider et fait en sorte que la survie soit collective plutôt que solitaire. Certains de ces personnages sont interprétés par des non-professionnels, comme le musicien Binky Griptite, ce qui brouille la frontière entre fiction et réalité vécue. Leur présence ancrent le film dans la réalité, faisant écho à l'authenticité d'œuvres comme Nomadland tout en conservant la tendresse caractéristique de Walker-Silverman. Le sentiment de communauté qui se dégage n'efface pas le chagrin de Dusty, mais le recadre : il ne pourra peut-être pas restaurer le ranch, mais il peut trouver de nouvelles racines dans les liens qu'il tisse.
Le langage visuel et sonore du film renforce cette dualité entre dévastation et espoir. Le directeur de la photographie Alfonso Herrera Salcedo capture les vastes cieux au-dessus des forêts brûlées, une terre à la fois belle et brutale, nous rappelant que la nature est indifférente mais toujours généreuse en lumière. La musique de Jake Xerxes Fussell et James Elkington est sobre, construite autour de sons acoustiques doux qui flottent comme de la fumée plutôt que de dominer les scènes. Cette retenue évite le mélodrame ; il n'y a pas de crescendos manipulateurs, pas de catharsis facile. Au contraire, le film fait confiance au silence, au poids d'un regard ou au bruit du vent contre un poteau de clôture brûlé. Pour certains spectateurs, la patience de ce rythme peut sembler austère, mais pour ceux qui sont prêts à s'y abandonner, le résultat est discrètement bouleversant.
Ce qui fait la profonde résonance de Rebuilding, c'est son immédiateté. Lors de sa première au festival de Sundance, des incendies de forêt venaient de ravager certaines parties de la Californie, et les festivaliers faisaient défiler les gros titres entre les projections. Ce contexte réel rendait impossible de considérer l'histoire de Dusty comme une simple fiction. Le film est hanté par la phrase « Il y a des choses que nous avons perdues et dont je ne me souviendrai jamais », qui devient moins une complainte d'un personnage qu'un reflet de la mémoire collective : comment les catastrophes détruisent non seulement des maisons, mais aussi des éléments intangibles et non enregistrés de la vie. De cette manière, le film dépasse sa propre dimension, devenant une histoire qui ne concerne pas seulement une famille, mais aussi le nombre croissant de communautés à travers le monde qui apprennent à vivre dans l'ombre de la catastrophe climatique.
Et pourtant, malgré son poids, Rebuilding ne cède jamais au désespoir. Son titre n'est pas ironique, mais sincère. Max Walker-Silverman montre clairement que reconstruire ne signifie pas recréer le passé exactement tel qu'il était, mais trouver ce qui reste et oser le transformer en quelque chose de vivable. Dusty ne récupère pas son ranch. Il n'obtient pas une rédemption facile. Mais il trouve quelque chose de peut-être plus durable : une fille qui recommence à lui faire confiance, des voisins qui partagent leur nourriture autour d'un feu de camp, et la faible lueur des étoiles en plastique sur le plafond sombre d'un abri temporaire. Ce sont de petites choses, mais dans le récit patient du film, elles semblent monumentales.
Rebuilding ne satisfera peut-être pas les spectateurs qui recherchent un drame spectaculaire ou une résolution claire. Sa puissance est plus discrète, ancrée dans l'humilité et l'attention, dans la compréhension que la guérison après une perte est lente, inégale et profondément humaine. Avec Josh O'Connor, le film trouve un acteur capable d'exprimer des histoires entières en silence, et avec Max Walker-Silverman, un cinéaste prêt à s'attarder là où d'autres se précipiteraient. Le résultat est une œuvre qui reste en mémoire, portant la douleur des conséquences de l'incendie, mais aussi la lueur de la résilience. Il s'agit, en fin de compte, d'une histoire sur ce qui ne peut être brûlé.
Rebuilding
Écrit et réalisé par Max Walker-Silverman
Produit par Jesse Hope, Dan Janvey, Paul Mezey
Avec Josh O'Connor, Meghann Fahy, Kali Reis, Amy Madigan
Directeur de la photographie : Alfonso Herrera Salcedo
Montage : Jane Rizzo, Ramsi Bashour
Musique : Jake Xerxes Fussell, James Elkington
Sociétés de production : Cow Hip Films, Fit Via Vi, Present Company, Spark Features
Distribué par Bleecker Street (États-Unis)
Dates de sortie : 26 janvier 2025 (Sundance), 7 novembre 2025 (États-Unis)
Durée : 95 minutes
Vu le 11 septembre 2025 au Centre international de Deauville
Note de Mulder: