After this death

After this death
Titre original:After this death
Réalisateur:Lucio Castro
Sortie:Vod
Durée:96 minutes
Date:Non communiquée
Note:
La liaison d'une femme avec un musicien underground énigmatique plonge sa vie dans le chaos lorsque celui-ci disparaît. Contrainte de repousser ses fans obsessionnels, elle doit également faire face à son mariage brisé et retrouver son identité et son avenir.

Critique de Mulder

Avec After This Death, le réalisateur argentin Lucio Castro livre un deuxième long métrage ambitieux et insaisissable, à la fois profondément personnel et frustrant d'opacité, une œuvre qui se situe à la croisée du mystère, de la romance et du drame psychologique sans jamais vraiment prendre forme. Si son premier film, End of the Century, était une méditation tendre et ensoleillée sur l'amour queer et la mémoire, cette suite en est le contrepoint plus sombre et automnal : une histoire qui se déroule dans les bois du nord de l'État de New York, où les rencontres semblent prédestinées, les identités s'estompent et les frontières entre désir, art et obsession se dissolvent dans un brouillard inquiétant.

Au cœur du film se trouve Mia Maestro, qui incarne Isabel, une comédienne de doublage argentine vivant aux États-Unis avec son mari Ted, interprété avec une simplicité discrète par Rupert Friend. Le mariage d'Isabel est déjà tendu, marqué par les absences de Ted et son propre sentiment de déracinement, lorsqu'une rencontre fortuite change le cours de sa vie. Au cours d'une randonnée solitaire, elle rencontre Elliot, interprété par Lee Pace, un musicien de rock charismatique mais distant, doté d'une aura presque messianique. La rencontre, mise en scène dans une grotte avec une légère touche de menace féérique, est à la fois ordinaire et étrange. Lorsque Isabel assiste plus tard à un concert avec son amie Alice (une Gwendoline Christie brillante mais sous-utilisée), elle découvre que l'énigmatique inconnu n'est pas seulement un musicien, mais aussi le chanteur énigmatique du groupe culte Likeliness Increases. Ce qui commence comme un flirt se transforme rapidement en une liaison passionnée, rendue encore plus provocante par la grossesse d'Isabel et sa conscience que son mariage existe dans un état ambigu et incertain.

La liaison entre Isabel et Elliot porte une grande partie du poids dramatique du film, même si elle repose moins sur une intimité émotionnelle que sur une tension érotique à la fois enivrante et troublante. Maestro et Pace créent des moments de véritable alchimie – le film a déjà fait parler de lui pour son audacieuse « scène des pieds » –, mais leur relation reste souvent aussi énigmatique que l'homme lui-même. Elliot est moins un personnage à part entière qu'une projection mythique, une sorte de rock star distante et faussement profonde dont chaque parole est considérée comme parole d'évangile par ses fans. Pace, avec sa taille imposante et son jeu hypnotique, incarne l'archétype avec arrogance, même si le film ne parvient jamais à nous convaincre pleinement de son statut d'icône culturelle. Comme l'a fait remarquer un critique pendant le festival, il est beaucoup plus facile d'imaginer Lee Pace en chef de secte qu'en musicien dont le groupe pourrait raisonnablement conserver un public fidèle après dix albums. Cette tension – entre le mythe que le film veut nous faire croire et la réalité que nous observons – devient l'un des défauts les plus persistants de After This Death.

Néanmoins, Mia Maestro ancrent le récit grâce à une performance au magnétisme discret, nous rappelant une actrice dont la trajectoire hollywoodienne n'a jamais vraiment été à la hauteur de son talent. Il y a ici un sentiment de redécouverte, comme si Lucio Castro, qui l'avait déjà dirigée dans End of the Century, savait exactement comment exploiter son mélange de vulnérabilité et de défiance. L'Isabel de Maestro est une femme suspendue entre deux identités : argentine et américaine, épouse et amante, future mère et artiste indépendante. Sa narration, en espagnol, renforce le sentiment de déracinement du personnage, comme si sa vie intérieure appartenait à un autre monde. Cette superposition de langues et d'identités souligne l'une des obsessions récurrentes de Lucio Castro : la façon dont les gens se réinventent à travers les frontières et les relations, pour finalement découvrir que le passé ne s'efface jamais complètement.

Mais si Maestro ancrent le film, le récit lui-même est souvent sinueux. Après la disparition inexpliquée d'Elliot, le film prend une tournure plus thriller, Isabel devenant la cible des fans obsessionnels d'Elliot. Connus sous le nom de TPYS (« The People You See »), ces adeptes projettent sur elle leurs angoisses concernant l'album final inachevé du groupe, convaincus qu'elle détient la clé pour dévoiler l'héritage d'Elliot. Cette intrigue secondaire toxique injecte une menace, mais expose également les faiblesses structurelles du film. Ce qui aurait pu être un commentaire incisif sur la dévotion parasociale et la culture du complot en ligne dérive plutôt vers une menace vague, avec des menaces anonymes et des messages cryptiques qui s'accumulent sans aboutir à un crescendo satisfaisant. Pour certains, cette ambiguïté fait partie du propos – Lucio Castro a été comparé à David Lynch pour sa capacité à laisser des questions en suspens –, mais ici, elle ressemble souvent davantage à une inertie narrative.

Visuellement, cependant, After This Death exerce une attraction constante. Le directeur de la photographie Barton Cortright capture les bois du nord de l'État de New York dans un automne permanent, drapant l'histoire de teintes cuivrées et vertes qui rendent chaque scène à la fois romantique et inquiétante. La bande originale, composée par Robert Lombardo et Yegang Yoo, ajoute une autre dimension : les synthés bourdonnants et les paroles énigmatiques du groupe d'Elliot s'immiscent dans la réalité d'Isabel, tandis que des contre-mélodies aériennes suggèrent que sa vie intérieure résiste à l'absorption dans le mythe de son idole. Cette tension entre le poids oppressant du fanatisme et la quête silencieuse d'Isabel pour trouver son identité devient le courant sous-jacent le plus captivant du film, même lorsque l'intrigue vacille.

Ce qui est le plus frappant, cependant, c'est la façon dont After This Death aborde le hasard et la création de mythes. La rencontre d'Isabel et d'Elliot dans une grotte, sa grossesse coïncidant avec son anniversaire, la croyance des fans en un « dernier album » prophétisé... Tous ces détails frôlent l'absurde, mais Lucio Castro les exploite sans complexe. Le film ose même citer Vertigo d'Alfred Hitchcock, bien que son ton soit plus proche d'un rêve fiévreux à la Lynch que de la précision horlogère d'Hitchcock. Pour certains spectateurs, ce refus d'ancrer le récit dans la plausibilité s'avérera exaspérant. Pour d'autres, c'est précisément dans ces coïncidences, ces échos étranges, que réside l'étrange attrait du film. À l'instar du fandom lui-même, le film se nourrit de la compulsion à chercher un sens là où il n'y en a peut-être pas.

On a l'impression qu'After This Death est moins une histoire qu'une ambiance, moins un récit qu'un labyrinthe de désirs et de projections. Lucio Castro résiste à l'envie de donner des réponses, préférant présenter un monde où chaque rencontre peut être une coïncidence ou le destin, chaque disparition une perte ou une transformation. Le film ne s'attarde pas sur les mécanismes de l'intrigue, mais sur ses textures : un regard entre Maestro et Pace, le silence hanté d'une cabane vide, la façon dont les paroles d'une chanson peuvent sembler à la fois profondes et creuses selon la personne qui les écoute. En ce sens, le film reflète l'expérience même de l'obsession : des questions qui en appellent d'autres, un sens qui s'estompe à mesure que l'on y regarde de plus près.

After This Death est une œuvre imparfaite mais fascinante, qui ne tient jamais tout à fait la promesse de son premier acte mais parvient néanmoins à exercer une emprise hypnotique. C'est un film de contradictions : prétentieux mais séduisant, inerte mais magnétique, distant mais intime. Ce qui le sauve de l'autoparodie, c'est Mia Maestro, dont la performance lumineuse transforme Isabel d'un pion dans le mythe de quelqu'un d'autre en une figure de résilience tranquille. Si le film ressemble au « deuxième album difficile » de Lucio Castro, alors peut-être que la leçon à en tirer est que la difficulté elle-même peut être révélatrice. À l'instar d'un disque culte qui déconcerte à la première écoute, After This Death peut frustrer autant qu'il fascine, mais il reste en tête, comme une chanson dont on se souvient à moitié, comme un amant qui a disparu sans laisser de traces.

After this death
Écrit et réalisé par Lucio Castro
Produit par Caroline Clark, Patrick Donovan, Anita Gou, David Hinojosa, Luca Intili
Avec Mía Maestro, Lee Pace, Rupert Friend, Philip Ettinger, Gwendoline Christie, Vivi Tellas, Jack Haven, Timeca M. Seretti, Marita de Lara, Jordan Carlos, Stephanie Jean Lane, Laurent Rejto, Yi Liu, Ollie Robinson, Colin Ryan
Musique de Robert Lombardo, Yegang Yoo
Directeur de la photographie : Barton Cortright
Montage : Kali Ann Kahn
Sociétés de production : Zam, Kindred Spirit
Distribution : NC
Date de sortie : NC
Durée : 96 minutes

Vu le 10 septembre 2025 au Centre international de Deauville

Note de Mulder: