Titre original: | Olmo |
Réalisateur: | Fernando Eimbcke |
Sortie: | Vod |
Durée: | 84 minutes |
Date: | Non communiquée |
Note: |
Fernando Eimbcke a toujours eu le don de saisir les moindres détails de l'adolescence et de leur donner une résonance universelle. Avec Olmo, son quatrième long métrage après les acclamés Duck Season et Club Sandwich, il nous plonge une fois de plus dans cet espace fragile et doux-amer où l'enfance se heurte aux responsabilités de l'âge adulte. Ce qui aurait pu être une simple histoire de passage à l'âge adulte se transforme, sous son regard délicat, en un portrait nuancé d'une famille au bord de la survie et d'un garçon qui apprend bien trop tôt que la liberté a un prix.
Le film se déroule au Nouveau-Mexique en 1979, où Olmo (joué avec un naturalisme saisissant par Aivan Uttapa) est un adolescent de 14 ans déchiré entre les pulsions de l'adolescence et le poids écrasant des obligations familiales. Son père Nestor (Gustavo Sánchez Parra) est cloué au lit par la sclérose en plaques, dépouillé de sa dignité mais s'accrochant à son rôle de patriarche, tandis que sa mère Cecilia (Andrea Suarez Paz) travaille sans relâche comme serveuse, poussée à bout pour permettre à la famille de survivre. Sa sœur Ana (Rosa Armendariz) est perpétuellement agacée à l'idée que sa jeunesse lui est volée par les tâches ménagères, préférant l'évasion éphémère des discothèques à roulettes. Dans cet équilibre précaire s'insinue le désir agité d'Olmo : celui de liberté, d'indépendance, et celui de sa voisine et béguin Nina (Melanie Frometa).
Le catalyseur est presque comiquement trivial : Nina a invité Olmo et son meilleur ami Miguel (Diego Olmedo) à une fête, à condition qu'ils apportent une chaîne stéréo. Ce qui commence comme une simple mission d'adolescents – un rite de passage enveloppé dans la promesse de musique, de danse et peut-être même de romance – devient un creuset pour les tensions familiales. La chaîne stéréo est cassée, et en essayant de la réparer sous la supervision impatiente de son père, Olmo est confronté non seulement à des fils emmêlés, mais aussi à la dure réalité de l'impuissance de Nestor. Leur dispute au sujet des circuits et des connexions va bien au-delà de la mécanique, mettant à nu le ressentiment des deux côtés : un père qui a perdu le contrôle de sa vie et un fils qui se sent entravé par la responsabilité héritée.
Il est révélateur que cette même chaîne hi-fi, cadeau d'anniversaire de Nestor à Cecilia, devienne à la fois un symbole et un champ de bataille. Pour le père, elle rappelle des temps meilleurs, un souvenir d'autonomie et d'amour ; pour le fils, ce n'est qu'un outil, un ticket d'entrée dans le monde de l'adolescence. Lorsque Olmo décide, dans un élan de frustration, de laisser son père sans surveillance pour la nuit afin de pouvoir se rendre à la fête, cette décision semble imprudente, voire cruelle, mais elle est aussi douloureusement compréhensible. Eimbcke et la co-scénariste Vanesa Garnica ne jugent jamais les choix du garçon ; ils les présentent plutôt comme les étapes chaotiques et contradictoires de quelqu'un qui est à cheval entre deux mondes.
Le ton du film est remarquable par son équilibre. Il rappelle la sincérité maladroite de Napoleon Dynamite, mais en supprime l'ironie pour la remplacer par de l'empathie. Un matelas imbibé d'urine, une voiture en panne, un bassin hygiénique... entre de mauvaises mains, tous ces éléments pourraient devenir des éléments d'une comédie embarrassante ou d'un mélodrame. Pourtant, Eimbcke les aborde avec une douce honnêteté, nous rappelant à quel point ces tâches banales et humiliantes définissent la vie de famille lorsque les ressources et l'énergie sont rares. La photographie de Carolina Costa renforce cette atmosphère réaliste : les intérieurs sont souvent sombres, comme éclairés uniquement par la lumière du jour qui filtre à travers les rideaux tirés, tandis que le vaste ciel du désert évoque à la fois l'étouffement et les possibilités. Même la patinoire, avec ses lumières pastel et sa musique entraînante, ressemble moins à une évasion qu'à une fragile illusion de liberté.
Les performances des acteurs insufflent de la vie à cet écosystème fragile. Aivan Uttapa porte le film avec une authenticité tranquille, son énergie débordante contrebalancée par des moments de calme où la culpabilité et le désir coexistent sur son visage. Son alchimie avec Diego Olmedo dans le rôle de Miguel est une petite merveille : leur amitié a le rythme vécu de garçons qui partagent tout, des rêveries aux chorégraphies de Tony Manero. Quand ils finissent par entrer en scène avec une performance inspirée de Saturday Night Fever, c'est aussi gênant que joyeux, un pur instantané de l'adolescence où l'humiliation et le triomphe se confondent. Rosa Armendariz insuffle du feu à Ana, une adolescente à la fois furieuse de sa situation et désespérée de se tailler un peu d'indépendance. De son côté, Gustavo Sánchez Parra insuffle à Nestor des contradictions déchirantes : une autorité fragile, une amertume brute, mais aussi des éclairs de tendresse qui nous rappellent qu'il est toujours un père, même si sa maladie le prive de son pouvoir. Andrea Suarez Paz complète la famille avec une performance qui respire l'épuisement, celle d'une femme qui tente d'être une mère pour tout le monde alors que le monde ne cesse de lui prendre davantage.
Ce qui élève Olmo, ce n'est pas son intrigue, qui est d'une simplicité trompeuse, mais sa perspective. En alignant la caméra sur le point de vue d'Olmo, Eimbcke amplifie l'enjeu des rituels adolescents tout en reconnaissant discrètement les réalités plus sombres de la vie adulte en marge. Une invitation à une fête devient une question de destin ; une chaîne stéréo cassée, une épreuve de virilité ; un quart de travail manqué, une menace d'expulsion. Les enjeux peuvent se réduire ou s'amplifier selon le regard que l'on adopte, et la brillante idée du film est de montrer que les deux peuvent être vrais à la fois.
Derrière l'intimité de cette histoire unique se cache également une résonance plus large. Avec pour toile de fond une famille mexicaine-américaine en difficulté à la fin des années 1970, le film aborde inévitablement les thèmes de la migration, de la négociation culturelle et de la négligence systémique, même s'il ne les met jamais au premier plan. Ce choix, loin d'atténuer son caractère politique, le renforce : Olmo ne prêche pas, mais insiste discrètement sur le fait que l'empathie pour les petites joies et les difficultés d'une famille peut ouvrir une fenêtre sur les expériences de nombreuses autres. Le fait que les producteurs comprennent Dede Gardner et Jeremy Kleiner de Plan B — la même équipe derrière Moonlight — souligne la subtile parenté du film avec des œuvres qui humanisent des vies trop souvent négligées.
Olmo ne parle pas d'une chaîne stéréo, ni même d'une fête. Il parle d'un garçon contraint de naviguer trop tôt entre les contradictions de la jeunesse : le désir d'être insouciant face au poids inéluctable des responsabilités, le frisson des premiers émois amoureux face à la culpabilité d'abandonner ses devoirs familiaux, le rêve d'indépendance assombri par la réalité de l'interdépendance. Il traite de la façon dont l'adolescence, dans sa forme la plus universelle, amplifie à la fois l'absurde et le profond. Et il s'agit de la façon dont, des années plus tard, nous repensons à ces moments — avec des rires, des regrets, mais aussi avec la reconnaissance qu'ils nous ont façonnés. Avec Olmo, Fernando Eimbcke livre une œuvre à la fois tendre et poignante, un récit nostalgique sur le passage à l'âge adulte qui évite le sentimentalisme en embrassant l'honnêteté. C'est un film qui marque les esprits non pas par ses grandes révélations, mais par les petites vérités maladroites, déchirantes et joyeuses qu'il capture, des vérités qui nous font grimacer de reconnaissance et, discrètement, nous font sourire.
Olmo
Réalisé par Fernando Eimbcke
Écrit par Fernando Eimbcke, Vanesa Garnica
Produit par Dede Gardner, Jeremy Kleiner, Eréndira Núñez Larios, Michel Franco
Avec Gustavo Sánchez Parra, Aivan Uttapa, Diego Olmedo, Andrea Suárez Paz, Rosa Armendariz
Directrice de la photographie : Carolina Costa
Montage : Mariana Rodríguez
Musique : Giosuè Greco
Sociétés de production : Plan B Entertainment, Teorema
Distribution : Film Constellation (États-Unis)
Date de sortie : 16 février 2025 (Berlinale)
Durée : 84 minutes
Vu le 9 septembre 2025 au Centre international de Deauville
Note de Mulder: