Land of plenty - Terre d'abondance

Land of plenty - Terre d'abondance
Titre original:Land of plenty - Terre d'abondance
Réalisateur:Wim Wenders
Sortie:Cinéma
Durée:125 minutes
Date:22 septembre 2004
Note:
Lui, c'est Paul, vétéran de la guerre du Vietnam et ardent patriote. Exposé à l'Agent orange quand il était Marine, il souffre de sérieux troubles psychologiques et d'une paranoïa aiguë. Depuis les événements du 11 septembre 2001 qui ont fait ressurgir les fantômes du passé, il est convaincu que l'Amérique est en état de guerre. En défenseur acharné de son pays, il sillonne désormais les rues de la ville à bord d'une camionnette équipée de micros et de caméras qu'il braque sur tout individu qui lui semble suspect... Elle, c'est Lana, jeune femme profondément chrétienne qui a choisi de vivre en accord avec sa foi. Après plusieurs années passées en Afrique et au Moyen-Orient, elle rentre aux Etats-Unis pour s'engager dans une mission catholique qui vient en aide aux sans-abris. Elle cherche aussi à retrouver la trace de Paul, son oncle...
(Source Allociné)

Critique de Tootpadu

Dans l'après-11 septembre, il y a d'abord eu le choc événementiel, ensuite le social et politique et, enfin, les répercussions plus ou moins directes sur les moyens de représentation et d'énonciation, dont le cinéma. Toutefois, à quelques très rares exceptions près (11'09''01 évidemment), cette date marquante de l'histoire très récente a été progressivement supplantée sur les écrans par les conséquences regrettables qu'elle a engendrées. Ainsi, il ne passe presque plus un mois dans cette année éléctorale américaine sans la sortie d'un documentaire mettant en cause l'engagement en Irak et les méfaits de l'administration Bush. Parmi toute cette agitation militante, on attendait une oeuvre qui aurait pu rendre compte davantage de l'impact sur la société américaine de la chasse aux terroristes que les éternelles images en boucle des "hommes blancs bêtes" et des mêmes experts que l'on voit partout.
Wim Wenders était peut-être le cinéaste idéal pour entreprendre une telle tentative de témoignage sur les mentalités qui évoluent. Originaire d'une Allemagne de l'Ouest qui était largement admirative devant l'Amérique, et conscient du mensonge inhérent au rêve américain qu'il a pu vivre par lui-même (l'aventure Hammett) et qu'il a démasqué à plusieurs reprises (de la façon la plus belle dans Paris, Texas), le réalisateur s'était progressivement transformé en indépendant aux films difficile d'accès ... et parfois franchement mauvais (Million Dollar Hotel). Heureusement qu'il y a eu cette prise de conscience, cette phrase répétée tout au long de la promotion de ce film (en gros, "j'avais le choix entre faire ce film ou quitter les Etats-Unis"), qui prend la forme d'une profession de foi un brin prétentieuse, mais qui nous rappelle la sincérité d'un cinéaste trop souvent enseveli sous ses effets de style pompeux ces derniers temps.
Des formes et des dispositifs lourds, Land of Plenty n'en manque point, avant tout en vue d'une bande son presque abusivement travaillée. Cependant, le cadre alambiqué ne gâche que très rarement le plaisir, voire le soulagement, de voir enfin quelqu'un attaquer les problèmes de cette nouvelle Amérique, post-trauma terroriste, de face. D'ailleurs, le constat et le message que Wenders voudrait probablement transmetter par le biais de la rencontre entre la jeune femme naïve et ouverte et son oncle parano et réac, c'est justement que la peur des attentats n'est qu'une diversion artificielle pour détourner l'attention des fléaux réels et anciens des Etats-Unis, à savoir la pauvreté et la drogue.
Pour rendre cet instantané de la vie américaine plus intrigant et moins didactique, Wenders a plutôt opté pour un ton qui, par l'opposition entre des comportements extrêmes (le fanatisme religieux et militaire/policier), n'est pas dépourvu de moments comiques. Par contre, cette comédie de situation ne se crée jamais aux dépens des personnages, très touchants dans leur humanité et leur idéalisme mal dirigé. Comme dans la séquence mémorable avec une des dernières grandes vieilles dames d'Hollywood encore en activité, le rire que nous inspire le caractère borné de l'oncle se mêle souvent avec une tristesse existentielle, l'assurance du gâchis et même du danger d'un tel comportement.
Alors que l'on commençait à perdre espoir de voir Wim Wenders émerger de son bourbier d'effets de style germaniques, ce pamphlet subtil contre la dégringolade des valeurs de la société américaine nous a rassuré de façon éclatante !

Vu le 22 octobre 2004, au Cinéma des Cinéastes, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu: