Pris au piège - Caught Stealing

Pris au piège - Caught Stealing
Titre original:Caught Stealing
Réalisateur:Darren Aronofsky
Sortie:Cinéma
Durée:107 minutes
Date:27 août 2025
Note:
Hank Thompson a été un joueur de baseball prodige au lycée, mais désormais il ne peut plus jouer. À part ça, tout va bien. Il sort avec une fille géniale, il est barman la nuit dans un bar miteux à New York, et son équipe préférée, donnée perdante, est en train de réaliser une improbable remontée vers le titre. Quand Russ, son voisin punk lui demande de s'occuper de son chat pendant quelques jours, Hank ignore qu'il va se retrouver pris au milieu d'une bande hétéroclite de redoutables gangsters. Les voilà tous après Hank, et lui ne sait même pas pourquoi. En tentant d'échapper à leurs griffes, Hank doit mobiliser toute son énergie et rester en vie assez longtemps pour comprendre.

Critique de Mulder

Avec Pris au piège - Caught Stealing, le réalisateur Darren Aronofsky prend l'un des virages les plus inattendus de sa carrière, s'éloignant de l'intensité suffocante de ses précédents films comme Requiem for a Dream et Mother! pour embrasser quelque chose de plus libre, de plus sauvage et de joyeusement chaotique. Basé sur le roman culte de Charlie Huston, le film est une plongée effrénée dans la vie nocturne new-yorkaise de la fin des années 1990, où chaque mauvais choix semble condamner le protagoniste à s'enfoncer davantage dans une spirale absurde. Ce qui est remarquable, ce n'est pas seulement que Darren Aronofsky réalise ce film avec tant de verve, mais qu'il se penche sur l'énergie et la comédie pulp avec un sourire presque malicieux, comme s'il défiait délibérément les attentes du public habitué à ses films existentiels et lourds. On sent un cinéaste qui recharge ses batteries créatives, se débarrassant de toute grandiloquence morale pour se délecter d'une histoire sur un homme, un chat et une ville qui conspirent contre lui.

Au centre de tout cela, le comédien Austin Butler incarne Hank Thompson, un ancien espoir du baseball en mal de succès qui passe désormais ses nuits à servir des verres dans un bar et à fuir les regrets d'un talent gâché. Butler, qui vient de livrer des performances mémorables dans Elvis et Dune : Part Two, surprend en offrant un rôle plus décousu et plus humoristique. Il imprègne Hank d'une lassitude abattue qui rend sa descente soudaine dans les fusillades mafieuses, les quiproquos et la paranoïa néon à la fois crédible et perversement drôle. Darren Aronofsky a même demandé à Austin Butler de revoir After Hours de Martin Scorsese, un film qui partage le même ADN d'absurdités croissantes sur fond de New York nocturne. Cette influence est perceptible, mais Austin Butler s'approprie totalement le personnage de Hank, qui tâtonne, jure et improvise pour se sortir de situations désastreuses, tel un anti-héros noir meurtri qui se serait égaré dans une comédie loufoque.

La comédienne Zoë Kravitz apporte un contrepoids essentiel dans le rôle d'Yvonne, la petite amie de Hank, qui se trouve être ambulancière. Dans un film où tourbillonnent trahisons, alliances changeantes et gangsters lunatiques, elle devient une force stabilisatrice, dure, pragmatique et attentionnée, mais jamais sentimentale. Sa présence est essentielle pour humaniser Hank ; nous croyons qu'il y a quelque chose qui vaut la peine d'être sauvé en lui parce qu'elle le voit. De son côté, Regina King, dans le rôle de l'inspectrice Roman, apporte une touche supplémentaire de gravité. Elle incarne Roman comme une policière à l'œil vif qui connaît trop bien les criminels de la ville pour être prise au dépourvu, et chaque fois qu'elle apparaît à l'écran, on a l'impression que le film s'ancrage brièvement avant qu'une nouvelle tempête de folie ne se déchaîne. C'est une performance qui aurait pu être banale entre des mains moins habiles, mais Regina King apporte une autorité discrète qui élève le récit.

La galerie de personnages louches qui entoure Hank est tout aussi divertissante. Liev Schreiber et Vincent D'Onofrio incarnent deux des criminels les plus excentriques du film, Lipa et Shmully, dont la violence imprévisible ajoute à la fois danger et humour absurde. Matt Smith, qui incarne Russ, le voisin punk rock de Hank, dont la demande de garder son chat déclenche toute la série d'événements, trouve le juste équilibre entre comique et menace réelle, nous rappelant à quel point, dans le cinéma de Darren Aronofsky, le chaos surgit souvent de détails apparemment insignifiants. Et puis il y a Bad Bunny, dont le caméo en gangster vengeur est court mais explosif et mémorable, rappelant que son charisme à l'écran grandit aussi vite que sa carrière musicale. Les seconds rôles transforment ce qui aurait pu être un film policier générique en un carnaval surréaliste d'archétypes.

D'un point de vue stylistique, Pris au pîège - Caught Stealing est beaucoup moins symbolique que les précédents films de Darren Aronofsky, mais il possède son propre langage. Les rues baignées de néons du New York de 1999 sont filmées avec une joie cinétique, comme si la ville elle-même était enivrée. Darren Aronofsky puise dans une époque où la gentrification n'avait pas encore dépouillé Manhattan de sa crasse, nous offrant un décor où les bars, les ruelles et les stations de métro deviennent le théâtre de fusillades qui vire à la farce. La bande originale d'Idles, un déluge furieux de rythmes post-punk, suralimente les séquences d'action, les poussant souvent vers un rythme presque absurde où musique et chaos s'entremêlent. Ce choix créatif donne son rythme au film : il s'agit moins de suspense que d'élan, une sorte de flipper cinématographique où Hank est la balle malchanceuse qui rebondit entre les gangsters, les flics et un chat.

Caught Stealing n'est pas sans imperfections. Les changements de ton peuvent sembler discordants, et le récit lui-même, bien que rapide en 107 minutes, peut laisser les spectateurs avec l'impression que derrière l'adrénaline, il n'y a pas beaucoup de profondeur émotionnelle à laquelle s'accrocher. Il est difficile de prétendre que ce film est destiné à rejoindre les films incontournablkes de Darren Aronofsky aux côtés de The Wrestler ou Black Swan. Mais ce n'est peut-être pas le but. Darren Aronofsky a décrit lui-même Caught Stealing comme une sorte de parenthèse, une occasion de faire un film policier avec des enfoirés de bad boys plutôt qu'une nouvelle descente dans le désespoir existentiel. Vu sous cet angle, les imperfections du film font partie de son identité : il est censé être une course folle, pas une méditation obsédante.

Le film est une réelle réussite. Il y a un plaisir indéniable à voir Austin Butler naviguer d'un désastre à l'autre, à voir Zoë Kravitz insuffler de l'empathie dans la folie, à savourer la bravade pure de Liev Schreiber et Vincent D'Onofrio qui jouent les criminels plus grands que nature. Ce n'est peut-être pas profond, mais c'est vivant, et cette vitalité est quelque chose que l'on trouve rarement dans les thrillers trop calibrés d'aujourd'hui. Pris au piège - Caught Stealing nous rappelle que le cinéma peut parfois se résumer à une simple aventure : la sueur, les rires, le choc et l'imprévisibilité totale d'une mauvaise nuit à New York. Ce n'est pas le film qui définit l’œuvre remarquable de Darren Aronofsky, mais c'est celui qui montre un cinéaste prêt à jouer, et parfois, cette volonté est la chose la plus stimulante qui soit.

Pris au piège - Caught Stealing (Caught Stealing)
Réalisé par Darren Aronofsky
Écrit par Charlie Huston
Basé sur Caught Stealing de Charlie Huston
Produit par Jeremy Dawson, Dylan Goldeno, Ari Handel, Darren Aronofsky
Avec Austin Butler, Regina King, Zoë Kravitz, Matt Smith, Liev Schreiber, Vincent D'Onofrio, Griffin Dunne, Benito A Martínez Ocasio, Carol Kane
Directeur de la photographie : Matthew Libatique
Montage : Andrew Weisblum
Musique : Idles
Sociétés de production : Columbia Pictures, Protozoa Pictures
Distribué par Sony Pictures Releasing
Date de sortie : 27 août 2025 (France), 29 août 2025 (États-Unis)
Durée : 107 minutes

Vu le 21 aout 2025 au Max Linder Panorama

Note de Mulder: