Together

« Be a little bit wiser baby
Put it on, put it on
'Cause tonight is the night when two become one” – Spice girls - 2 Become 1

Le premier long métrage de Michael Shanks, Together, est un mélange déjanté et grotesquement romantique d'horreur corporelle et de drame relationnel, porté par deux performances si authentiques et instinctivement connectées qu'elles ne pouvaient venir que d'un couple réel. Dave Franco et Alison Brie, mariés à la ville depuis 2017, incarnent Tim et Millie, un couple de longue date qui n'a pas encore franchi le pas du mariage et se trouve dans cette zone limite où affection et ressentiment se mélangent dans des proportions dangereuses. Le déménagement de la ville à la campagne, motivé par le nouveau poste d'enseignante de Millie, devait être un nouveau départ, mais il devient le théâtre d'un cauchemar qui s'intensifie et qui concrétise toutes les peurs liées à la codépendance, à l'engagement et à la lente érosion de l'individualité dans une relation.

La réussite de Together réside dans la rapidité avec laquelle Michael Shanks se débarrasse du sous-texte et jette la métaphore sur la table, la disséquant avec un scalpel qui alterne entre humour affectueux et grotesque à la David Cronenberg (on pensera notamment au film culte La Mouche). Le début établit une dynamique charmante mais stagnante : Millie, pragmatique et axée sur sa carrière, est secrètement frustrée que Tim, après près d'une décennie, refuse toujours d'entrer dans l'âge adulte ; Tim, musicien poursuivant des rêves qui s'envolent, nourrit en silence le ressentiment que sa carrière avance alors que la sienne stagne. La tension est déjà palpable lors de leur fête d'adieu, où Millie lui demande de l'épouser – sans bague, devant leurs amis – et l'hésitation maladroite de Tim laisse apparaître une fissure dans leur façade. Le fait que cette fissure soit sur le point d'être élargie par quelque chose de surnaturel ne fait qu'accentuer la douleur.

Lors d'une randonnée dans les bois voisins, ils tombent dans une caverne qui ressemble aux vestiges d'une chapelle effondrée, avec des cloches suspendues et des bancs à moitié enfouis. À court d'eau, Tim boit dans une mare stagnante, scellant sans le savoir le même sort que les deux chiens que nous avons vus dans le prologue inquiétant, des animaux dont les têtes ont fini par fusionner pour former un monstre à deux museaux. Au matin, les mollets de Tim et Millie sont littéralement collés l'un à l'autre par une substance adhésive charnue. Se séparer est douloureux, mais la distance s'avère pire encore : dès qu'ils sont séparés, une force invisible les propulse l'un vers l'autre, leurs corps exprimant une « soif totale » à la fois érotique et terrifiante. La métaphore – l'attachement, la dépendance, la terreur de la séparation – ne pourrait être plus directe, mais Together fonctionne précisément parce qu'il joue la carte de l'exagération, de l'audace et de l'absence de concession.

Ce qui fait son succès, c'est l'engagement total de Dave Franco et Alison Brie. Tous deux n'ont pas peur de paraître ridicules, de jouer la douleur burlesque d'être projetés contre des murs, collés ensemble en plein acte sexuel ou traînés sur le sol par des forces invisibles. Il y a une scène de rendez-vous galant dans les toilettes de l'école de Millie qui est aussi scandaleuse que drôle, et un montage croisé entre la douche et la voiture qui transforme le lien contre nature du couple en un moment de pur cinéma physique. Pourtant, au milieu des prothèses grotesques et de la bande-son collante, il y a une vérité émotionnelle : le réconfort tacite d'un amour de longue date, la sécurité d'une histoire commune et le danger de laisser cette sécurité se transformer en complaisance.

Michael Shanks maintient un rythme alerte, alternant entre querelles domestiques, moments de tendresse authentique et explosions d'horreur corporelle qui s'intensifient jusqu'à l'absurde sans tomber dans la parodie. Il a le don de détourner l'attention – en semant le doute sur Jamie, le voisin du couple (joué avec une menace bon enfant par Damon Herriman) – et de créer des effets visuels, de la scie électrique de Tchekhov» à un gag visuel tardif impliquant un certain hymne des Spice Girls des années 90 qui se transforme en l'un des moments les plus perversement romantiques du film. Il y a un courant sous-jacent d'horreur folklorique dans les cloches et la chapelle effondrée, des allusions à des légendes locales et à des victimes passées, mais Michael Shanks a judicieusement choisi de garder cela en marge. L'important n'est pas la tradition, mais ce qui arrive aux gens lorsqu'ils ne peuvent littéralement pas se séparer.

Le film n'est pas sans défauts. Les tentatives d'expliquer de manière excessive l'élément surnaturel dans le dernier acte diluent une partie du mystère, et certains indices visuels, comme un roi des rats macabre découvert au début dans la nouvelle maison, ont une portée métaphorique si évidente qu'ils frôlent la lourdeur. Pourtant, le voyage est si joyeusement dérangé et les performances des acteurs principaux si ouvertes et réactives que ces problèmes semblent mineurs. Il est rare de voir un film d'horreur aussi disposé à osciller entre comédie dégoûtante et moments de vulnérabilité poignante sans perdre son équilibre tonal.

Together est une histoire d'amour, même si elle est recouverte de fluides corporels et ponctuée de violence à l'aide d'outils électriques. Dans le personnage de Tim, interprété par Dave Franco, nous voyons un homme aux prises avec le chagrin, l'insécurité et un développement bloqué ; dans celui de Millie, interprété par Alison Brie, une femme qui tente de concilier son ambition et la peur de dépasser son partenaire. Leur situation est drôle, sexy, déchirante et, dans la dernière image, étrangement réconfortante. Aimer quelqu'un, suggère Together, c'est accepter que vous allez vous changer mutuellement d'une manière que vous ne pouvez pas contrôler, et que la frontière entre intimité et emprise est dangereusement mince. Parfois, cela vaut la peine de se salir les mains.

Avec son mélange de réflexions sincères sur les relations humaines, de prothèses qui font frémir et d'un fil conducteur résolument romantique, Together mérite sa place parmi les films d'horreur les plus surprenants et les plus émouvants de l'année. Il est peut-être collant, étrange et souvent dérangeant, mais il reste gravé dans votre mémoire, tout comme ses personnages. Assurément Michael Shanks est un des futurs grands maitres de l’horreur en devenir.

Together
Écrit et réalisé par Michael Shanks
Produit par Dave Franco, Alison Brie, Mike Cowap, Andrew Mittman, Erik Feig, Max Silva, Julia Hammer, Timothy Headington
Avec Dave Franco, Alison Brie, Damon Herriman
Directeur de la photographie : Germain McMicking
Montage : Sean Lahiff
Musique : Cornel Wilczek
Sociétés de production : Picturestart, Tango Entertainment, 30West, 1.21, Princess Pictures
Distribué par Neon (États-Unis), Metropolitan FilmExport (France)
Dates de sortie : 26 janvier 2025 (Sundance), 30 juillet 2025 (États-Unis), 13 août 2025 (France)
Durée : 102 minutes

Vu le 08 août 2025 au Gaumont Disney Village, Salle 12 place A20

L’agence Déjà ne souhaitant pas proposer à la presse online des projections de presse pour ce film nous avons donc du payer notre place pour vous proposer cette critique

Note de Mulder: