Titre original: | The Fantastic Four: First Steps |
Réalisateur: | Matt Shakman |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 114 minutes |
Date: | 23 juillet 2025 |
Note: |
Il y a une certaine ironie cinématographique dans le fait que Matt Shakman parvienne enfin, avec The Fantastic Four: First Steps, à porter à l'écran une version aboutie de la première famille Marvel, après quatre tentatives très médiatisées et douloureusement inégales. De l'expérience inédite et injouable de Roger Corman en 1994, aux deux films popcorn sans risque réalisés par Tim Story au début des années 2000, en passant par le fiasco de Josh Trank en 2015, enterré sous les ingérences du studio et les dissonances tonales, le parcours cinématographique des Fantastic Four a été marqué par des erreurs de calcul. La première version ressemblait à un projet de foire scientifique qui s'était échappé du laboratoire. Les versions de 2005 et 2007 ont tenté de mettre en scène les dysfonctionnements familiaux à travers un spectacle caricatural, avec notamment un Galactus représenté sous la forme d'un nuage spatial, tandis que le reboot de 2015 visait un réalisme plus terre-à-terre, mais a fini par sombrer sous le poids de sa propre mélancolie. La tragédie de ces films ne réside pas seulement dans leur incapacité à adapter les bandes dessinées, mais aussi dans le fait qu'aucun d'entre eux n'a su croire en l'attrait central de la création de Stan Lee et Jack Kirby : une histoire follement imaginative et résolument optimiste sur une famille dotée de super-pouvoirs qui traverse ensemble des crises personnelles et cosmiques. Les 4 Fantastiques : Premiers pas (The Fantastic Four: First Steps) est le premier film qui, au lieu d'essayer de réinventer la roue, l'a polie jusqu'à ce qu'elle brille comme du chrome.
Dès les premières images de Les 4 Fantastiques : Premiers pas (The Fantastic Four: First Steps), qui se déroule dans l'univers alternatif Earth-828, Matt Shakman affiche clairement ses intentions : il ne s'agit pas d'une énième histoire d'origine sombre, torturée et usée par l'univers cinématographique Marvel. Il s'agit plutôt d'un voyage rétro-futuriste qui mêle harmonieusement l'esthétique pop art des années 1960 à une croyance sincère en la science, l'unité et les liens familiaux. Le montage d'ouverture, conçu comme un journal télévisé vintage avec des extraits d'archives, des interviews de talk-shows vintage et des apparitions médiatiques impertinentes, plonge immédiatement le public dans un monde où les super-héros ne sont pas des justiciers ou des sauveurs cachés dans l'ombre, mais des personnalités publiques, des ambassadeurs scientifiques célèbres et des icônes culturelles. Ce faisant, le film évite les clichés éculés des origines et célèbre plutôt les quatre années d'existence de ces protecteurs et pionniers. Cette décision est la clé de son succès. Au lieu d'une nouvelle explosion de rayonnement cosmique au cours de deux actes, on nous présente des personnages en mouvement, vivants, évolutifs et déjà attachants.
Au cœur de cette nouvelle approche, on trouve les performances uniformément solides des acteurs principaux, même si le scénario ne leur donne pas toujours le souffle qu'ils méritent. Pedro Pascal, dans le rôle de Reed Richards, alias M. Fantastique, trouve le juste équilibre entre le génie pragmatique et le futur père émotionnellement constipé. Son Reed Richards est un homme maudit par le fardeau de la prescience, calculant constamment le pire scénario tout en essayant de maintenir une façade d'espoir. Le film utilise habilement le corps élastique de Reed non seulement pour le spectacle, mais aussi comme métaphore d'un homme qui tente de se disperser dans trop de rôles : leader, scientifique, mari et bientôt père. Vanessa Kirby, quant à elle, livre peut-être la performance la plus émouvante du film dans le rôle de Sue Storm, la Femme invisible. Son parcours, de brillante diplomate à mère farouchement protectrice, est fascinant, et Vanessa Kirby imprègne ses scènes, en particulier celles où elle accouche en apesanteur et appelle publiquement à l'unité mondiale, d'une gravité rare dans les films Marvel. Le fait que sa maternité devienne le centre émotionnel du film est à la fois rafraîchissant et légèrement dépassé, selon le point de vue, mais Vanessa Kirby s'investit tellement dans son rôle qu'elle transcende largement le cliché.
Joseph Quinn, qui incarne Johnny Storm, apporte une touche de charisme et de légèreté bienvenue. Son Human Torch est moins le farceur arrogant des versions précédentes et davantage un héros terre-à-terre, impulsif, polyglotte et réticent, qui forme notamment le lien émotionnel le plus intrigant du film avec l'éthérée Silver Surfer, incarnée par Julia Garner. Leurs scènes, chargées d'un mélange de flirt et de curiosité existentielle, sont parmi les rares qui surprennent vraiment. Ebon Moss-Bachrach, dans le rôle de Ben Grimm, alias La Chose, au cœur brisé mais attachant, est l'âme du groupe. Sa romance naissante avec une enseignante (interprétée par Natasha Lyonne) est une intrigue secondaire mineure, mais qui met en évidence les thèmes humains du film. Bien que l'angoisse existentielle de Ben face à sa transformation ne soit que légèrement explorée, Ebon Moss-Bachrach livre une performance empreinte d'une chaleur qui éclipse la confusion tonale occasionnelle du film.
Sur le plan narratif, Les 4 Fantastiques : Premiers pas (The Fantastic Four: First Steps) s'apparente moins à un film de super-héros qu'à une pièce morale classique de science-fiction. L'arrivée du Silver Surfer, incarné par Julia Garner, qui glisse dans Manhattan comme un fantôme art déco, déclenche le conflit principal : Galactus arrive, et il a décidé que la Terre-828 serait son prochain repas. Interprété avec une dignité inquiétante par Ralph Ineson, Galactus n'est pas une brume spatiale tourbillonnante, mais une figure imposante et divine, assumant pleinement son absurdité de bande dessinée avec son casque en forme de diapason et son air solennel. Et pourtant, plutôt que de simplement menacer de destruction, il propose un marché : si Reed Richards et Sue Storm lui livrent leur bébé, considéré comme un être au potentiel cosmique infini, la Terre sera épargnée. C'est un pacte avec le diable qui plonge les Quatre Fantastiques dans une crise qui n'est pas seulement une question de survie, mais aussi de principe. Le fait que ce film place au centre le dilemme éthique consistant à sacrifier un individu pour en sauver plusieurs, plutôt que de simplement résoudre un problème, le distingue du modèle Marvel habituel.
Malgré cette trame riche, le film pêche parfois dans son exécution. À certains moments, notamment dans la seconde moitié, le rythme s'essouffle sous le poids de ses ambitions. Avec cinq scénaristes crédités, dont Josh Friedman, Eric Pearson, Jeff Kaplan et Ian Springer, le récit donne parfois l'impression d'être un patchwork d'idées : une menace galactique, une crise parentale, une histoire d'amour et une allégorie politique sur l'unité mondiale. Tout ne fonctionne pas. Certains personnages, comme le Silver Surfer, disparaissent de l'intrigue pendant de longs moments, et le dilemme moral, bien qu'intrigant, est résolu avec une netteté presque sitcomique qui sape le poids philosophique qu'il avait auparavant. Néanmoins, le film est suffisamment sincère et visuellement imaginatif pour ne pas sombrer dans l'inertie.
Visuellement, Les 4 Fantastiques : Premiers pas (The Fantastic Four: First Steps)est sans doute le film Marvel le plus marquant depuis Guardians of the Galaxy Vol. 2. La conception artistique de Kasra Farahani est un chef-d'œuvre de construction d'un monde rétro-futuriste. Des voitures volantes à ailerons, des fosses de conversation, des chapeaux pillbox, des ordinateurs analogiques coexistant avec des plateformes de téléportation : tout cela crée un monde qui semble tout droit sorti des couvertures de vieux magazines de science-fiction. Les costumes d'Alexandra Byrne évoquent les couleurs classiques des bandes dessinées sans tomber dans la parodie, et la bande originale de Michael Giacchino oscille entre la fantaisie des barbershops et le tonnerre de l'opéra. Dans ses moments plus calmes, comme lorsque Ben prépare le dîner avec HERBIE ou que Sue lit une histoire à son enfant à naître, le film dégage une chaleur qui semble tout à fait méritée et une texture visuelle qui rehausse même les séquences les plus banales. C'est là que Les 4 Fantastiques : Premiers pas (The Fantastic Four: First Steps)rend véritablement hommage à Jack Kirby. Ce ne sont pas seulement des décors, ce sont des rêves d'un monde meilleur rendus tangibles.
En termes d'héritage, Les 4 Fantastiques : Premiers pas (The Fantastic Four: First Steps) est assurément le baume cinématographique que les fans de longue date des Fantastic Four attendaient depuis des décennies. Alors que la version de 1994 était sous-financée et mise au placard, celles de 2005 et 2007 étaient élégantes mais superficielles, et le reboot de 2015 s'est effondré sous le poids d'une dissonance tonale, Les 4 Fantastiques : Premiers pas (The Fantastic Four: First Steps) comprend que ce qui a fait la résonance de l'équipe au départ, ce n'était pas seulement ses pouvoirs, mais son humanité, son optimisme, ses dysfonctionnements et, finalement, sa capacité à se rassembler quand tout s'écroule. Le conflit central du film, à savoir le choix entre protéger un enfant et sauver une planète, est rendu avec suffisamment de conviction et de splendeur visuelle pour sembler important, même si le scénario trébuche parfois sous le poids de son propre thème.
Si c'est vraiment le premier pas vers une nouvelle phase du MCU, alors c'est une correction de cap bienvenue. L'expérience de Matt Shakman sur WandaVision est clairement évidente, non seulement dans son contrôle de l'esthétique et du ton, mais aussi dans sa volonté d'explorer le genre à travers les personnages plutôt que le spectacle. Reste à voir si les suites futures pourront approfondir la dynamique du groupe ou explorer les recoins les plus sombres du multivers. Mais The Fantastic Four: First Steps est une base prometteuse, qui comprend la valeur de la nostalgie sans s'y noyer, qui honore l'héritage de Jack Kirby tout en osant le colorer de ses propres teintes, et surtout, qui se souvient qu'au cœur de chaque crise cosmique, il y a une famille qui tente de donner un sens à tout cela. Et c'est cela, dans un genre souvent envahi par les dieux et les monstres, qui les rend vraiment fantastiques.
Les 4 Fantastiques : Premiers pas (The Fantastic Four: First Steps)
Réalisé par Matt Shakman
Écrit par Josh Friedman, Eric Pearson, Jeff Kaplan, Ian Springer
Scénario d'Eric Pearson, Jeff Kaplan, Ian Springer, Kat Wood
D'après Fantastic Four de Stan Lee, Jack Kirby
Produit par Kevin Feige
Avec Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Ebon Moss-Bachrach, Joseph Quinn, Julia Garner, Sarah Niles, Mark Gatiss, Natasha Lyonne, Paul Walter Hauser, Ralph Ineson
Directeur de la photographie : Jess Hall
Montage : Nona Khodai, Tim Roche
Musique : Michael Giacchino
Société de production : Marvel Studios
Distribué par Walt Disney Studios Motion Pictures
Dates de sortie : 21 juillet 2025 (Dorothy Chandler Pavilion), 35 juillet 2025 (France), 25 juillet 2025 (États-Unis)
Durée : 114 minutes
Vu le 28 juillet 2025 au Grauman's Chinese Theatre, salle IMAX
Note de Mulder: