Titre original: | Abraham's Boys: A Dracula Story |
Réalisateur: | Natasha Kermani |
Sortie: | Vod |
Durée: | 89 minutes |
Date: | Non communiquée |
Note: |
Abraham’s Boys: A Dracula Story n'est pas le film d'horreur auquel on pourrait s'attendre en découvrant son sous-titre inquiétant. Plutôt que de se complaire dans l'esthétique des crocs et du brouillard traditionnellement associée à Dracula, le film ose réinterpréter l'un des personnages les plus emblématiques de la littérature d'horreur à travers un prisme troublant et introspectif. Réalisé avec une retenue méticuleuse par Natasha Kermani, d'après une nouvelle de Joe Hill, le film dépouille le film surnaturel pour révéler les vrais monstres, ceux engendrés par le traumatisme, l'isolement et un héritage malavisé. Porté par la performance effrayante et discrète de Titus Welliver dans le rôle du légendaire chasseur de vampires Abraham Van Helsing, le film dresse le portrait lent et émouvant d'une famille au bord de l'implosion. Ce n'est pas seulement un film de genre, c'est une histoire de fantômes sans fantômes, un conte de vampires où le plus terrifiant est ce qui reste après que le dernier pieu a été enfoncé.
Se déroulant en 1915, près de deux décennies après la chute du comte Dracula, Abraham’s Boys: A Dracula Story reprend l'histoire de la famille Van Helsing, désormais recluse dans l'isolement aride de la Californie rurale. Le chasseur de vampires autrefois vénéré est désormais un patriarche reclus et instable, hanté non seulement par ce qu'il a fait, mais aussi par ce qu'il croit encore présent dans l'ombre. Titus Welliver, connu pour sa présence imposante à l'écran, livre une interprétation troublante d'un homme dont l'obsession pour les combats passés s'est transformée en paranoïa et en violence émotionnelle. Son jeu ne repose pas sur des éclats, mais sur le poids du silence et des dialogues rigoureusement contrôlés. Quand il élève la voix, celle-ci est tranchante comme une croix aiguisée. Il n'y a aucun répit dans sa maison, seulement une peur persistante transmise de parent à enfant comme une malédiction héréditaire.
Cette atmosphère d'horreur psychologique à combustion lente est à la fois la force et le pari du film. La réalisatrice Natasha Kermani privilégie l'ambiance au détriment du rythme, un choix qui divisera sans aucun doute les spectateurs qui s'attendent à voir des crocs et du sang. Au lieu de cela, nous avons droit à un drame familial imprégné d'une terreur existentielle. La peur ne vient pas ici de vampires rampant à travers les fenêtres, mais de ce qui se passe lorsque le foyer, traditionnellement un lieu de sécurité, devient le lieu même de l'endoctrinement et du contrôle. À travers les yeux des deux fils, Max (joué avec une sensibilité crédible par Brady Hepner) et Rudy (Judah Mackey), nous assistons à une enfance empoisonnée par une peur déguisée en protection. Ces garçons vivent sous la coupe de leur père, dont le passé mythifié les empêche de distinguer la réalité des illusions héritées. À mesure qu'ils commencent à remettre en question la légitimité des affirmations d'Abraham et la moralité de ses méthodes, le film se transforme en une parabole profondément troublante sur le traumatisme générationnel.
Au cœur de cette horreur domestique se trouve la performance nuancée de Jocelin Donahue dans le rôle de Mina, la mère malade dont la descente dans la maladie – qu'elle soit surnaturelle ou psychologique – reste délicieusement ambiguë. Son interprétation évoque les grandes héroïnes gothiques du cinéma passé : à la fois hantée et hantante. Il y a une fragilité dérangeante dans sa présence, le sentiment qu'elle est déjà à mi-chemin entre la vie et la mort, mais qu'elle n'appartient plus tout à fait à ce monde. Sa dynamique avec Titus Welliver ressemble à une collision au ralenti entre l'amour et le contrôle, d'autant plus que sa maladie réveille à la fois son instinct protecteur et ses peurs les plus profondes et les plus sombres. À bien des égards, Mina est le baromètre émotionnel du film, reflétant les forces invisibles, tant littérales que métaphoriques, qui tourmentent cette famille fracturée.
Visuellement, la photographie de Julia Swain est une véritable leçon de maître dans l'utilisation de la lumière et du paysage pour évoquer le tumulte intérieur. Tourné dans un format 4:3, le film donne une impression de claustrophobie malgré le décor californien très ouvert. Les champs blanchis par le soleil et les routes poussiéreuses suggèrent une frontière moribonde, où la civilisation est peut-être en expansion, mais où les horreurs du passé continuent de prospérer en silence. Les scènes diurnes sont particulièrement efficaces, remplies d'une luminosité fantomatique qui contraste avec l'obscurité qui envahit le cœur des personnages. L'utilisation des ombres, de la perspective et des mouvements sobres suggère un cinéaste qui ose laisser le silence parler. Lorsque les séquences nocturnes arrivent, aussi fugaces soient-elles, elles frappent avec une précision inquiétante, comme les murmures d'un cauchemar à moitié oublié.
Cependant, malgré son élégance et la richesse de son thème, le film n'échappe pas entièrement aux pièges de son ambition minimaliste. Le rythme est souvent glacial, en particulier dans les deux premiers actes, où de longs silences ou des répétitions des personnages menacent d'éroder la tension plutôt que de la renforcer. Il y a des moments où Natasha Kermani semble plus intéressée par la suggestion que par la révélation, laissant le public dans l'incertitude. Si cela peut être convaincant en théorie, dans la pratique, cela risque parfois de mener à la stagnation. Ceux qui espèrent une suite palpitante au classique de Bram Stoker pourraient se sentir trompés, surtout compte tenu de l'accent mis par le marketing sur sa filiation avec Dracula. En réalité, ce film s'intéresse beaucoup moins aux vampires qu'aux dégâts causés par ceux qui prétendent les combattre.
Ce décalage entre les attentes et la réalisation est peut-être la plus grande ironie du film, et son rebondissement le plus brillant. Et si Abraham Van Helsing n'était pas un héros, mais un homme tellement brisé par un traumatisme qu'il a transformé sa famille en prisonniers de son propre mythe ? C'est la question posée par la nouvelle de Joe Hill, et le film de Natasha Kermani développe ce thème pour en faire une réflexion profonde, bien que parfois inégale, sur l'héritage, les croyances et les dangers de vivre dans le passé. L'horreur ici n'est pas surnaturelle, mais bien humaine : le gaslighting déguisé en conseils, la paranoïa masquée sous le couvert de la protection, et une famille déchirée par le poids d'un ego démesuré.
À bien des égards, Abraham's Boys: A Dracula Story ressemble à un film anti-Dracula. Il s'abstient de tout spectacle et s'attarde plutôt sur les répercussions inconfortables de l'horreur, longtemps après que le monstre a été vaincu. Il ose remettre en question l'héroïsme de nos légendes du genre, en scrutant les zones morales grises qu'elles laissent derrière elles. C'est une œuvre profonde et dévastatrice, construite sur des performances riches, un scénario subtil et une poésie visuelle. Ce n'est peut-être pas le film d'horreur le plus bruyant de l'année, mais c'est l'un des plus troublants, et ses images – ainsi que ses implications – restent longtemps dans l'esprit du spectateur après le générique. Dans un paysage cinématographique noyé dans la nostalgie, Natasha Kermani nous offre quelque chose de rafraîchissant et d'original : non pas une histoire de Dracula, mais une histoire de fantôme sur l'homme qui prétendait l'avoir tué.
Abraham's Boys : A Dracula Story
Écrit et réalisé par Natasha Kermani
Produit par Tim Wu, James Howard Herron, James Harris, Leonora Darby
D'après la nouvelle originale de Joe Hill
Avec Titus Welliver, Brady Hepner, Judah Mackey, Jocelin Donahue, Aurora Perrineau
Musique : Brittany Allen
Directeur de la photographie : Julia Swain
Montage : Gabriel de Urioste
Sociétés de production : Illium Pictures / Tea Shop Productions
Distribué par RLJE Films, Shudder (États-Unis)
Date de sortie : 12 juillet 2025 (États-Unis)
Durée : 89 minutes
Vu le 25 juin 2025 (screener presse)
Note de Mulder: