Titre original: | Sign o’ the Times |
Réalisateur: | Prince |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 85 minutes |
Date: | 27 août 2025 |
Note: |
À mon père, qui m’accompagna à ce concert à Bercy et grava dans ma mémoire un souvenir indélébile
Peu de films de concert dans l'histoire parviennent à cristalliser l'essence d'un artiste aussi vivement que Sign o' the Times, réalisé par l’artiste surdoué Prince. Sorti en 1987 à un moment charnière de sa carrière et aujourd'hui ressuscité dans une restauration IMAX remaraqueble, ce film est une véritable révélation. À la fois document sur une tournée, expérience cinématographique et spectacle théâtral, Sign o' the Times présente Prince sous son jour le plus audacieux, le plus expérimental et, surtout, le plus vivant. Si Purple Rain présentait Prince à la fois comme une rock star et un créateur de mythes, Sign o' the Times est la preuve sans filtre de son génie en tant qu'interprète, musicien et visionnaire. Le film fut longuement applaudi dans la salle, non seulement pour son importance historique, mais aussi pour l'énergie pure qu'il transmet à travers les décennies.
Ce qui frappe d'abord dans ce film, c'est son énergie : une force cinétique qui ne faiblit jamais, du titre d'ouverture, où le funk minimaliste de Prince contraste avec les sous-entendus politiques urgents des paroles, jusqu'à la finale avec The Cross, une explosion de gospel-rock qui laisse le public dans un émerveillement spirituel. Contrairement à Purple Rain, qui s'appuyait fortement sur la narration, ce film laisse la musique porter tout le poids. Chaque morceau se déroule comme une pièce de théâtre entièrement mise en scène, mêlant une chorégraphie éblouissante, une scénographie méticuleuse et des effets visuels tels que des ruelles éclairées au néon et des silhouettes noires. Ces éléments auraient facilement pu verser dans l'artifice, mais entre les mains de Prince, ils deviennent le prolongement de son imagination débordante. En le regardant, on ne peut s'empêcher de se rappeler que l'album lui-même était une fusion de projets abandonnés — Dream Factory, Camille et Crystal Ball — condensés en un double LP que les critiques et les fans considèrent aujourd'hui comme son chef-d'œuvre. Sur scène, ces fragments se fondent en quelque chose qui semble presque volcanique : imprévisible, féroce et irrésistible.
Le groupe réuni pour cette tournée n'était pas un simple groupe de première partie ; c'était une machine finement réglée, capable de suivre Prince partout où ses impulsions le menaient. Au premier plan se trouve Sheila E., dont le jeu de batterie est tout simplement parfait, ses solos si précis et tonitruants qu'ils semblent faire trembler les fondations mêmes de la scène. Cat Glover, danseuse, chorégraphe et partenaire sur scène, incarne le côté séducteur et théâtral de Prince, transformant des morceaux comme Hot Thing et If I Was Your Girlfriend en mini-drames chargés d'érotisme. Derrière eux, Eric Leeds et Atlanta Bliss aux cuivres apportent un contrepoint jazzy et incisif, tandis que Miko Weaver, Doctor Fink, Boni Boyer et Levi Seacer Jr. complètent un groupe dont la polyvalence passe sans transition du hard rock au bebop, des ballades sensuelles au funk. Voir cet ensemble à l'œuvre permet de comprendre pourquoi faire partie du groupe de Prince était considéré comme l'un des emplois les plus exigeants – et les plus prestigieux – de la musique populaire.
Ce qui rend la version IMAX vraiment transformatrice, c'est la façon dont elle magnifie des détails qui ont toujours été là, mais qui n'ont jamais été aussi immédiats. On voit chaque goutte de sueur lorsque Prince se lance dans des grands écarts et des crab walks inspirés de James Brown, chaque sourire malicieux échangé entre lui et Cat Glover, chaque geste de la main qui indique au groupe un nouveau détour inattendu. Des chansons comme I Could Never Take the Place of Your Man prennent soudainement une dimension plus grande que nature, les riffs de guitare déchirant les haut-parleurs IMAX avec l'intensité d'un concert live. Même les moments qui semblaient autrefois dépassés, tels que les brefs intermèdes scénarisés ou l'inclusion du clip vidéo de U Got the Look avec Sheena Easton, prennent un nouveau charme lorsqu'ils sont projetés sur un écran aussi grand, offrant un aperçu du désir insatiable de Prince d'estomper les frontières entre le cinéma, le théâtre et le concert.
Il y a également une tension fascinante dans le film. C'était Prince après l'échec commercial de Under the Cherry Moon et à une époque où Warner Bros. commençait à resserrer son emprise sur sa production créative. Et pourtant, à l'écran, il dégage une confiance qui frôle la défiance, construisant une setlist qui évite ses plus grands succès américains et met presque exclusivement en avant de nouveaux morceaux. C'est un choix audacieux, presque inimaginable pour un artiste de son envergure, mais qui fonctionne parce que les performances sont incandescentes. Il y a là aussi un sous-entendu malicieux : Prince semble dire à son public américain, qui n'a jamais pu voir la tournée européenne de ses propres yeux, que son évolution ne peut se mesurer uniquement à l'aune de Purple Rain. Il ne s'agissait pas d'une opération commerciale visant à tirer profit de ses plus grands succès, mais d'un défi qui exigeait de s'engager dans son art le plus audacieux.
Vu aujourd'hui, près de quatre décennies après sa sortie initiale et près d'une décennie après la mort tragique de Prince, Sign o' the Times semble encore plus essentiel. Il capture l'essence mercurienne d'un homme qui ne se contentait jamais de rester dans une seule voie, qui pouvait passer d'une pantomime grivoise avec Cat Glover à un sermon spirituel dans The Cross sans perdre le rythme. Il préfigure également la sensibilité qui saute d'un genre à l'autre, devenue monnaie courante dans la musique d'aujourd'hui. En regardant l'interaction entre le funk, le rock, la soul, le jazz et le gospel, il est impossible de ne pas penser à la dette que les artistes modernes ont envers l'expérimentation audacieuse incarnée par Prince. Sa disparition en 2016 reste l'un des moments les plus dévastateurs de la musique moderne, mais d'une certaine manière, ce film nous rappelle qu'il a laissé derrière lui quelque chose d'éternel : un modèle de performance artistique totale.
Sign o' the Times est plus qu'un film-concert ; c'est une capsule temporelle de Prince à son apogée, sauvage et décomplexé, qui nous rappelle qu'il n'était pas simplement une pop star, mais une force culturelle capable de plier les genres, les attentes et même la forme cinématographique à sa volonté. La restauration IMAX offre à ce film la plateforme qu'il a toujours méritée, permettant au public, ancien et nouveau, de redécouvrir le génie d'un artiste dont l'héritage dépasse encore celui de la plupart de ses pairs. Ce n'est pas seulement l'un des plus grands films de concert jamais réalisés, c'est un morceau de l'histoire de la musique qui reprend vie, la preuve que lorsque Prince a déclaré que ce serait une belle nuit, il le pensait vraiment. Et en effet, en IMAX, c'est tout simplement transcendant.
Set list
01 - Sign o' the Times
02 - Play in the Sunshine
03 - Little Red Corvette"/"Housequake
04 - Slow Love
05 - I Could Never Take the Place of Your Man
06 - Hot Thing
07 - Now's the Time" (Charlie Parker cover by the band excluding Prince)
08 - Drum solo by Sheila E.
09 - U Got the Look"
10 - If I Was Your Girlfriend
11 - Forever in My Life"/"It
12 - It's Gonna Be a Beautiful Night
13 - The Cross
Sign o' the Times
Réalisé par Prince
Produit par Robert Cavallo, Joseph Ruffalo, Steven Fargnoli, avec Prince
Directeur de la photographie : Peter Sinclair
Montage : Steve Purcell
Musique : Prince
Sociétés de production : Paisley Park Films, Purple Films
Distribution : Cineplex-Odeon Films (Universal Pictures)
Dates de sortie : 29 octobre 1987 (Detroit), 20 novembre 1987 (Etats-Unis), 27 août 2025 (Imax) (France), 29 aout 2025 (Imax) (Etats-Unis)
Durée : 85 minutes
Vu le 27 aout 2025 au Gaumont Disney Village, Salle IMAX place H19
Note de Mulder: