Titre original: | Eenie Meanie |
Réalisateur: | Shawn Simmons |
Sortie: | Disney+ |
Durée: | 96 minutes |
Date: | 22 août 2025 |
Note: |
Wild Speed girl (Eenie Meanie), le premier long métrage de Shawn Simmons après avoir travaillé sur des projets télévisés tels que The Continental et Wayne, est une création étrange : un film qui veut désespérément être un film de braquage élégant et rythmé, mais qui s'empêtre sans cesse dans ses propres ambitions dramatiques. Au cœur de l'histoire, Edith Edie Meaney, interprétée avec férocité et vulnérabilité par Samara Weaving, possède tous les ingrédients d'un thriller policier moderne : une ancienne conductrice de fuite repentie entraînée dans le chaos par son ex-petit ami malchanceux John (joué par Karl Glusman), une menace imminente de la part de son ancien patron Nico (un Andy Garcia fatigué mais magnétique) et un braquage de casino à haut risque qui promet à la fois adrénaline et catharsis. Mais au lieu de rester sur la même longueur d'onde, Shawn Simmons passe de manière erratique d'une comédie loufoque à un drame émouvant et à une violence sinistre, laissant le film coincé quelque part entre Baby Driver et un drame relationnel sombre, sans jamais s'engager pleinement dans l'une ou l'autre voie.
Cette incohérence tonale est la frustration la plus persistante du film. À un moment, Shawn Simmons se penche vers des plaisanteries profanes à la Qiuentin Tarantino et un humour absurde : Perm Walters, joué par Marshawn Lynch, devient la cible de blagues sur Freddy Krueger qui semblent tout droit sorties d'une comédie pour fumeurs de cannabis. L'instant d'après, il bascule dans un mélodrame familial sombre, montrant Edith Meaney renouer avec son père Frank Meaney, joué par Steve Zahn, qui vit désormais une vie de banlieue idyllique après l'avoir abandonnée à l'aide sociale. Ces moments plus calmes ont du potentiel, évoquant les thèmes du cycle du traumatisme et de la possibilité du changement, mais ils sont plongés dans un récit qui ne parvient pas à décider s'il faut rire de la misère des personnages ou pleurer pour eux. En conséquence, les moments qui devraient avoir un poids émotionnel entrent souvent en clash avec la violence caricaturale qui les entoure, rendant difficile pour les spectateurs de s'investir pleinement.
Pourtant, malgré le chaos, Samara Weaving livre une performance impressionnante qui la confirme comme l'une des actrices les plus polyvalentes du genre aujourd'hui. Connue pour insuffler du charisme à l'horreur (Ready or Not, Azrael) et à l'action (Mayhem), Samara Weaving prouve une fois de plus qu'elle peut élever un scénario médiocre à un niveau supérieur grâce à sa seule force de volonté. Son personnage, Edith Meaney, est débrouillarde, sarcastique et hantée, une femme marquée par une enfance abusive et des relations toxiques, mais qui refuse toujours de laisser les autres dicter son destin. Samara Weaving incarne avec une honnêteté brute le conflit de loyauté d'Edith Meaney envers John, un homme qui est plus un fardeau qu'un partenaire, plus un destructeur qu'un protecteur. Leur alchimie est fragile, presque délibérément, car l'affection d'Edith Meaney tient moins de la romance que d'un cycle de dépendance dont elle n'est pas encore sortie. C'est toutefois au volant que Samara Weaving brille véritablement : les séquences de poursuite au début et à la fin du film sont chargées d'une énergie cinétique qui manque cruellement au reste du film, et elles nous rappellent que Shawn Simmons sait mettre en scène l'action quand il s'y autorise.
Si Samara Weaving est le cœur, Andy Garcia apporte la gravité. Dans le rôle de Nico, il ne fait guère plus que lancer des regards noirs et proférer des menaces, mais sa simple présence confère une certaine crédibilité au film. Dans une séquence mémorable, Andy Garcia jauge les jeunes criminels qui l'entourent d'un simple regard, rappelant que parfois, les performances les plus efficaces dans le rôle d'un gangster ne nécessitent ni cris ni gesticulations, mais plutôt de la retenue. À l'inverse, Karl Glusman est affublé du personnage de John, un personnage si exaspérant et incompétent qu'il met à rude épreuve la suspension d'incrédulité. L'immaturité de John est présentée à la fois comme un élément comique et un défaut tragique, mais le scénario ne justifie jamais pourquoi Edith Meaney, une femme clairement capable d'indépendance, continue de s'accrocher à lui. Même lorsque le film s'arrête pour laisser Edith Meaney expliquer ses raisons, on a l'impression que le scénario comble des lacunes plutôt que de construire une romance convaincante.
Les seconds rôles offrent des éclairs d'énergie qui font regretter que Shawn Simmons n'ait pas davantage mis l'accent sur la dynamique de l'ensemble. Jermaine Fowler, dans le rôle du chaperon, apporte une touche d'esprit et de confiance, Randall Park vole la vedette dans son bref rôle de Leo, le compteur de cartes, avec un timing parfait, et Marshawn Lynch, bien que sous-utilisé dans le rôle de Perm Walters, apporte une excentricité qui semble taillée sur mesure pour un personnage culte. Ces performances suggèrent une version différente d'Wild Speed girl (Eenie Meanie), plus engagée dans une comédie de braquage bruyante et axée sur les personnages qu'un hybride maladroit entre tragédie et spectacle. Lorsque Shawn Simmons se laisse aller à une cinématographie soignée, à des cascades pratiques et à une énergie enjouée, le film prend vie. Mais trop souvent, ces moments sont pris en sandwich entre une exposition sinueuse ou un mélodrame qui prive le film de son élan.
Au final, Wild Speed girl (Eenie Meanie) est un film pris entre ses propres ambitions. Il veut être réaliste mais aussi léger, sincère mais aussi irrévérencieux, stylé mais aussi terre-à-terre. Cette tension aurait pu fonctionner entre les mains d'un cinéaste plus expérimenté, mais le manque de discipline tonale de Shawn Simmons transforme le film en un patchwork d'idées prometteuses qui parviennent rarement à s'assembler. Malgré tous ses défauts, il y a quelque chose d'indéniablement captivant à voir Samara Weaving dominer l'écran avec une telle conviction, incarnant un rôle qui aurait facilement pu être réduit à un cliché. Le film peut s'essouffler dans son exécution, mais grâce à elle, il ne s'enlise jamais complètement. Pour les spectateurs prêts à pardonner ses incohérences, Wild Speed girl (Eenie Meanie) offre juste assez de sensations fortes, juste assez de spectacle et juste assez d'émotion pour justifier le voyage — même si l'on ne peut s'empêcher d'imaginer à quel point il aurait pu être meilleur s'il avait simplement choisi une voie et l'avait suivie jusqu'au bout.
Wild Speed girl (Eenie Meanie)
Ecrit et réalisé par Shawn Simmons
Produit par Rhett Reese, Paul Wernick
Avec Samara Weaving, Karl Glusman, Jermaine Fowler, Marshawn Lynch, Randall Park, Steve Zahn, Andy Garcia
Directeur de la photographie : Tim Ives
Montage : Chris Patterson
Musique : Bobby Krlic
Sociétés de production : 20th Century Studios, Reese/Wernick Productions
Distribué par Hulu (États-Unis), Disney+ (France)
Date de sortie : 22 août 2025 (États-Unis, France)
Durée : 96 minutes
Vu le 22 août 2025 sur Disney+
Note de Mulder: